Sébastien Le Fol : "On labellise ce qui est chic et ce qui n’est pas chic"
Pour Sébastien Le Fol "ce n’est pas un hasard si en France on parle de l’expression acquérir ses lettres de noblesse". Selon l'auteur, le succès en France doit être légitimé. La France est l’un des pays occidentaux où le diplôme obtenu à l’âge de 20 ou 25 ans détermine la place de l’individu dans la société. Selon le directeur de la rédaction du Point, cette place est également "attribuée par des cénacles ou des corporatismes". Ce système de "brevetage de la réussite" est l’héritage de la société de cours mêlée à la société corporatiste.
"On labellise ce qui est chic et ce qui n’est pas chic" déclare l’auteur de Reste à ta place. Sébastien Le Fol prend l’exemple de Jean-Paul Belmondo, décédé lundi 6 septembre 2021, qui est passé par l’observatoire et qui a commencé sa carrière avec des films d’auteurs. Belmondo a été accusé par la critique, à la sortie de L’As des As, de détourner les Français de vraies œuvres cinématographiques. Selon le journaliste, "Belmondo a échoué à réunir Arte et le film du dimanche soir".
"Il y a une différence très nette entre l’héritage de la culture ouvrière et les autres"
"J’ai remarqué qu’il y a une vraie différence entre ceux qui viennent d’un milieu ouvrier, et les autres" déclare Sébastien Le Fol au micro d’André Bercoff. Pour l’auteur, la fierté des gens qui ont baigné dans une culture ouvrière est marquante, on la retrouve notamment chez Anne Hidalgo ou encore chez Olivier Dussopt, le ministre du Budget. Le directeur de la rédaction du Point explique en utilisant son propre grand-père en exemple, qui était délégué de la CGT au centre d’études atomiques, que chez les communistes, s’il y avait une grande fierté, c’est aussi car il y avait une grande culture. "Dans la bibliothèque il y avait les œuvres complètes qu’il fallait avoir, comme Tores et autres, et on lisait", explique-t-il. "Il y a une différence très nette entre l’héritage de la culture ouvrière et les autres" ajoute l’auteur.
Le livre Reste à ta place de Sébastien Le Fol, publié aux éditions Albin Michel, parle du système de reconnaissance Français et cherche à répondre à la question : "Comment reconnaît-on le mérite des Français ?" L’auteur espère soulever un scandale avec ce livre, pour lui, le mépris paralyse et assigne à résidence une partie de la population française. Aujourd’hui, beaucoup de Français "renoncent, s'auto censurent parce qu’ils entendent cette phrase ‘Reste à ta Place!’, parce qu’ils n’ont pas les bons codes, les bonnes opinions, les bons diplômes, les bons réseaux".
"Ne jamais avoir l’air étonné c’est composer un personnage et finir par s’oublier"
"On touche le cœur du mal français", déclare Sébastien Le Fol, pour qui le mépris est la source de tout ce qui ne va pas dans le pays. "Avant d’étudier l’opinion ou l’analyse, on analyse la place de l'émetteur", juge le journaliste. Pour illustrer ses propos, l’écrivain utilise la phrase du philosophe Marcel Gauchet "il y a des opinions chics et il y a des opinions ploucs dans le débat".
D’après Sébastien Le Fol : nous trouvons le bon enseignement dans l’itinéraire d’un enfant gâté avec Belmondo : "Ce qui est important dans la vie c’est de savoir dire Bonjour et de ne jamais avoir l’air étonné". "C’est terrible : ne jamais avoir l’air étonné c’est composer un personnage et finir par s’oublier" explique l’auteur. Sébastien Le Fol qui est journaliste explique que le milieu dans lequel il travaille est très codé. Il a lui-même dû se fondre dans ce milieu, essayer de mettre ses pas dans ceux des autres et de créer un nouveau personnage. "Ce livre est un moyen pour moi de faire voler en éclats ce personnage et de dire : soyons qui nous sommes et assumons nous", déclare le journaliste.
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