La cour d'assises de Seine-Saint-Denis a commencé mardi à juger un homme pour le meurtre de sa femme en novembre 2021 à Épinay-sur-Seine à sa sortie de détention, un féminicide retentissant qui a conduit la justice à revoir ses protocoles.
Khalid Fahem encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre par dix-sept coups de couteau de Bouchra Bouali, neuf jours après sa sortie de prison où il purgeait une peine pour violences conjugales. Une libération anticipée de trois semaines dont la justice avait oublié d'informer la victime, qui bénéficiait de protocoles de protection.
Quinquagénaire petit et maigre, lunettes double pont soulignant son visage fin, Khalid Fahem a débuté l'audience en se disant "désolé" et "encore perturbé" par le meurtre de Bouchra.
Depuis qu'elle avait annoncé à son mari au printemps leur rupture, cette propriétaire d'un magasin de vêtements "vivait vraiment dans la terreur", a noté à la barre la directrice d'enquête de la police judiciaire de la Seine-Saint-Denis.
Au cours des mois précédant le drame, cette mère de 44 ans avait dénoncé dans trois plaintes successives les menaces de mort récurrentes proférées par son mari. Celles-ci avaient valu à l'accusé deux séjours derrière les barreaux et entraîné le suivi de sa femme par les dispositifs socio-judiciaires de protection des victimes de violences conjugales en grand danger.
L'ancien physionomiste de discothèque "avait le sentiment d'avoir été incarcéré à tort, d'avoir subi les foudres de sa femme", a souligné l'enquêtrice devant la cour.
"C'est la raison pour laquelle il était complètement obsédé par sa femme pendant toute sa période d'incarcération, il ruminait ces faits", a-t-elle ajouté. "On a l'impression qu'il sortait de prison uniquement pour +finir le travail+, c'était son seul but."
Le 26 novembre 2021 au soir, alors que sa femme ignore qu'il est sorti de détention, Khalid Fahem la surprend avec un couteau de cuisine au pied de la tour d’Épinay-sur-Seine où elle habite.
Sortant l'arme du crime de l'enveloppe des scellés, l'huissier a montré à la cour d'assises une lame déformée par la violence des coups.
Le verdict est attendu vendredi.
Le retentissement de ce crime a amené le ministère de la Justice à prendre un mois plus tard un décret ordonnant aux autorités d'informer systématiquement les victimes de violences conjugales de la sortie de détention d'un conjoint violent et de s'interroger sur les mesures de protection à prendre.
En moyenne, un féminicide survient tous les trois jours en France. Selon le ministère de la Justice, il y en a eu 94 en 2023, contre 118 en 2022.
AFP / Bobigny (France) (AFP) / © 2024 AFP