81 % des sondés sont fiers d'êtres Français. Dans la période actuelle, le chiffre, issu du sondage Ifop-Fiducial pour Sud Radio et Paris Match, pourrait presque passer pour rassurant. À y regarder de plus près, toutefois, les choses sont plus nuancées.Cette fierté d'être Français est très forte (89 %) pour ceux qui sont satisfaits de leur position dans la société, mais l'est beaucoup moins chez ceux qui ne le sont pas (65 %). Un sentiment d'être laissé de côté qui donne à beaucoup de questions de ce sondage un regard beaucoup plus sévère sur la société française.Autre exemple. 69 % des personnes interrogées se définissent avant tout comme Français, contre 13 % comme Européen, 9 % comme un habitant de sa ville ou de sa commune. Et seulement 2 % comme un membre d'une communauté religieuse. Un dernier chiffre qui augmente parmi les non-catholiques (19 %), mais aussi parmi les chômeurs (7 %) et les catégories pauvres (7 %).
Nostalgie et pessimisme
Appelés à se juger eux-mêmes, les Français ont bien souvent une (très) bonne opinion d'eux mêmes et une (très) mauvaise opinion des autres. Ainsi, ils se considèrent travailleurs à 91 %, ouverts à 90 %, cultivés à 79 %, optimistes à 79 %. À l'inverse, ils ne s'estiment que très peu grossiers (12 %), orgueilleux (16 %), racistes (18 %) ou radins (20 %).
Le portrait est tout autre dès qu'il faut qu'ils décrivent leurs concitoyens. D'un coup, le Français moyen devient râleur (88 %), stressé (73 %), pessimiste (63 %), raciste (49 %), grossier (44 %), radin (42 %).
Ce sentiment des Français sur la société à laquelle ils appartiennent laisse également apparaître une certaine nostalgie du passé et un pessimisme par rapport à l'avenir. 73 % des sondés considèrent que la France a perdu de sa souveraineté, 70 % pensent qu'on n'est plus chez soi comme avant et seulement 30 % des personnes interrogées se disent optimistes pour l'avenir. Ils ne sont que 21 % à penser qu'ils vivront mieux dans une dizaine d'années et 14 % avancent que leurs enfants vivront mieux qu'eux. À l'inverse, 69 % des sondés pensent que leurs parents vivaient mieux à leur époque et 34 % pensent même qu'ils vivaient beaucoup mieux.
Pour 87 % des gens, la religion occupe trop de place dans l'espace public
Dans le volet sur le rapport à l'immigration, ainsi qu'à l'Islam, les réponses laissent apparaître de fortes disparités selon la situation sociale des personnes interrogées. 54 % des sondés estiment ainsi que la France doit devenir une société multiculturelle, mais ce sentiment, qui augmente avec le niveau d'études, est partagé par 74 % des sympathisants de gauche contre 36 % des sympathisants de droite et par 67 % des personnes qui se disent optimistes, contre 49 % de celles qui se déclarent pessimistes.78 % des Français estiment que la laïcité est en danger et 87 % que la religion occupe trop de place dans l'espace public.
Si 14 % des sondés confient que leur principale crainte est l'arrivée de nouveaux flux de migrants, 43 % des Français pensent que le pays doit accueillir des réfugiés venant de pays en guerre. Un chiffre qui est de 29 % chez les ouvriers, contre 59 % chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. Même chose parmi ceux qui considèrent que l'immigration rapporte plus à la France qu'elle ne lui coûte (30 % de l'ensemble du panel). Là encore, les personnes qui approuvent cette affirmation sont plus nombreuses lorsque le niveau d'étude augmente.
53 % des Français craignent que les Musulmans ne deviennent des bouc-émissaires
Inversement, 22 % des personnes interrogées considèrent que l'immigration est le principal handicap de la France. C'est le cas de 27 % des personnes qui ont un niveau inférieur au bac, contre 7 % de celles qui étudient dans le 2e ou 3e cycle du supérieur. Ce chiffre grimpe jusqu'à 48 % parmi les sympathisants FN, alors que ce même groupe ne considère qu'à 11 % que le principal handicap de la France soit le chômage.56 % des personnes interrogées jugent même que l'Islam est incompatible avec les valeurs de la société française. Là encore avec de fortes disparités. Ce chiffre est de 40 % à gauche, contre 74 % à droite, de 65 % chez les Catholiques, contre 48 % pour les personnes sans religion. Ce chiffres est donc à nuancer, d'autant que 53 % des Français pensent également que les musulmans sont en train de devenir les bouc-émissaires des problèmes de la société.
Les représentants politiques peu considérés
Fracture identitaire, fracture religieuse, et crise de représentation. Cette enquête d'opinion confirme le sentiment d'une fracture entre les Français et les institutions de la République et la classe politique. Ainsi, le président de la République est considéré comme un symbole d'appartenance à la France par 48 % des sondés, contre 95 % pour la langue française ou 93 % pour l'école publique, gratuite et obligatoire.
Pour 70 % des gens, l'Etat intervient trop et ils ne sont que 6 % à considérer le modèle républicain comme le principal atout du pays. Pour une majorité, la société française est bloquée à cause de l'absence de courage des politiques (35 %) ou de la difficulté à réaliser des réformes culturelles (20 %).Tous ces résultats laissent également apparaître d'importantes différences d'analyse entre différents groupes au sein de la population. Les différences les plus marquées se retrouvent notamment entre les jeunes et les populations plus âgées.
Une fracture générationnelle
Les moins de 35 ans apparaissent ainsi moins fiers d'être français, moins inquiets de la perte de souveraineté du pays ou d'une société qui deviendrait multiculturelle. Ils sont également moins nombreux à considérer l'immigration comme un handicap (15 % chez les 18/24 ans contre 26 % chez les 50/64 ans) ou que l'Islam est incompatible avec les valeurs de la société française (38 % des moins de 35 ans contre 62 % des plus de 35 ans).Des différences d'analyse apparaissent également entre les hommes et les femmes. Ces dernières craignent beaucoup plus le chômage (23 % contre 16 % chez les hommes), connaissent un sentiment d'insécurité plus important (73 %) que les hommes (63 %). Moins optimistes que les hommes, elles sont également moins satisfaites de leur place dans la société française (à 56 %, contre 71 % pour les hommes) et pensent même, à 74 %, que leurs parents vivaient mieux qu'elles.Enfin, les visions de la société qui apparaissent dans ce sondage sont fortement différentes selon que les personnes interrogées appartiennent aux catégories aisées ou aux catégories pauvres. La crainte de l'insécurité, par exemple, est plus forte pour les catégories modestes (74 %) et pauvres (72 %) que pour les catégories aisées (60 %). Les catégories pauvres considèrent plus l'immigration comme le principal handicap du pays, ont une peur plus importante d'une nouvelle vague de migrants, mais, à l'inverse, craignent moins le Front national ou une nouvelle dégradation de la situation économique que les catégories aisées.Enquête réalisée du 16 au 20 septembre 2016, par questionnaire auto-administré en ligne, auprès d'un échantillon de 1505 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus