Plus d'un quart des personnes accueillies par le Secours catholique l'an dernier étaient sans ressource, un niveau record, selon l'association qui alerte jeudi sur la difficulté d'accès aux prestations sociales en raison de critères resserrés et de démarches dématérialisées complexes.
Le revenu médian des ménages accueillis par l'association s'est établi à 555 euros par mois en 2023, constate-t-elle dans son rapport annuel.
Au total, 95% des ménages rencontrés vivaient sous le seuil de pauvreté, soit 1.216 euros pour une personne seule.
Surtout, 25,4% d'entre eux étaient sans ressources, un chiffre "record", en hausse de deux points par rapport à l'année précédente. Ils tentent de "survivre grâce à la débrouille et au soutien de ceux qui sont en capacité de les aider".
Cette précarité est notamment la traduction de "l'éloignement de la solidarité produite par l'administration elle-même", selon l'association, qui a accueilli l'an dernier plus d'un million de personnes dont 216.000 familles avec enfants.
Elle alerte ainsi sur "la difficulté à accéder à la protection sociale face à la dématérialisation des démarches administratives", mise en œuvre il y a une décennie et qui a connu une accélération depuis 2017. Ainsi, 13% des ménages rencontrés en 2023 ont exprimé un besoin d'aide pour effectuer de telles démarches, une hausse de 7 points en dix ans.
Ces publics se heurtent à "des sites faits par l'administration et pour l'administration", explique le président du Secours catholique, Didier Duriez. "Ceux qui n'ont pas accès à internet", ceux qui ne comprennent pas" ce qui leur est demandé, ni comment s'orienter dans les méandres administratifs, sont le plus pénalisés.
Résultat: un certain nombre de personnes ne perçoivent pas les aides auxquelles elles ont droit.
Par exemple, plus d'un tiers des ménages français éligibles au Revenu de solidarité active (36,1%) rencontrés par le Secours catholique ne le sollicitent pas, une proportion en hausse de plus de 13 points en une décennie. En ce qui concerne les allocations familiales, près du quart des ménages éligibles ne les perçoivent pas, une part en hausse de presque 10 points depuis 2010.
- "La croix et la bannière" -
"Pour avoir certains organismes au téléphone ou pour obtenir un rendez-vous, c'est la croix et la bannière", déplore auprès de l'AFP Nathalie, aide à domicile de 58 ans en arrêt maladie en raison de la maladie de Charcot.
"À chaque fois, on ne tombe pas sur la même personne, on doit tout reprendre à zéro pour leur expliquer la situation. On doit refaire, refaire, refaire et refaire encore des papiers", ajoute-t-elle. "On se fiche complètement des personnes qui sont isolées ou à petits revenus."
Outre le manque de connaissances ou le découragement face à la difficulté pour effectuer le démarche, la peur d'être stigmatisé explique le non recours à ces prestations sociales.
"Plus on dit dans les médias, au niveau des autorités politiques que ces gens sont des assistés et que ça coûte un pognon de dingue", plus "ça fait des dégâts incroyables", assure Didier Duriez.
Le recul de l'accès à certains droits est aussi le résultat du "durcissement des critères d'éligibilité" à certaines aides, comme le minimum vieillesse, les allocations chômage et le RSA, estime le Secours catholique.
"Si vous ne cochez pas les cases" ou que "vous êtes un petit peu en dehors de la case qui est prévue", le risque est d'entrer dans un "no man's land" où peut s'écouler beaucoup de temps - des mois - avant une réponse de l'administration, met en garde M. Duriez.
Pour remédier à cette situation, l'association demande de garantir un accès physique aux administrations et la mise en place d'une "politique publique de lutte contre les non-recours".
AFP / Paris (AFP) / © 2024 AFP