Pierre Bentata : "Chacun peut être un peu plus fanatique qu'auparavant"
Vegan, speciste... Existe-t-il actuellement un marketing des minorités ? Pierre Bentata, auteur de "L'Aube des idoles" (ed. de l’observatoire), répond : "Aujourd'hui, on a une multitude de croyances et de formes de religions nouvelles, des tas d'idéologies qui se veulent sociales mais qui sont fondées sur un argumentaire religieux. Mais au-delà de cela, on a une pluralité aujourd'hui qui ne fait que diversifier une offre idéologique ou religieuse qui existait déjà auparavant. Je commence le livre en comparant ainsi avec le débat entre le libéralisme et le communisme. Finalement, on n'en est pas très loin, on a quelque chose qui a explosé et si on parle comme un économiste, on a une offre sur le marché idéologique qui est beaucoup plus importante. Chacun peut y trouver son compte et surtout chacun peut être un peu plus fanatique qu'auparavant".
Quand certains militants antispécistes caillassent des boucheries, est-ce que cela peut être considéré comme du fanatisme religieux ? "La raison pour laquelle je ramène ça à de la religion, c'est qu'on s'éloigne d'un débat politique qui peut être musclé et sur lequel on peut avoir des conflits sociaux et aller caillasser des vitrines. On comprend que l'on peut avoir un action politique qui se traduit par un conflit réel. Là où ça devient religieux, en amont de cela, on a quelque chose qui est complètement éloigné de la réalité, qui abandonne même la réalité. Un exemple pour illustrer : chez les grands pontes de la théorie du genre, on nous dit carrément que le sexe n'existe pas. Et si on répond : 'Je suis un homme, j'ai un pénis' ou 'Je suis une femme, j'ai un vagin', on vous dit : 'Non ce n'est pas vrai, c'est la culture qui vous a fait croire ça'. Et si on parle de biologie, on vous dit que la biologie c'est déjà une pratique scientifique qui est une pratique bourgeoise, de droite et qu'il faut réinventer une biologie, libérée de ce carcan idéologique. Et là, on a quitté le terrain du réel. Le conflit qui peut naître de cela est un conflit religieux. Et cela ne me plaît pas".
La simplification à outrance des idées est un risque
Est-ce alors du déni ? Pour l'auteur, il y a trois phases : "La première est la simplification à outrance de votre idéologie. Plus vous simplifiez et plus les faits ont l'air de vous donner raison parce que vous n'entrez pas dans la complexité de ce qui se passe. À force de simplifier, vous finissez par de simples slogans. On vous dit 'C'est de la faute des riches !' ou 'C'est de la faute du capital !' C'est toujours de la faute de quelqu'un, votre adversaire idéologique. La deuxième étape entre alors en jeu. Une fois que l'on a simplifié, on dit : 'Si vous suivez ma façon de penser, les choses se passeront mieux'. Et quand vous entrez dans le détail, vous vous rendez compte que l'idéologie ne fonctionne pas ou que ce que vous critiquez n'a pas que du mauvais".
Il poursuit : "Presque tout le monde est d'accord pour critiquer la mondialisation. Pourtant, quand il y avait un milliard de personnes sur la planète, il y a avait un milliard de pauvres. Aujourd'hui, il y a sept milliards de personnes, il y a moins d'un milliard de pauvres et ça baisse, ça baisse tous les jours. Quand on dit ça, on vous répond que ce n'est pas possible, les chiffres sont faux. Deuxième étape, on vous dit 'Éloignons le réel et discutons de théorie'. On va alors raisonner de façon évanescente". Enfin, Pierre Bentata évoque l'influence d'Internet et explique notamment : "Les algorithmes des réseaux sociaux vous renforcent dans votre idéologie puisqu’elle vous enferme dans une bulle filtrante".
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