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Procès de l'assassinat de Samuel Paty: "Anzorov a détruit ma vie", affirme un accusé

Yusuf Cinar, dernier des accusés à être entendu au procès à Paris de l'assassinat de Samuel Paty, a résumé le ressenti de ses coaccusés en affirmant dans une lettre à son juge d'instruction lue jeudi à l'audience par son avocate: l'assaillant, Anzorov, l'a "détruit".

Benoit PEYRUCQ - AFP/Archives

Yusuf Cinar, dernier des accusés à être entendu au procès à Paris de l'assassinat de Samuel Paty, a résumé le ressenti de ses coaccusés en affirmant dans une lettre à son juge d'instruction lue jeudi à l'audience par son avocate: l'assaillant, Anzorov, l'a "détruit".

Agé de 22 ans, le jeune Turc originaire d'Evreux (Eure) est le plus fragile de tous les accusés: père "radical salafiste" violent, déscolarisé dès 14 ans, ayant des problèmes de drogue et d'alcool.

Le jeune homme, présenté par l'accusation comme un membre de la "jihadosphère" qui gravitait autour d'Abdoullakh Anzorov, l'assassin de Samuel Paty, sur les réseaux sociaux, s'exprime sans arrière-pensées, presque avec naïveté.

Etait-il "proche" d'Anzorov comme le soutient l'accusation ? "Oui, nous étions voisins", répond-il ingénument à la cour d'assises spéciale. "On n'a jamais trainé ensemble, mangé ensemble". Vous l'appeliez "frère" ? "Bah oui, on s'appelle tous comme ça dans le quartier".

En détention provisoire et à l'isolement depuis quatre ans, il a partagé avec Anzorov un compte Snapchat baptisé Zbrr.

Ce groupe qui diffusait de la propagande jihadiste a publié après l'attentat le message de revendication d'Anzorov avec la photo du corps décapité de Samuel Paty, tué à la sortie du collège où il enseignait le 16 octobre 2020.

"J'ai mis longtemps à comprendre de quoi il s'agissait", affirme Yusuf Cinar, habitué à regarder des vidéos violentes. "J'ai cru qu'il avait téléchargé des images sur Google", dit le jeune homme aux cheveux longs noués en catogan, barbe fournie, veste sombre sur une chemise blanche sans col.

Le soir de l'assassinat, il va devant le domicile des Anzorov. "Vous avez tué mon pote. On n'est pas des terroristes", hurle-t-il avant de se faire interpeller car porteur d'un couteau. Il sera de nouveau interpellé le 18 octobre avant d'atterrir en prison.

Les experts psychiatres qui ont examiné l'accusé évoquent une personnalité "très immature".

- "Coeur brisé" -

Un portrait de Samuel Paty lors d'une cérémonie d'hommage à l'école du Bois d'Aulne dans lequel il enseignait, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, le 16 octobre 2023

Un portrait de Samuel Paty lors d'une cérémonie d'hommage à l'école du Bois d'Aulne dans lequel il enseignait, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, le 16 octobre 2023

Bertrand GUAY - POOL/AFP/Archives

Il pensait que les "douas" (prières) demandées par Anzorov à ses amis avant de passer à l'acte "c'était pour des épreuves scolaires". "Des épreuves scolaires en octobre ?" l'interroge la cour incrédule.

"Je sais pas. Je ne suis allé ni au lycée, ni à l'université. J'ai quitté l'école à 14 ans", répond l'accusé. "Et vous avez fait des +douas+ ?", insiste la cour. "Ben non, j'étais en train de rouler un joint", rétorque-t-il.

Dans son portable, les enquêteurs ont retrouvé une photo du corps d'Anzorov sur lequel Cinar a apposé un émoji "coeur brisé". "Comment j'aurais pu savoir qu'il pouvait faire un attentat... Il avait toujours le sourire", se justifie-t-il.

"Je n'étais au courant de rien. Je n'étais pas au courant du projet. Si je l'avais été je l'aurais avoué", dit-il. "Je suis de tout coeur avec la famille Paty, je le serai jusqu'à mon dernier souffle", poursuit-il avec émotion.

Plutôt que de lui poser des questions, son avocate, Lucile Collot, lit une lettre adressée par son client à son juge d'instruction en février 2023.

C'est un cri de détresse que la cour entend.

"Je suis innocent (...) C'est ça la justice ? C'est ça la réinsertion ? Vous savez c'est quoi l'isolement ? Vous pourrez (sic) même pas tenir 48 heures (...) Je sors jamais en promenade, tous les deux mois on me change de cellule. Ça me détruit le cerveau. Je suis enfermé avec des violeurs, des pédophiles, des tueurs, des terroristes... Comment voulez-vous que je m'en sorte ?".

"Abdoullakh Anzorov a détruit ma vie et vous avez détruit ma vie une deuxième fois. Je vous le dis et redis: je suis innocent".

Poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste, Yusuf Cinar encourt 30 ans de réclusion criminelle.

La parole est désormais et jusqu'à vendredi aux plaidoiries de parties civiles en attendant les réquisitions du parquet antiterroriste prévues lundi.

Le verdict est attendu jeudi ou, plus vraisemblablement, vendredi prochain.

Par Alain JEAN-ROBERT / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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