Philippe Juvin : "Un quart des patients en réanimation aujourd’hui ont moins de 50 ans"
Le nombre de malades du Covid-19 en réanimation en France est toujours très élevé, avec plus de 5.500 patients enregistrés. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Philippe Juvin, explique cette hausse par un délai "entre le moment où les mesures sont prises et le moment où l'on observe une diminution des hospitalisations". Il faudra donc attendre entre "15 jours et trois semaines", pour mesurer les conséquences des nouvelles restrictions.
Chef du Service des Urgences de l’Hôpital Pompidou, Philippe Juvin alerte sur la situation critique en Île-de-France. "45 % des patients chirurgicaux sont annulés aujourd’hui", rapporte-t-il. Certaines opérations vont conduire à un retard dans les diagnostics : "votre cancer de l’estomac, on ne le découvrira que dans deux ou trois mois". "C’est un des éléments de préoccupation majeurs", déplore le médecin.
Les patients qui entrent en réanimation sont de plus en plus jeunes, "la moyenne d’âge en Île-de-France c’est 63 ans", observe le maire de La Garenne-Colombes, soit "un peu plus bas que ce qu’on avait vécu il y a un an". "Un quart des patients en réanimation aujourd’hui ont moins de 50 ans", ajoute le médecin qui confirme "un rajeunissement de la population". Si les pathologies entraînant une comorbidité sont toujours très représentées, Philippe Juvien souligne des exceptions. C’est à cause de "la plus grande virulence du variant britannique", diagnostique-t-il.
"Il faut augmenter les lits de réanimation"
Le troisième confinement a été instauré le week-end de Pâques. "S’il y a des effets, on les verra probablement 15 jours, trois semaines après leur mise en œuvre", souligne Philippe Juvin. Toutefois, le médecin reste sceptique car, mis à part "la fermeture des écoles", les mesures ne le convainquent pas. "Pour le reste, je crois que ce n’est pas la fermeture de quelques magasins, où il y avait déjà des jauges qui étaient respectées, à mon avis qui changera les choses".
Pour le Chef du Service des urgences de l’hôpital Pompidou, le problème est ailleurs, à savoir dans le nombre de lits. L’Île-de-France est bloquée parce qu’il n’y a que 1.300 lits de réanimation, déplore-t-il. "On aurait le double de lits de réanimation, la question de la fermeture de la société ne se poserait pas dans ces termes", assure le médecin.
Le gouvernement avait annoncé une montée en puissance du nombre de lits de réanimation après la première vague en mars 2020, mais rien n’aurait été fait. "Je dis la même chose depuis un an, je suis très constant : il faut augmenter les lits de réanimation", insiste Philippe Jouvin qui dénonce "du pipeau" à chaque déclaration du gouvernement. "Chaque fois qu’on nous annonce quelque chose, derrière ça ne suit pas."
"C’est une vaste plaisanterie".
Il précise en outre que "la macronie m’est tombée sur les épaules" lorsqu’il a demandé en octobre 2020 l’augmentation des lits de réanimation, la majorité déclarant "de toute façon il faut du personnel, on ne l’a pas". Philippe Juvin avait alors conseillé d’aller chercher "des infirmières ou des médecins ailleurs", notamment à l’étranger. Une proposition balayée d’un revers de la main. Or, Emmanuel Macron a annoncé de nouveau en mars 2021 la création de 10.000 lits de réanimation. "Ce que je demande depuis un an et qui soi-disant impossible devient possible en deux jours, c’est une vaste plaisanterie".
S’il concède qu’il y a un "vrai sujet" au niveau du personnel, Philippe Juvin souligne que "ça fait un an qu’on y est". Dans ce laps de temps, la France aurait pu former du personnel, au moins partiellement, ou encore augmenter "considérablement le nombre d’internes dans les services de réanimation" et "faire venir des gens de l’étranger", déplore le médecin.
"Le spot officiel ne répond à aucune des inquiétudes"
La vaccination avance, mais lentement, tandis que la défiance envers les vaccins, notamment l’AstraZeneca, augmente en France. "Il faut avoir une communication qui soit une communication sérieuse", analyse le chef du Service des Urgences de l’hôpital Pompidou. "Est-ce que vous avez vu le début de commencement d’une vraie campagne promouvant la vaccination ?", s'interroge-t-il. Les Français peuvent avoir peur du vaccin, et "le spot doit répondre à ces angoisses", explique Philippe Juvin.
"Or, le spot officiel aujourd’hui, ne répond à aucune des inquiétudes", regrette qu'il n'y "ait pas eu de vraie campagne promouvant la vaccination en France". "Ne vous étonnez pas que les gens soient dubitatifs", prévient Philippe Juvin qui encourage malgré tout à se faire vacciner. "La solution, c’est la vaccination 24h/24, 7j/7, partout en France."
Le maire de La Garenne-Colombe prévoit d'élargir le champ de la vaccination. "Je vais vacciner dans les jours qui viennent, la centaine d'enseignants de ma commune, c'est indispensable", annonce-t-il, estimant que la réouverture des écoles se fera "si on protège les enseignants". "Toute personne qui en a besoin doit pouvoir être vaccinée", insiste Philippe Juvin qui recommande de prendre exemple sur les Israéliens. "Il y a urgence à élargir, et à faire en sorte que tout le monde puisse en avoir", souligne-t-il, jugeant "anormal que l'on jette des doses".
"À chaque promesse on est déçu derrière".
Si le président de la République promet un retour à la normale le 8 mai prochain, Philippe Juvin reste prudent. "Gabriel Attal nous avait promis 15 millions de vaccinés le 20 mars et on nous avait promis 10.000 respirateurs et 14.000 lits en réanimation au mois d'août, je ne crois plus dans les promesses, j'attends de voir", réagit le médecin qui rappelle qu'à chaque promesse "on est déçu derrière".
L'élu Les Républicains se positionne en faveur du maintien des élections départementales et régionales. "On vote partout dans le monde et nous on ne voterait pas à cause de cette épidémie ?", déplore Philippe Juvin qui précise que ce qui a posé problème durant les élections municipales "ce n'est pas le jour du vote mais la campagne". Il appelle à en "tirer les leçons de cette mauvaise expérience" mais à ne pas voir "la démocratie s'arrêter".
À l'Assemblée nationale, une nouvelle loi sur la fin de vie provoque le débat. "Certains veulent du suicide assisté, d'autres veulent réserver ça aux gens tout à fait à la fin de leur vie", déplore le médecin qui estime que l'actuelle loi Leonetti "résout la qualité totalité des sujets quand elle est appliquée". "Ce débat flambe parce que nous souffrons d'un manque de moyen pour soigner des gens que l'on pourrait déjà soigner", analyse Philippe Juvin.