Béatrice Brugère : "Les fonctions d'autorité, qui sont souvent en prise avec une population dangereuse, sont de plus en plus exposées à la violence"
Une magistrate a été agressée à son domicile, à Versailles, le lundi 17 juin 2019. "Heureusement, son pronostic vital n'est pas du tout engagé, tient à rassurer Béatrice Brugère, secrétaire générale FO Magistrats. Mais elle a de sérieuses blessures, il était question d'une opération. L'enquête suit son cours, tous les moyens seront mis en place pour essayer de trouver les deux agresseurs. Compte tenu des fonctions qu'exerce cette magistrate, on peut subodorer que ce soit en lien avec sa qualité de magistrat".
Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, s'est indignée sur les réseaux sociaux. "Il faut le faire mais ce n'est pas suffisant. Il faut éviter de penser que tous les magistrats seraient victimes d'agressions terribles au quotidien à leur domicile : c'est gravissime mais exceptionnel. Mais il ne faut pas non plus penser qu'il ne se passe rien : il y a au quotidien des menaces, des outrages qui montent en puissance, comme pour les policiers ou l'administration pénitentiaire. Toutes ces fonctions d'autorité, qui sont souvent en prise avec une population dangereuse, sont de plus en plus exposées et c'est très inquiétant.
Il ne faudrait pas s'arrêter juste à cette affaire et passer à autre chose : il faudrait recenser de façon exacte toutes les agressions, les outrages, ce qui n'est pas fait parce qu'il y a une forme de banalisation en interne où les magistrats, comme dans l'Éducation nationale, intègrent une forme de violence."
"Les réseaux sociaux sont un terreau et un terrain de violence et les magistrats seront sans doute des cibles de vengeance"
Quelle solution apporter ? "Ce qui est intéressant, c'est de mesurer la réalité de ce qui est en train de se passer et, surtout, des réponses qui sont données ou pas. En interne, c'est très compliqué pour les magistrats : ils sont peu informés de leurs droits, il y a une lourdeur administrative sur les protections fonctionnelles, il y a peu de protection policière et il est très compliqué d'évaluer la réalité d'une menace, entre les menaces d'énervement et celles qui sont sérieuses, compte tenu de nos fonctions et du public qui est le nôtre."
On ne peut pas mettre des policiers derrière chaque magistrat et chaque président de cour d'assises. "C'est pour ça qu'il faut déjà bien évaluer la réalité de la menace. Ensuite, il faut faciliter, pour les magistrats, l'accès à des protocoles plus simplifiés et moins administratifs. Il y a parfois, dans la hiérarchie, une inconscience de cette menace et aucune prise de décision adaptée. Je suis presque étonnée qu'il n'y ait pas plus d'incidents.
Il faut bien être conscient aussi des risques à venir des chantiers de la Justice avec la réforme en cours : tout va être numérisé et tout le monde aura accès au nom des magistrats qui auront rendu des jugements. Nous avions demandé l'anonymisation parce qu'il y a une violence qui est en train de se divulguer sur les réseaux sociaux qu'il ne faut pas minimiser. Les réseaux sociaux sont un terreau et un terrain de violence et les magistrats seront sans doute des cibles de vengeance."
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