"Parlons Vrai chez Bourdin" : la guerre entre la Russie et l'Ukraine s'enlise, la mobilisation des réservistes de la part de Poutine. Mais est-ce le début d'un désordre mondial ? Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po Paris, auteur de "Les Puissances mondialisées. Repenser la sécurité internationale" (Odile Jacob), donne son analyse.
"Parlons Vrai chez Bourdin" : "On ne s’est pas rendu compte qu’il y a un monde nouveau qui poussait"
Vladimir Poutine a annoncé une mobilisation forcée de ses réservistes et menacé de faire usage de l’arme nucléaire. Des déclarations concernant la guerre en Ukraine qui n’ont pas manqué de faire réagir les dirigeants du monde entier, et ont déclenché une session à l’ONU.
Est-ce un véritable "désordre mondial" ? Pas selon Bertrand Badie. "Pour une fois, je ne suis pas d’accord." Il juge que ce terme de "désordre mondial" est utilisé trop souvent "trop vite". "Si on est tellement subjugué par cette idée, c’est peut-être parce qu’on ne regarde pas convenablement ou qu’on ne regarde pas dans la bonne direction", estime le professeur émérite à Sciences Po.
"Il n’y a pas un désordre mondial", juge-t-il. "Il y a un ordre ancien que l’on croit pérenne", et l’on veut qu’il "persiste". "Et on ne s’est pas rendu compte qu’il y a un monde nouveau qui poussait."
Bertrand Badie estime que cette réorganisation en cours "n’est pas aussi brouillonne et chaotique qu’on le dit". Le monde d’avant était "international", celui qui se crée en ce moment est "mondialisé" : "ce n’est plus du tout la même chose". Le monde est aujourd’hui "différent", analyse l’auteur de Les puissances mondialisées, et "il y a des petits problèmes d’adaptation".
La Russie "a perdu la guerre d’Ukraine pratiquement depuis la première semaine"
Au centre des évolutions de ce nouveau monde, il y a Moscou, et par extension la Russie. Véritable puissance mondiale durant la deuxième moitié du 20e siècle, elle a chuté après l’explosion de l’URSS en 1991. Une analyse partagée par Bertrand Badie : "Moscou n’arrête pas de perdre". Or, "dans le jeu international, il ne faut pas perdre trop vite et trop souvent". Ces échecs créent "des crispations" que Vladimir Poutine incarne selon le professeur.
"La Russie qui est sortie de l’URSS, a beaucoup perdu par rapport au temps soviétique", confirme Bertrand Badie. Si Poutine a réussi, durant quelques années, à retrouver un peu la puissance de la Russie d’avant, il "a perdu la guerre d’Ukraine pratiquement depuis la première semaine".
En Ukraine, Vladimir Poutine "a été défié avec succès par la société ukrainienne". Après la panique des premiers jours, "au bout de plusieurs mois, on s’aperçoit que non seulement la Russie a conquis très peu de territoire" mais elle a même "reperdu des territoires". La Russie "enchaîne les défaites", estime Bertrand Badie. Une situation qui est la continuité de ce qui se passe "depuis les années 80".
Les alliances du 21e siècle ne sont plus "pérennes" et "rigides" mais "souples et fluides"
En outre, certains pays d’Asie plutôt alignés avec la Russie, prennent leurs distances d’avec Moscou, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine. Une réalité, selon Bertrand Badie, "qu’il faut mettre d’avantage en lumière". "Le fameux ordre et désordre vient aussi se loger dans cette nouvelle diplomatie."
Néanmoins, de ce côté-là, "pour l’instant, le match est nul". Au contraire : "il ne faut pas trop se réjouir de l’isolement de la Russie", analyse le professeur Badie. Vladimir Poutine a déployé "une stratégie de contournement" très intéressante, selon lui. "Poutine a réussi à inventer des formes nouvelles d’alliances." Elles ne ressemblent pas aux alliances comme l’OTAN, mais plutôt des "connivences" : "des mariages d’un jour, ou d’une semaine".
Le président turc Erdogan ou encore le roi d’Arabie Saoudite, dont les politiques sont opposées à celles de Poutine sur de nombreux points, sont devenus des "relations de connivence" malgré les différences.
C’est peut-être le début des "alliances du 21e siècle". Des alliances qui ne sont plus "pérennes" et "rigides" mais bien "souples et fluides". Ces alliances ont permis à Poutine de "lui éviter le total isolement que les mesures occidentales auraient pu provoquer".
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