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Richard Ferrand, le dernier grognard de Macron près de devenir Sage

Il se serait imaginé "éteindre la lumière" des quinquennats d'Emmanuel Macron comme Premier ministre, mais Richard Ferrand, fidèle d'entre les fidèles du chef de l'Etat, va concourir pour la direction du Conseil constitutionnel. Une consécration pour cet ex-président de l'Assemblée issu de la gauche, resté un influent entremetteur politique.

STEPHANE DE SAKUTIN - AFP/Archives

Il se serait imaginé "éteindre la lumière" des quinquennats d'Emmanuel Macron comme Premier ministre, mais Richard Ferrand, fidèle d'entre les fidèles du chef de l'Etat, va concourir pour la direction du Conseil constitutionnel. Une consécration pour cet ex-président de l'Assemblée issu de la gauche, resté un influent entremetteur politique.

Vendredi 13 décembre 2024, 10H30, un nom s'affiche sur le téléphone de Richard Ferrand: François Bayrou. "Richard, il nous faut nous voir", souffle le patron du MoDem, à peine sorti du bureau d'Emmanuel Macron où il tente d'arracher sa nomination comme Premier ministre.

Pourquoi, en plein bras de fer, M. Bayrou passe-t-il une heure à écumer sa colère dans un appartement de la rive gauche de Paris ? Car il sait Richard Ferrand l'un des rares capables de décoder la psyché élyséenne, après dix années à cotoyer Emmanuel Macron.

"Il a un positionnement unique auprès du président qui est de pouvoir vraiment tout lui dire, sans filtre, et le président l'écoute pour de vrai. Ce lien-là je ne l'ai jamais vu s'éteindre", témoigne l'ancien ministre Stanislas Guerini.

Le président Emmanuel Macron et Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale, le 5 avril 2022 à Spézet, dans le Finistère

Le président Emmanuel Macron et Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale, le 5 avril 2022 à Spézet, dans le Finistère

LUDOVIC MARIN - AFP/Archives

Un poids que M. Ferrand, 62 ans, s'emploie à minimiser auprès de ses interlocuteurs, faisant valoir qu'il y avait "des sujets sur lesquels" il pouvait "emporter la conviction" du président. "D'autres, ce sont des bouteilles à la mer", s'amuse-t-il.

Sans mandat électif depuis 2022, désormais à la tête d'une société de conseil, M. Ferrand n'en conserve pas moins un pied en politique, au point d'être maintes fois cité pour Matignon.

Il est aperçu devisant avec François Hollande devant Notre-Dame le jour de la réouverture, à une table de restaurant avec les ex-ministres Eric Dupond-Moretti et Olivier Dussopt, tandis que fuitent des bribes de ses échanges avec Nicolas Sarkozy...

Et cet adepte de la formule ciselée, amateur de bonne chère et de rugby, d'ironiser sur le taux de remplissage de sa messagerie à l'heure des remaniements, ou sur les floraisons de mots doux - et intéressés - qu'on lui susurre à l'adresse du président, y compris d'opposants notoires.

- Garant -

Du commando originel qui a contribué à amener M. Macron au pouvoir en 2017, beaucoup ont pris le large, usés, déçus voire balayés par les affres de la politique. Mais Richard Ferrand, qui végétait au mitan des années 2010 dans le marais des députés socialistes avant d'être propulsé sur le devant de la scène par l'aventure macroniste, est arrimé dans la garde rapprochée.

L'entrée du Conseil constitutionnel à Paris, le 23 janvier 2024

L'entrée du Conseil constitutionnel à Paris, le 23 janvier 2024

STEPHANE DE SAKUTIN - AFP/Archives

Y compris après sa défaite aux législatives de 2022, après dix ans de mandat dans le Finistère où cet Aveyronnais d'origine avait jeté l'ancre.

Y compris aussi après avoir essuyé dès l'été 2017, tout juste nommé ministre de la Cohésion des territoires, une tempête judiciaire avec le dossier des Mutuelles de Bretagne. Mis en examen pour "prise illégale d'intérêts", il a vu le feuilleton se clore en octobre 2022, la Cour de cassation confirmant la prescription de faits que M. Ferrand estime de toutes façons "pas établis".

Père de deux jeunes filles et d'un fils plus âgé issu d'un premier mariage, cet ancien journaliste et dirigeant d'une agence de graphisme s'est souvent dit meurtri par cette affaire. Cela l'a aussi amené à réserver sa réponse pour se porter candidat à la présidence du Conseil constitutionnel.

Pas tant une question d'envie: comment refuser de s'inscrire dans les pas de Laurent Fabius et Jean-Louis Debré, qui furent également ses prédécesseurs à la présidence de l'Assemblée ? Une manière aussi de se poser en garant des institutions en cas d'arrivée de forces populistes à l'Elysée en 2027.

C'est lundi qu'Emmanuel Macron devrait proposer son nom pour la présidence du conseil constitutionnel, en même temps que Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher désigneront deux autres de ses membres.

Ses ennuis passés pourraient-ils amener députés et sénateurs à rejeter la candidature de M. Ferrand ?

"Je pense qu'il prend une banane à la fin", prédit une ancienne ministre, notant que l'ombre portée d'Emmanuel Macron ne représentait guère un avantage.

L'adversité pourrait-elle même venir de son camp, où la page Macron commence à se tourner, avec la prise de contrôle du parti par Gabriel Attal ? Visant notamment M. Ferrand, l'entourage de l'ex-Premier ministre avait d'ailleurs moqué l'an dernier dans la presse l'influence des "boomers" qui voudraient faire de la Ve République un "Ehpad".

A l'inverse, un cadre de la majorité fait valoir l'expérience au Perchoir (2018-2022) de M. Ferrand "qui a plutôt donné le sentiment de respecter chacun". Avant de tempérer: "Comme on est dans un moment politique où tout le monde veut faire la peau de tout le monde, on ne sait pas".

Par Jérémy MAROT / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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