François Bayrou a appelé mardi ses ministres à la "solidarité" sur fond de cacophonie gouvernementale sur le port du voile islamique dans le sport, et menaces de démission de deux poids lourds de son équipe, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau.
Lors d'un petit-déjeuner à Matignon des soutiens du gouvernement, le Premier ministre a d'abord fustigé "des critiques internes inacceptables" entre ministres et promis d'y "mettre bon ordre", selon un convive.
Dans la foulée, il a convoqué cinq ministres en désaccord sur l'interdiction du port du voile lors des compétitions sportives et les a invités à faire preuve de "solidarité".
S'agissant du voile, le Premier ministre a redit soutenir la proposition de loi du député LR Michel Savin, adoptée par le Sénat en février, qui propose d'interdire le port de signes religieux, notamment le voile, dans l'ensemble des compétitions sportives, y compris au niveau amateur.
Une position appuyée par la ministre Aurore Bergé (Egalité) lors des questions au gouvernement. Notre ligne "est très claire: la lutte déterminée contre toute forme d'entrisme islamiste", a-t-elle martelé.
Juste avant la réunion de Matignon, Gérald Darmanin (Justice) avait mis sa "participation" dans l'équipe Bayrou dans la balance. "On ne peut pas rester dans un gouvernement qui cède sur ces questions-là", avait-il dit au Parisien.
Son collègue à l'Intérieur, Bruno Retailleau, soutient ce texte et propose également d'interdire le port du voile aux accompagnants scolaires.
- "Différences" -
Mais Elisabeth Borne (Education) n'est pas sur la même ligne que ses collègues. Elle a estimé lundi qu'il était de "la responsabilité des fédérations (sportives) de définir leur règlement intérieur".
Sollicitée par l'AFP, la ministre des Sports Marie Barsacq a assuré de son côté qu'elle soutenait la position du gouvernement, après avoir toutefois exprimé des réserves, en mettant en garde contre les "amalgames" entre le port du voile et la radicalisation dans le sport.
La vice-présidente Horizons de l'Assemblée nationale Naïma Moutchou a défendu sur X "la possibilité d'interdire le port de signes religieux dans les compétitions officielles", mais jugé que "ce serait une faute grave" d'interdire le voile dans "toute" la pratique sportive, "y compris dans un club local, un gymnase de quartier, ou un terrain municipal".
"La laïcité, ce n'est pas la négation des différences. (...) Une femme qui choisit de porter le voile et qui veut simplement faire du sport ne met pas la République en danger", a-t-elle jugé.
Le chef de file des députés macronistes Gabriel Attal s'est lui prononcé en réunion de groupe pour une interdiction du voile dans les compétitions sportives, mais sans dire si ça devait passer par la loi.

La ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé, le 18 mars 2025 à l'Assemblée nationale à Paris
Thomas SAMSON - AFP
Sur plusieurs sujets, le gouvernement peine à cacher ses dissonances. Bruno Retailleau a ainsi menacé de quitter le gouvernement si ce dernier renonçait à un rapport de force avec l'Algérie pour qu'elle accepte de reprendre ses ressortissants en situation irrégulière en France.
Le locataire de la place Beauvau multiplie les déclarations virulentes contre Alger, notamment depuis l'incarcération mi-novembre de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal et l'attentat de Mulhouse en février.
- "Réviser" -
Il prône une "riposte graduée" au bout de laquelle il envisage une "remise en cause des accords de 1968" qui donnent un statut particulier aux Algériens en France en matière de circulation, de séjour et d'emploi.
Après avoir menacé de "dénoncer" cet accord, François Bayrou a parlé mardi de le "réviser", jouant davantage la carte de l'apaisement comme Emmanuel Macron.
Des dissensions gouvernementales sont apparues également sur les retraites, depuis que François Bayrou a fermé la porte à un retour de l'âge de départ à 62 ans, mettant en péril l'avenir du "conclave" des partenaires sociaux destiné à revoir la réforme de 2023.
Le ministre de l'Economie Eric Lombard, interlocuteur privilégié des socialistes dans les négociations budgétaires, a tenté d'atténuer les propos du Premier ministre en affirmant que "c'est aux partenaires sociaux de décider" de l'issue des concertations, quand sa collègue au Budget Amélie de Montchalin a jugé "pas réaliste" le retour aux 62 ans face à "l'impératif" d'un équilibre financier conjugué à un nouvel effort militaire.
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Par Anne RENAUT / Paris (AFP) / © 2025 AFP