Réformes des retraites : "le refus complet du débat, c'est de l'obstruction bête et méchante"
Sophie Cluzel revient sur le projet de réforme des retraites, actuellement en discussion à l'Assemblée. "Le problème, c'est qu'il n'y a pas de débat en ce moment confie-t-elle au micro de Patrick Roger. Notre problème majeur, c'est qu'il y a une atteinte à la démocratie avec un refus complet du débat alors qu'on porte un sujet majeur. C'est de l'obstruction bête et méchante. Par exemple sur la retraite sur le handicap, on a des avancées majeures dont on n'entend pas parler" regrette-t-elle. Sur l'utilisation du 49.3, Sophie Cluzel "laisse Richard Ferrand aller jusqu'au bout. Il faut absolument qu'on puisse entamer vraiment l'étude de ces articles estime-t-elle. On a encore du temps, il faut y aller, il faut avancer ! Laissons dérouler le processus et souhaitons qu'enfin, nous ayons un débat sur le fond".
La réforme des retraites contient un volet spécifique sur les personnes handicapées. Le régime universel tel qu'il se présente n'est pas forcément favorable, notamment pour les périodes sans activité. "On veut pouvoir bonifier toutes les périodes où la personne est en situation de handicap au travail explique Sophie Cluzel. Il y aura une possibilité de retraite anticipée à 55 ans beaucoup plus facile et lisible. On va aussi travailler sur la problématique de l'usure au travail avec les personnes handicapées ajoute-t-elle, avec la possibilité d'avoir une retraite progressive dès 55 ans. Il y a des grandes avancées souligne-t-elle : prendre en compte la pénibilité que peut engendrer la situation de handicap, bonifier aussi par exemple lorsqu'on est parent d'enfant handicapé car c'est une perte de chance dans la profession".
Sophie Cluzel précise que "80% des handicaps s'acquièrent au cours de la vie, au cours de sa carrière professionnelle. On veut prendre en compte ce temps où on est en situation de travailleur handicapé pour bonifier cette possibilité de retraite. Ça rejoint la pénibilité au travail".
"Il faut simplifier le parcours, que les personnes handicapées n'aient plus à refaire leur dossier quand elles changent d'environnement"
Une étudiante de 21 ans à Sciences Po, tétraplégique, a expliqué ne plus avoir droit à une auxiliaire de vie scolaire. "Elle a droit à une auxiliaire de vie scolaire réfute Sophie Cluzel. Nous suivons ce dossier. Elle a droit à un plan de compensation pour son handicap au quotidien ainsi qu'une auxiliaire de vie universitaire pour ses études. Ce que je veux changer, ce sont les ruptures de dispositifs à chaque parcours explique-t-elle. C'est le chaos, on ne sait plus à qui s'adresser. Il faut simplifier le parcours, que les personnes handicapées n'aient plus à refaire leur dossier quand elles changent d'environnement. Nous devons faire monter en qualification nos étudiants handicapés".
Handicap : "les grandes entreprises sont assez vertueuses"
Avant de partir à la retraite, il faut pouvoir travailler. Il y a encore beaucoup de discriminations : le handicap est la première source de handicap. "Le 14 mai, ce sera la troisième édition du 'DuoDay' rappelle Sophie Cluzel. L'année dernière, il y a eu plus de 13.000 duos qui ont été faits. 26.000 personnes ont travaillé ensemble le temps d'une journée : les personnes en situation de handicap rencontrent pour une journée un professionnel, quel qu'il soit. C'est un vrai levier pour ouvrir la porte des entreprises, faire tomber les préjugés, permettre aux personnes en situation de handicap de se projeter dans un avenir professionnel assure-t-elle.
Nous avons ouvert une plateforme, duoday.fr, sur laquelle les entreprises posent leur offre et les personnes en situation de handicap, accompagnées ou non, peuvent postuler. Derrière ça débouche sur des mises en situations professionnelles, des stages, des CDD, des CDI explique Sophie Cluzel. Ce qui freinent encore les entreprises, ce sont les préjugés sur les handicaps qu'on connaît mal, comme les handicaps invisibles, notamment psychiques. Les grandes entreprises sont assez vertueuses reconnaît-elle, et elles se sont encore engagées puisque 130 entreprises ont signé le manifeste pour l'inclusion. Maintenant, ce sont les TPE-PME qu'il nous faut accompagner, car il y a énormément de gisements d'emplois".
"Nous allons prendre enfin en compte la possibilité pour une personne en situation de handicap d'être parent"
La Conférence nationale sur le handicap a eu lieu la semaine du 11 février. L'association France handicap n'est pas tout à fait d'accord avec certaines choses, notamment l'individualisation, la prise en compte des revenus du conjoint. Une grande mobilisation nationale est prévue le 5 mars prochain. "Il y a eu de très grandes avancées depuis 2 ans et demi assure Sophie Cluzel, notamment sur le pouvoir d'achat : l'allocation adulte handicapé [AAH] a augmenté de 90 euros par mois rappelle-t-elle. Nous avons aussi fait de grandes annonces sur la prestation de compensation. L'individualisation, c'est le fait que la personne peut recevoir l'AAH mais peut aussi avoir une situation de handicap particulière qui peut être compensée, comme une aide pour les gestes de la vie quotidienne.
Mais c'est aussi une grande avancée : nous allons prendre enfin en compte la possibilité pour une personne en situation de handicap d'être parent annonce la secrétaire d'État. Elle pouvait avoir une aide pour elle-même mais pas pour pouvoir être parent, comme par exemple une aide pour les personnes en fauteuil pour donner le bain à son enfant". Sophie Cluzel salue aussi "l'engagement des médias. Ce n'est pas rien d'avoir pu relayer le fait que le handicap concerne tout le monde, un Français sur cinq".
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