L'intersyndicale des cheminots a opté jeudi pour un mouvement dur, une grève sur le rythme de "deux jours sur cinq" d'avril à juin, contre la réforme de la SNCF que l'exécutif entend mener tambour battant par ordonnances.
"L'intersyndicale constate que le gouvernement n'a aucune volonté de négocier" et "prend la responsabilité (d'un) conflit intensif sur une très longue durée", a déclaré Laurent Brun, secrétaire national de la CGT Cheminots, après plus de deux heures de réunion avec les trois autres syndicats représentatifs de la SNCF, l'Unsa, Sud-Rail et la CFDT-Cheminots.
C'est "une mobilisation innovante", a souligné Didier Aubert (CFDT Cheminots), puisque la grève doit courir du 3 avril au 28 juin, c'est-à-dire comprendre les vacances de printemps et les différents ponts du mois de mai. En tout, la grève s'étalera sur 36 jours.
"Clairement, on attend une ouverture de la part du gouvernement (...) C'est au gouvernement d'ouvrir des négociations", a insisté M. Aubert.
Dans la matinée, les dirigeants de la SNCF avaient remis à la ministre des Transports, Elisabeth Borne, un "programme de travail" contenant sept piliers, bases du "projet stratégique" qu'ils doivent présenter en juillet.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a demandé à la SNCF d'"aligner ses coûts sur les standards européens", quand "faire rouler un train en France coûte 30% plus cher qu'ailleurs".
Le patron du groupe public, Guillaume Pepy, avait expliqué qu'il comptait négocier avec ses troupes un "pacte d'entreprise", comme La Poste l'a fait en 2015.
Il avait cité les grands sujets qu'il comptait aborder d'ici l'été: encourager la polyvalence des métiers et "bâtir les métiers de demain", rendre l'organisation du travail plus souple notamment au plan local, renforcer la productivité industrielle, décentraliser le dialogue social et réduire les coûts.
Autant de sujets de friction avec des organisations syndicales, déjà échaudées par la présentation mercredi en conseil des ministres du projet de loi permettant le recours à des ordonnances pour accélérer la réforme du secteur ferroviaire.
Le texte prévoit notamment "l'arrêt des recrutements au statut (de cheminot) des nouveaux agents", un casus belli pour les syndicats.
Le programme de M. Pepy "vient alimenter le projet gouvernemental et vice versa", avait réagi la CGT Cheminots auprès de l'AFP. "Gouvernement et direction marchent main dans la main", a ajouté le premier syndicat de la SNCF.
"Vers un bras de fer"
Elisabeth Borne avait promis mercredi "un pacte social de haut niveau" à la SNCF et a estimé jeudi qu'il y avait "beaucoup de sujets" devant "faire l'objet d'une concertation".
Le ministre des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner, a de son côté estimé que le risque de grève à la SNCF ne devait pas empêcher de réformer l'entreprise publique, regrettant que les gouvernements précédents aient reculé "par peur des manifestations".
Dès mercredi, Roger Dillenseger, secrétaire général de l'Unsa (2e syndicat du groupe) avait sonné l'alarme: "On va vers un bras de fer, c'est clair", avait-il prévenu. Le projet de loi sur les ordonnances "montre (l')approche contradictoire" du gouvernement "entre une volonté d'échanges affichée et la réalité du texte", avait-il dit à l'AFP.
Le projet de loi "montre bien qu'on n'est pas dans une concertation (...) Le gouvernement veut passer en force, sans écouter les organisations syndicales", avait dénoncé Erik Meyer, porte-parole de SUD Rail (3e syndicat).
Les syndicats ont déjà au programme une manifestation nationale des cheminots, le 22 mars à Paris, le même jour que les fonctionnaires.
SUD Rail a déjà déposé seul un préavis de grève (du 21 mars à 20H00 au 23 mars à 08H00) pour "permettre aux cheminots de participer" à cette manifestation. La CGT prévoit aussi des préavis de grève locaux. Et en Ile-de-France trois des quatre syndicats représentatifs à la RATP appellent à la grève le 22 mars pour soutenir les cheminots.