Pas de vaccin français contre le Covid-19 : "Depuis les années 2000, on a désinvesti d’à peu près 30%"
Sanofi a annoncé arrêter le développement d’un vaccin à base d’ARN messager. Faut-il y voir un manque de performances et d’efficacité de la recherche française ? "C’est un constat fait depuis déjà des années, y compris par les pouvoirs publics, estime Frédéric Bizard, économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé. Le Conseil d’Analyse Economique a fait des rapports expliquant parfaitement pourquoi notre recherche, au sens large, a perdu de son efficacité et de sa compétitivité, en particulier la recherche médicale."
"Au niveau de la recherche médicale, depuis les années 2000, on a désinvesti d’à peu près 30%, détaille le président fondateur de l’Institut Santé. Nous avions un budget annuel de 3,5 milliards d’euros, nous en sommes en dessous de 3 milliards, dans une phase où il y avait des ruptures technologiques, où l’on passait des innovations chimiques aux innovations à base de biotechnologie et maintenant génomiques. Au moment où il fallait massivement investir pour maîtriser ces technologies, qui historiquement étaient pour beaucoup inventés en France, comme l’ARN messager dans les années 1960 en France, finalement nous avons décidé de sortir du jeu."
Pas de vaccin français contre le Covid-19 : "Créons un consortium européen avec une base française forte"
"Ajoutez à cela une bureaucratie très importante dans des structures comme l’INSERM, le CNRS, l’ANR. Il y a une multiplication des institutions qui se font plutôt concurrence, constate le spécialiste des questions de protection sociale et de santé. Tout cela est à repenser et je pense que cette crise Covid est un révélateur de la réalité de notre recherche et de notre industrie, la première en Europe jusqu’à la fin des années 2000 et maintenant n°5. Ce virus ne nous apprend rien, mais il nous rappelle où l’on en est. Faudrait-il reconstituer un grand pôle de recherche ? "Je pense que cette technologie de l’ARN messager va probablement dominer un certain nombre d’innovations dans les dix prochaines années", estime le professeur d'économie associé à l'ESCP Europe et à Paris Dauphine.
"Créons un consortium européen avec une base française forte sur l’ARN Messager, allant de la recherche fondamentale jusqu’à la mise sur le marché, insiste Frédéric Bizard. Nous en avons très largement les moyens. Nous avons un parc d’usines obsolète, à 85% tournées vers de vieux médicaments. Faisons de la restructuration industrielle pour créer un pôle d’ARN messager. Cela coûterait 150 millions d’euros et il faut six mois pour le faire. Agrégeons des institutions publiques comme l’INSERM, l’institut Pasteur, et les start-up de la Biotech. Il faut créer un écosystème comme l’ont fait les Américains et les Allemands. Il y a beaucoup de discours, mais pas de volonté politique. Sanofi seule ne pourra pas faire grand chose. À l’Etat français de proposer une vision pour les dix prochaines années."
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