Les ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et de la Justice Didier Migaud sont à Marseille vendredi pour annoncer en fin de matinée des mesures destinées à renforcer la lutte contre le narcotrafic, fléau grandissant contre lequel l'exécutif appelle à une "mobilisation générale".
Les deux hommes ont choisi de dévoiler leur plan contre la criminalité organisée dans la cité phocéenne, théâtre d'une guerre de territoire sanglante entre gangs de narcotrafiquants.
"La menace s'est amplifiée et nécessite que l'État s'arme davantage", a lancé le garde des Sceaux dans un entretien à La Provence vendredi, qui veut "agir immédiatement pour apporter une réponse ferme".
"Les saisies de cocaïne ont été multipliées par cinq en dix ans, les drogues les plus dures sont disponibles sur tous les territoires et tout le temps. Le rajeunissement des personnes qui tuent et qui sont tuées est effroyable. Le narcotrafic est une cause racine de la violence et de la corruption", a abondé Bruno Retailleau.
Ils seront reçus par le maire de la ville Benoît Payan puis se rendront à la préfecture des Bouches-du-Rhône où ils rencontreront des associations et des familles de victimes d'assassinats liés au trafic de stupéfiants.
M. Retailleau rencontrera ensuite les troupes de police des quartiers Nord tandis que M. Migaud ira à la prison des Baumettes et, plus tard, au tribunal judiciaire de Marseille, où il échangera avec les chefs de cour et de juridiction et les personnels de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS).
Après plusieurs fusillades meurtrières liées aux trafics de drogue, Bruno Retailleau avait promis une "guerre" longue et sans merci contre ces trafics, dont le chiffre d'affaires est estimé entre 3,5 et six milliards d'euros par an en France.
Les mesures ont déjà été passées en revue jeudi lors d'une rencontre entre les deux ministres et le chef du gouvernement Michel Barnier.
- "Intérêts fondamentaux de la Nation" -
Le plan comprendra "une meilleure organisation des juridictions spécialisées, de nouveaux moyens d'enquête pour les forces de l'ordre et les magistrats", des "mesures complémentaires" sur les détenus, les mineurs et les contenus illicites en ligne, a détaillé le Premier ministre sur X.
Les deux hommes devront chercher "un consensus transpartisan" à partir de la proposition de loi des sénateurs Etienne Blanc (LR, Rhône) et Jérôme Durain (PS, Saône-et-Loire), qu'il a reçus la semaine dernière.
Le texte, qui doit être examiné le 27 janvier par le Sénat, propose notamment de recalibrer l'Office antistupéfiants (Ofast) en une véritable "DEA à la française", du nom de l'agence américaine de lutte contre la drogue, et de créer un parquet national antistupéfiants (Pnast).
Insoumis et socialistes ont mis parallèlement sur la table un certain nombre de propositions pour lutter contre la criminalité organisée et le trafic de drogue, dont la légalisation du cannabis, une "approche sanitaire" et des moyens supplémentaires.
Sur le terrain, les attentes sont énormes. "Si on sonnait la fin de ce show qui a débuté il y a plusieurs mois ? Plusieurs ministres sont venus, Emmanuel Macron est venu et, finalement, chaque fois, avec la même réponse: plus de police, plus de répression et aucun résultat (...) Ce que les gens demandent, c'est qu'on parle de leur logement, de la sécurité dans les quartiers, de la responsabilité des bailleurs sociaux", s'est indigné Amine Kessaci, porte-parole de l'association "Conscience", sur RTL.
"Il faut revoir les textes, les organisations et les moyens en réponse à une violence devenue sans limite, à la corruption des esprits et des pratiques, à la force de frappe financière des réseaux", a estimé auprès de l'AFP Franck Rastoul, procureur général de la cour d'appel d’Aix-en-Provence. Une autre source judiciaire a évoqué "une asphyxie de l'appareil judiciaire", indiquant que rien que sur Marseille, "750 détenus et mis en examen" relèvent de la criminalité organisée.
"La lutte contre le narcobanditisme est une grande cause nationale et il faut changer de braquet. Mais est-ce que le contexte budgétaire le permet ?", s'interroge-t-elle.
En 2023, 49 morts liés au narcotrafic avaient été recensés à Marseille, dont sept mineurs, un record. La plupart de ces meurtres avaient eu lieu sur fond de guerre opposant les gangs DZ Mafia et Yoda pour le contrôle des points de vente de drogues.
Depuis le début de l'année, 17 narchomicides ont été décomptés dans la ville. Cette guerre des gangs implique des adolescents de plus en plus jeunes.
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Par Eleonore DERMY / Paris (AFP) / © 2024 AFP