Première fac à être entrée dans le mouvement de contestation étudiant le 7 décembre dernier contre le projet Idex, puis la loi ORE, la fac du Mirail de Toulouse a été placée sous tutelle du ministère depuis le 6 mars, une première en France.
Mais aujourd'hui, le blocage est toujours intégral, obligeant les enseignants chercheurs de la maison de la recherche, une antenne de l'université qui compte quelque 30 000 dans les sciences sociales, à faire cours comme ils le peuvent et à faire leurs réunions dans des cafés.
"Nous autres enseignants-chercheurs, ne pouvons plus faire notre recherche puisque nos collections sont enfermées dans la maison de la recherche. J’ai prêté tous mes bouquins personnels à mes étudiants, parce qu’ils ne peuvent plus aller à la bibliothèque depuis avant les vacances de Noël. Il faut vraiment que ça s’arrête et que ça ne recommence jamais", réclame Martine Joly, professeur d'archéologie.
400 personnes travaillent dans cette unité de recherche d’excellence de l’université Jean-Jaurès. Carole Fritz, directrice scientifique de la Grotte Chauvet, ne cache pas son inquiétude : "Les conséquences de ce qui se passe vont être terribles, pour le deuxième campus qui représentait la recherche en sciences humaines en France."
Un avenir incertain et une image qui se dégrade durablement. Florent Hautefeuille est enseignant-chercheur en archéologie : "Je chapeaute un contrat de recherche avec une université américaine, qui a un budget de 550 000 euros, qui repose sur la venue annuelle d’un collègue américain pendant trois mois. Il est arrivé une semaine avant le blocage et il est reparti deux mois après, sans même avoir pu récupérer ses affaires qui sont restées bloquées à l’intérieur."
Des chercheurs et des enseignants de l’université ont demandé à leur ministre d’intervenir et de faire débloquer leurs locaux, demande restée à ce jour sans réponse.
Et la détresse est la même du côté des étudiants qui ne sont pas d'accord avec les grévistes. Lundi, sans surprise et au bout de 5h d'AG, le blocage de l'université Jean-Jaurès a été reconduit jusqu'à jeudi matin. Les grévistes n’ont pas l’intention de bouger tant que le gouvernement ne reculera pas, prévient Aurélie Anne-Thos, l’une des leaders du mouvement : "Pour nous, le but du jeu, est de rentrer dans un rapport de force avec le gouvernement, pour que le gouvernement n’ait pas le choix et soit obligé de retirer sa loi."
En plus du blocage total, qui dure depuis plus d’un mois, c’est tout le fonctionnement de la fac qui est perturbé depuis le 7 décembre dernier. Noémie et Laurie sont en troisième année de lettres modernes et, pour elles, ce blocage est désormais un abus de pouvoir de la part d’une minorité d’étudiants : "On essaie d’en sortir en venant aux AG et en votant contre. Mais ça ne suffit jamais, ça ne suffira jamais. Ils trouveront toujours le moyen de continuer". "Il faut savoir aussi que, nous, on a essayé, en tant qu’élèves, de rouvrir les bâtiments et on s’est fait sortir par la sécurité. Pourquoi les bloqueurs n’ont-ils jamais été sortis par la sécurité ? Il y a quelque chose qu’on ne comprend pas."
Camille, elle, est étudiante en première année de russe et ne sait plus quoi faire pour son année universitaire : "La fac est impraticable. Tout est cassé, dégradé. On ne peut pas faire les examens ici. Et comme on n’a pas eu de cours depuis deux mois, les examens n’ont pas trop de sens."
Hier, les grévistes ont reçu le soutien des cheminots. "Si on vous déloge, ont-ils dit, on vous ouvrira nos gares."
Mercredi, le tribunal administratif doit rendre sa décision sur la requête en référé de 4 étudiants de l'UNI, syndicat étudiant de droit, pour exiger que l'administrateur provisoire, Richard Laganier, utilise ses pouvoirs de police pour faire débloquer la fac.
Les examens de mai, eux, ont d'ores-et-déjà été annulés On parle de juin, voire de juillet, pour les passer au Parc des Expositions, ce qui pose de gros problèmes logistiques, tant sur la sécurité que sur les modalités d'organisation.
Un reportage de Christine Bouillot pour Sud Radio