Le café, boisson universelle et véritable rituel du petit déjeuner pour des millions de personnes, est en passe de devenir un luxe. David Serruys, président du Collectif Café et patron des Cafés Proca sur la Côte d'Opale, décrit une situation sans précédent : "En moyenne sur un an, le prix de l’Arabica a augmenté de plus de 75 %. Pour le Robusta, c’est plus de 125 %. Depuis 30 ans, je n’ai jamais vu un tel niveau de marché."
Le Robusta, un grain principalement cultivé au Vietnam, est passé de 1 467 dollars la tonne en 2022 à plus de 4 700 euros en 2024, soit une augmentation de 200 %. Quant à l’Arabica, la variété de café la plus consommée au monde, son prix a atteint 5200 euros la tonne fin novembre 2024, un record depuis cinquante ans.
Chaque grain pèse désormais lourd dans la balance
Cette explosion des prix se justifie par de nombreux phénomènes écologiques et économiques. Parmi eux, un dérèglement climatique sévère. Le Brésil, premier producteur mondial, subit sa pire sécheresse depuis 70 ans, réduisant considérablement les rendements des différentes productions de grain. Au Vietnam, des retards dans les pluies et des sécheresses prolongées ont également affecté les récoltes.
Des productions affaiblies qui font face à une demande mondiale croissante. Un marché du café en pleine ébullition, notamment dans les pays émergents. Cette pression, sur une offre limitée, aggrave les tensions sur les marchés."Le café est aujourd’hui la deuxième denrée mondiale la plus négociée après le pétrole," rappelle David Serruys.
La spéculation sur les marchés financiers n'aide en rien cette situation d'augmentation. En tant que produit très échangé, le café est devenu une cible pour les traders :"Il y a très clairement un intérêt à jouer avec les cours du café." explique David Serruys.
Les consommateurs vont avoir du grain à moudre
En France, le prix du café moulu en supermarché a augmenté de 20 centimes depuis janvier 2024. Une tasse d’expresso en salle atteint aujourd’hui près de 3 euros, contre 1,20 euro il y a 15 ans. Pour ceux qui aiment s'accouder au comptoir, la hausse est inévitable d'après David Serruys :"Il faudra accepter de payer entre 20 et 30 centimes de plus par tasse au comptoir".
Une filière sous pression
Les conséquences pour les professionnels du secteur sont tout aussi inquiétantes. La filière de l’hôtellerie-restauration, déjà fragilisée par la crise sanitaire, est particulièrement éprouvée :"Le commerce traditionnel souffre. Pour les entreprises, il est impossible d’absorber de telles hausses sans répercuter les coûts."
Les torréfacteurs indépendants, quant à eux, font face à une hausse des coûts de production et de transport liée à l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières. La pénurie de conteneurs et les retards portuaires sont des motifs supplémentaires qui font monter l'addition.
Un petit plaisir devenu un grand luxe ?
Face à ces augmentations, les habitudes des consommateurs pourraient être chamboulées : "Le café reste un produit du terroir et un produit de luxe accessible, mais il faut se préparer à consommer moins ou différemment," conclut David Serruys
La tasse de café matinale, symbole de réconfort et de convivialité, est désormais au cœur d’une crise mondiale. Entre contraintes climatiques, logistiques et économiques, l'expresso semble s’éloigner de son accessibilité d’antan. Les amateurs de café devront peut-être s’habituer à mettre la main au portefeuille pour savourer ce plaisir quotidien.