Sara Daniel et Benoît Kanabus sont allés à la recherche de Marie, vendue treize fois comme esclave sexuelle au sein de l'État islamique. Alors que la journaliste de L'Obs attendait la bataille de Mossoul en décembre 2016, elle reste coincée à Karakoch, la ville des chrétiens d'Irak qui venait d'être libérée. C'est dans cet atmosphère très lourde qu'elle entendit pour la première fois l'histoire de Marie.
"Elles étaient les invisibles de cette histoire"
Une histoire qui a "saisi d'horreur" les deux journalistes qui ont aussitôt projeté d'écrire ce livre. "En situation de guerre, on ne parle pas forcément des femmes, c'est surtout les hommes qui sont sur le front, elles étaient les invisibles de cette histoire", témoigne Sara Daniel qui a donc voulu prendre le contre-pied en "mettant le focus sur les femmes et les chrétiens d'Orient en train de disparaître dans cette région". Ils étaient en effet 1,5 million de chrétiens en Irak, dont un tiers à Bagdad, ils ne sont désormais plus que 500.000 dans tout le pays.
Lorsque Marie fut enfin libérée, elle se trouve à la frontière du Kurdistan. Transférée à Erbil, la capitale, elle y trouve refuge avant d'être récupérée par sa famille. "Ça a mis du temps pour qu'elle nous parle, de longs mois", confie la journaliste qui arrive dans une période où l'ancienne esclave tente de se reconstruire. Ses sévices auront duré au total plus de deux années, "rien à voir avec les autres esclaves Yézidis", compare-t-elle.
"Une succession d'horreurs"
Sitôt convaincue, "elle voulait qu'on écrive tout", rapporte la journaliste qui se retrouve très vite avec "100 pages de notes". Une volonté qui sera en partie respectée, "il y a une succession d'horreurs dont on n'a pas voulu faire l'économie dans le livre", révèle Sara Daniel. "C'est un des premiers livres où on n'omet rien, les choses sont détaillées mais aussi recontextualisées, on parle des mythes des chrétiens d'Orient et de la question de Dieu", explique-t-elle. Ce qui a sauvé Marie, c'est d'ailleurs sa foi et "sa volonté de vivre incroyable".
Concrètement dans sa vie de tous les jours, Marie s'appuyait surtout sur les propres lois de l'État islamique. "Il y a tout un tas de lois qui régissent cette horreur", surprend Sara Daniel. Un manuel de l'esclave, comme "une convention de Genève du djihadisme", qui dit par exemple "que l'on peut partager une esclave à plusieurs, mais on n'a pas le droit de la consommer à plusieurs, il faut que l'un la cède à l'autre", explique la journaliste. C'est sur ces "tables de la loi" que va s'appuyer Marie lorsque les sévices seront trop importants, "en portant ses propriétaires devant le juge islamique", révèle-t-elle. "Et quand ce n'est pas respecté, les hommes peuvent aller encore plus loin dans la barbarie", prévient Sara Daniel.
Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.
Retrouvez André Bercoff et ses invités du lundi au vendredi sur Sud Radio, à partir de midi. Toutes les fréquences de Sud Radio sont ici !