La phase d'information de Parcoursup s'est ouverte mercredi, avec des nouveautés pour tenter de répondre aux angoisses. Mais la pression scolaire ressentie par les lycéens reste forte, notamment en terminale quand ils doivent formuler leurs choix sur la plateforme d'accès au supérieur.
"On a l'impression que l'enjeu des notes, c'est un peu toute l'année", témoigne Annabelle, 17 ans, en terminale au lycée Turgot à Paris. "Parcoursup reste largement centré sur les bonnes notes, pas forcément sur le travail", ajoute-t-elle. "Ça me rend anxieuse."
Son amie Diane, 17 ans, qui vise psycho ou médecine, dit aussi "être sous pression". "Comme tout le monde", sourit-elle.
Selon un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) publié mi-novembre, les adolescents européens ressentent plus de pression scolaire. Près des deux tiers (63%) des filles de 15 ans et 43% chez les garçons ont déclaré ressentir de la pression en 2022.
En France, "cette pression s'est accentuée ces dernières années avec le double effet du contrôle continu et de Parcoursup", estime Amélie Hart, professeure d'histoire-géographie à Dijon et responsable lycées du Snes-FSU, principal syndicat du second degré.
"Comme les élèves sont très inquiets par rapport à leur orientation et à leur avenir", ils "veulent avoir les meilleures notes possibles", poursuit-elle.
Selon un baromètre CSA de septembre 2024 commandé par le ministère de l'Enseignement supérieur, 83% des jeunes interrogés jugent la procédure "stressante" avant de la trouver "claire" ou "fiable".
- "Peur de l'échec" -
Depuis la réforme de 2019, le bac repose à 40% sur le contrôle continu. Les notes de première et terminale sont aussi déterminantes pour le dossier Parcoursup.
"Le contrôle continu, qui aurait dû être un élément rassurant" car il évite tout faire reposer sur un examen, est "devenu un élément de pression", regrette Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa.
A Paris, des lycéens ont manifesté ces dernières semaines devant des établissements pour dénoncer cette pression scolaire, mettant en avant le suicide début novembre de Félix, élève de terminale dans la capitale.
"Il y avait certainement d'autres choses. C'était pas exclusif", confie son père Cyrille. Mais "il nous parlait beaucoup du lycée et de son univers. Et de ses notes qui allaient altérer son Parcoursup."
Pour Aline Vansoeterstede, docteure en psychologie et autrice d'une thèse sur le burn-out et l'engagement dans le travail scolaire, "les élèves de première et terminale sont clairement très exposés au stress".
"Souvent, ça va être de l'anticipation, notamment sur Parcoursup. Ils ont peur que, plus tard, dans le futur, ils ne soient pas pris dans la formation qui les intéresse", ajoute-t-elle. "Au quotidien, ça va être la peur de l'échec en permanence."
- "course de haies systématique" -
Ce phénomène "est aussi amplifié par le relais de cette inquiétude", par la famille, les médias ou les réseaux sociaux, analyse Joël Capon, secrétaire général adjoint de l'association des psychologues de l'Education nationale.
"Il y a comme l'idée qu'il ne faut pas se louper", dit-il. "Il faut désacraliser tout ça".
De nombreux parents appréhendent aussi ce parcours. "Je me sens un peu perdue dans tout ce qu'il y a à chercher" parmi les 24.000 formations proposées, reconnaît Hélène, mère de Louise, en terminale à Orléans. "C'est quelque chose de très stratégique, qu'il n'y avait pas forcément quand j'étais jeune".
Lancé en 2018, Parcoursup affiche cette année des nouveautés pour mieux informer face aux angoisses: une "carte d'identité" pour chaque formation précisant notamment le nombre de places, ou de nouvelles données sur les taux d’insertion professionnelle. Les candidats auront du 15 janvier au 13 mars pour formuler leurs voeux.
Pour la sociologue Marie Duru-Bellat (autrice de "L'emprise scolaire" avec François Dubet), cette transparence accrue "démocratise l'accès à l'information, ce qui n'est pas négligeable". Mais "dans la mesure où l'on a massifié l'accès à l'enseignement supérieur, la compétition explose", donc "on comprend l'inquiétude des lycéens", ajoute-t-elle.
Le processus d'accès à l'enseignement supérieur français reste "une sorte de course de haies systématique", analyse la sociologue Annabelle Allouch. "On valorise des orientations précoces et les réussites du premier coup", poursuit-elle. "Les réorientations sont possibles, mais sont quand même assez invisibilisées."
Par Sophie LAUBIE / Paris (AFP) / © 2024 AFP