La vie reprend tant bien que mal mercredi à Mayotte, avant une deuxième nuit sous couvre-feu, mis en place pour assurer la sécurité et éviter les pillages après le passage meurtrier du cyclone Chido dans l'archipel, où Emmanuel Macron est attendu jeudi.
Selon un bilan provisoire du ministère de l'Intérieur, le cyclone a fait 31 morts et 1.373 blessés, même si les autorités anticipent un nombre de victimes beaucoup plus important dans le département le plus pauvre de France, où les secours continuent d'affluer, quatre jours après la catastrophe naturelle.
Sur l'archipel au paysage défiguré, les habitants des quartiers précaires du chef-lieu Mamoudzou tentent avec les moyens du bord de rafistoler ce qui peut l'être, en martelant la tôle ou en posant un toit de fortune sur leurs habitations soufflées par le vent.
Plus loin, les bulldozers s'activent pour remettre en état l'héliport du centre hospitalier de Mayotte (CHM), durement touché mais qui continue de fonctionner.
"Petit à petit, on réintègre des services à mesure qu'on arrive à les nettoyer", explique à l'AFP le directeur du CHM, Jean-Mathieu Defour.
Emmanuel Macron, attendu jeudi sur l'archipel, se rendra au chevet des patients mais aussi des soignants du CHM, avant d'aller dans un "quartier détruit", a annoncé mercredi l'Elysée. Le chef de l'Etat emportera dans son avion quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire et emmènera des secouristes.
- "Millions de litres d'eau" -
Dès mercredi, plus de 100 tonnes de vivres doivent être distribuées, a assuré le ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau.
"On passe à la phase massive du soutien à Mayotte", a aussi déclaré Patrice Latron, le préfet de La Réunion, île d'où les autorités ont lancé un "pont maritime civil" qui va démarrer dans la nuit avec le départ de quelque 200 conteneurs attendus dimanche sur l'archipel meurtri.
Parmi ce chargement, l'équivalent de "millions de litres d'eau". Grâce à ces envois, "aucune pénurie d'eau en bouteilles n'est prévue", se sont félicitées les autorités.
Le cyclone Chido, le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans avec des vents à plus de 220km/h, a ravagé le territoire de l'océan Indien, où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.
Les cyclones se développent habituellement dans l'océan Indien de novembre à mars. Cette année, les eaux de surface étaient proches de 30°C dans la zone, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène lié au réchauffement climatique observé également cet automne dans l'Atlantique Nord et dans le Pacifique.
A Mayotte, un hôpital de campagne avec une centaine de lits médicalisés sera mis sur pied dans les prochains jours pour "soulager" le CHM, a par ailleurs annoncé François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des Outre-mer.
- Décompte délicat -
Outre les secours, l'établissement d'un bilan humain est l'une des priorités des autorités.
Pour l'heure, selon le décompte du ministère de l'Intérieur, 22 décès ont été recensés à l'hôpital et neuf par les communes.
Mais le décompte officiel, a reconnu l'Intérieur, "n'est pas en adéquation avec la réalité des 100.000 personnes qui vivent dans un habitat précaire", occupé en grande partie par des immigrés venant des Comores voisines.
Une mission de recherche va être mise en place pour réaliser ce décompte macabre, rendu d'autant plus délicat que les Comores, d'où est originaire une partie des habitants de Mayotte, est une terre de forte tradition musulmane: selon les rites de l'islam, les défunts doivent être enterrés au plus vite.
Dans les bidonvilles désormais nus, "ça enterre à tour de bras, donc on n'aura jamais de décompte", estime auprès de l'AFP un membre du personnel judiciaire du tribunal de Mamoudzou ayant requis l'anonymat. "Que ce soient des gens en situation régulière ou irrégulière, peu importe, on ne saura jamais."
Bruno Retailleau a redit mercredi son intention de légiférer contre l'immigration clandestine "totalement incontrôlée" sur l'archipel et d'être "beaucoup plus dur avec les Comores".
- Eviter les pillages -
Pour éviter les pillages, un couvre-feu a été instauré depuis mardi soir de 22H00 à 04H00. Quelque 2.000 membres des forces de l'ordre sont ou vont être mobilisées.
Il faut pouvoir "assurer l'ordre public pour ne pas ajouter du désordre au désordre", a encore déclaré Bruno Retailleau.
Autre priorité: assurer les besoins vitaux en eau et en nourriture.
L'alimentation en eau "fonctionne à 50%" a précisé mercredi François-Noël Buffet, mais elle présente un risque de "mauvaise qualité". L'électricité, elle, n'est que "partiellement remise en route".
La situation est plus favorable sur les routes, majoritairement déblayées.
Un délégué interministériel va être nommé pour "anticiper la phase de reconstruction", a assuré Bruno Retailleau, dont le ministère assure que les professionnels du BTP déplorent un "manque de matériels de reconstruction".
En parallèle, la fédération professionnelle France Assureurs a annoncé l'envoi d'une "mission de reconnaissance" pour anticiper les déclarations de sinistres, sachant que, selon l'administration, très peu de ménages sont effectivement assurés sur l'archipel.
Matignon a aussi annoncé que les dons jusqu'à 1.000 euros pour Mayotte ouvriraient le droit à une réduction d'impôt égale à 75% jusqu'en mai, contre généralement 66% en temps normal.
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Par Thibault MARCHAND / Mamoudzou (AFP) / © 2024 AFP