Philippe Juvin : "le risque du déconfinement est l'arrivée d'une deuxième vague, qui est tout l'enjeu"
Pour la première fois, une faible baisse du nombre de patients admis en réanimation a été constatée jeudi 9 avril. Le pic de l'épidémie a-t-il été franchi ? "On ne sait pas si le pic de l'épidémie est franchi, confie Philippe Juvin, Professeur de médecine, chef du Service des urgences de l’Hôpital Pompidou à Paris, à Patrick Roger. Nous notons depuis plusieurs jours une diminution du nombre de patients nouveaux qui arrivent aux urgences. Jusqu'à jeudi 9 avril, le nombre de patients en réanimation était stable, qui avait tendance à s'améliorer, reconnaît-il. On est peut-être au pic, mais dans un vrai pic, si ça monte très vite, ça descend aussi très vite et ici, ça ne baissera pas très vite, on sera probablement sur un plateau qui va durer un certain temps, prévient-il.
Tant qu'on n'aura pas vu les effets du déconfinement, on ne pourra rien dire, explique le Professeur, le risque du déconfinement est l'arrivée d'une deuxième vague, qui est tout l'enjeu. Philippe Juvin rappelle que selon une étude britannique, le confinement a sauvé environ 2.500 vies en France au 28 mars, probablement plus depuis. Le sujet concerne maintenant les gens restés chez eux enfermés, qui se sont protégés, qui ont protégé le système de santé, qui n'ont pas rencontré le virus et qui ne sont pas immunisés. Quand ils vont sortir, le risque est qu'ils s'infectent et il faudrait que ça se fasse, [mais] pas tous en même temps, explique-t-il, pour éviter une deuxième vague.
Face à une épidémie : soit il faut un vaccin, soit qu'environ 75% de la population ait rencontré le virus et soit immunisée, rappelle le Professeur. Tant qu'il n'y aura pas cette proportion importante de Français immunisés, il y aura un risque de redépart de l'épidémie. Et on en est loin manifestement".
"La recherche scientifique semble être prise en otage par le monde médiatique"
Le chef de l'État a-t-il eu raison d'aller voir le professeur Raoult, le défenseur de la chloroquine, jeudi 9 avril ? "Emmanuel Macron est libre d'aller et venir, estime Philippe Juvin. Quand il y avait la guerre, on était content que Clémenceau aille dans les tranchées. Sur le travail du professeur Raoult, je suis ennuyé pour répondre, confie-t-il. Didier Raoult est un scientifique reconnu, ce n'est pas un zozo qui débarque de la planète Mars ! Il faut écouter mais les résultats de son étude sont encore déroutants : sans médicament, 98% des gens atteints du Covid-19 guérissent naturellement et c'est à peu près le taux de guérison observé avec la chloroquine. Pour être certains qu'un médicament fonctionne, et que ce ne soit pas l'effet du hasard ou de l'évolution naturelle de la maladie, il faut comparer ce médicament à rien. C'est seulement en voyant si ceux qui bénéficient de ce médicament guérissent plus vite ou mieux que ceux qui n'ont rien reçu qu'on peut dire que ça marche. Or, ça n'a pas été fait. On observe des taux de guérison importants avec la chloroquine, mais sont-ils supérieurs à ce qu'il se serait passé sans chloroquine ? Je ne sais pas répondre !" insiste-t-il.