Alors que le mouvement des surveillants pénitentiaires s'amplifie, une soixantaine de gardiens de la maison d'arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) ont décidé d'organiser ce jeudi un blocage de leur établissement afin de dénoncer la surpopulation carcérale et réclamer davantage de moyens. Joint par téléphone, le délégué syndical, Philippe Kuhn nous explique les raisons de la colère.
Pouvez-vous nous décrire la situation sur place ?
On est prêt et les surveillants se mobilisent. Les CRS sont arrivés aussi, donc je pense que l’on va se faire charger comme à Fleury-Mérogis. La direction est sur place et les collègues ont l’air motivés.
Vous êtes nombreux ?
On est déjà une petite soixantaine sur les 150 surveillants que compte la Maison d’arrêt.
Quel est l’objectif du rassemblement ?
On demande dans un premier temps des surveillants notamment à Villepinte, mais aussi pour toute la DI de Paris (Direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris ndlr). On demande également le désencombrement massif de la région parisienne et une prime de fidélisation car nous n’avons pas de surveillants avec de l’ancienneté. Aucun ne reste, tout le monde s’en va et nous avons des jeunes qui sont formés par d'autres jeunes n'ayant que 3 mois de boite. On réclame aussi une réponse pénale adaptée aux agressions de nos collègues, parce qu’à l’heure actuelle elle n’est pas assez forte.
A Villepinte, la Maison d’arrêt accueille de nouveau des détenus ?
Tout à fait ! Depuis vendredi dernier, nous écrouons à nouveau. On était à 1 100 détenus il n’y a pas longtemps et on va refranchir très rapidement ce cap. Donc on se mobilise parce que ce n’est plus supportable, on ne peut pas accepter ça.
Vous avez aussi d’autres demandes, pouvez-vous nous expliquer ?
Actuellement, le maintien des liens familiaux nous empêche d’effectuer des transferts ailleurs que dans la direction interrégionale de Paris. Donc nous avons demandé un assouplissement pour désencombrer toute la région afin de mettre des détenus là où il y a de la place, dans tous les établissements de France qui n’ont pas encore atteint leur capacité d’accueil. Ce n’est plus tenable, on va repartir dans des chiffres astronomiques, on est déjà à 170 % d’encombrement donc on ne va pas pouvoir supporter ça longtemps. C’est agression sur agression. En 15 jours de temps, il y a eu Bois d’Arcy, Fleury, Fresnes. L’un de nos collègues s’est fait "éclater" par trois anciens détenus en face de chez lui et même chez nous, un collègue s’est fait mordre à sang par un détenu.
Pouvez-vous nous expliquer l’article 57 relatif aux fouilles ?
C’est l’article qui nous empêchait de mener des fouilles systématiques. Depuis juin 2016, le ministre Jean-Jacques Urvoas a mis un amendement mais à notre sens il n’a plus lieu d’exister dans sa forme actuelle. Il faut que la direction incite à fouiller les détenus le plus souvent possible.
Quel est le quotidien d’un surveillant à Villepinte ?
Quand vous mettez 1 100 détenus dans une maison d’arrêt qui en contient 580, on double la capacité d’accueil donc on double les problèmes. Quand vous avez 2 détenus minimum par cellules voire 3 ou 4, ce n'est plus acceptable. Les détenus sont de plus en plus récalcitrants et violents, ne peuvent pas accéder aux soins médicaux, ni aux sports. Et au niveau des parloirs, ils n’arrivent plus à obtenir de rendez-vous donc cela génère des tensions. Le quotidien des agents, c’est de se faire copieusement insulter ou agresser. On a une agression tous les 2 jours sur la maison d’arrêt de Villepinte, je vous laisse imaginer ce que ça peut donner.
Est-ce que vous bloquez des quartiers de la prison ce matin, quelles sont concrètement les actions ?
Il n’y aura que les parloirs qui seront autorisés ce matin, le reste ça ne rentrera pas, on ne laissera rien passer.
Vous appelez à un mouvement national ?
Oui, j’ai lancé un appel général à tout le monde pour que l’on puisse élargir ce genre de mouvement à toute la France, parce que la situation est intolérable.
Nicolas Dupont-Aignan se rendra à la prison cet après-midi, qu’allez-vous lui dire ?
Ce qu’on lui a déjà dit par deux fois quand il est venu. Il va s’exprimer, il a compris le problème, on en discutera avec lui.
Propos recueillis par Thomas Giraudeau.