Suite à plusieurs attaques de troupeaux de brebis dans les Pyrénées, des élus de l'Ariège mais aussi des éleveurs locaux ont récemment fait part de leur colère, réclamant l'évacuation des ours implantés dans la région. Une situation sur laquelle revient Sabine Matraire, vice-présidente de FERUS (association nationale de protection et de conservation de l'
Bonjour Sabine Matraire ! Après la mort de plusieurs centaines de brebis suite à l'attaque d'un ours mais aussi l'agression dont ont été victime des agents des forêts, comprenez-vous la colère des élus de l'Ariège et des éleveurs qui réclament l'évacuation des ours ?
On peut le voir différemment mais non je ne comprends pas. Après, on a l'habitude. Je pense que le fait que Nicolas Hulot soit le ministre de la transition écologique est lié aux actions actuelles (des éleveurs et élus ariégeois) puisque nous avons le petit espoir d'avoir enfin un ministre qui relance le renforcement de la population d'ours dans les Pyrénées. C'est indispensable si on veut garder cette espèce protégée sur notre massif. Donc évidemment, l'opposition à l'ours ressort finalement toute son "organisation" passée, c'est-à-dire les élus ariégeois qui s'expriment majoritairement pour le retrait des ours. Mais ça ne date pas d'hier, ça fait 20 ans que ça dure. Il y a toute une démagogie au niveau des annonces d'indemnités au titre de l'ours. Quand on lit par exemple qu'il y a des centaines de brebis qui ont été attaquées par des ours, il faut replacer le dérochement de mi-juillet dans son contexte. Seule une brebis a été attaquée par un ours et on ne remet d'ailleurs pas du tout en cause ce cas, ça arrive et on le dit toujours, le risque zéro n'existe pas. Mais les 208 autres brebis ont été apeurées semble-t-il par cet événement et se sont jetées de la falaise. Ce n'est pas l'ours lui-même qui les a attaquées.
Peut-on réussir à concilier la protection des espèces et le travail des éleveurs ? Comment mieux protéger les troupeaux ?
Avant de mieux protéger, il faut d'abord commencer à... protéger ! Le troupeau où il y a eu le dérochement de 208 brebis ne bénéficiait d'aucun moyen de protection. Pas de chien de protection, pas de présence de gardiennage et pas de regroupement nocturne. C'est pourtant le triptyque qui fonctionne. Sur toutes les estives où ce triptyque est mis en place, ça diminue grandement, voire annule, les dégâts.
Combien y a-t-il d'ours aujourd'hui dans les Pyrénées ?
Le dernier relevé de l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage, qui s'occupe du suivi, fait état de 39 ours : 37 côté Pyrénées centrales et 1 à 2 côté Pyrénées occidentales.
On parle des ours mais il y a également les loups avec là aussi une protection renforcée depuis quelques années pour la réintroduction. Où en sommes-nous ?
Dans les Pyrénées et notamment en Ariège, il y a eu zéro dégât en 2017, pas d'indemnisation au titre du loup. Il y en a toujours quelques-uns, notamment dans les Pyrénées orientales : 3 à 4 loups erratiques, il n'y a pas de meute. Et ce sont des loups qui sont relativement sages puisqu'au 31 juillet les chiffres officiels font état, pour les Pyrénées orientales, d'une attaque pour un total d'une bête indemnisée au titre de loup.
Pour en revenir à la situation générale, vous, vous pensez que derrière toute cette opposition se cache les arguments politiques d'une fronde contre Nicolas Hulot ?
C'est le sentiment que ça me donne oui ! En fait, l'opposition à l'ours a pour habitude de se mobiliser lors d'un événement : quand il y a des dérochements de brebis et quand bien même l'ours n'est pas responsable. Évidemment, et on peut le reconnaître, quand vous avez des dizaines de brebis qui meurent, c'est un coût financier pour l'éleveur. Et en Ariège, ils ont bien compris depuis des années qu'en hurlant et qu'en faisant des manifestations ou autre, ils arrivent à faire passer de gros dégâts sur l'indemnisation de l'ours alors que ce dernier n'y est pour rien. La présence de l'ours est utilisée plutôt comme une assurance tous risques puisque dans tous les autres cas, les animaux ne sont pas indemnisés, ça fait partie des pertes sèches des troupeaux. Les données de la profession agricole estiment que chaque année, sur les 570 000 ovins présents dans les Pyrénées, 18 à 30 000 brebis meurent chaque été de chutes, de la foudre, de maladies, du manque de soin aussi. Il faut savoir que les plus grands prédateurs des brebis aujourd'hui sont les asticots.