Reportage Sud Radio de Lionel Maillet
Sur les murs de sa boucherie, des photos des calanques et des films de Pagnol: "Il y a Manon des sources, Emmanuelle Béard avec moi..." La Provence, comme son accent marseillais, c’est surtout une fierté pour Marc Dardaillon. "Pain, fantôme, gnocchis": les différences de prononciation se font entendre à tout propos. Mais les petits sourires en coin et les railleries, cet ancien pêcheur connaît aussi. "On m'a dit: vous avez un peu d'accent... En se moquant un peu de moi", relate celui qui préfère relativiser, "c'est pas grave ! Cela m'est arrivé mais, si ça les emmerde, ils ont qu'à aller ailleurs". Pour Nabil qui est patron dans le BTP, il faut au contraire parfois faire profil bas et gommer cette identité, surtout dans le monde du travail:
"Quand je vais prendre mes chantiers, il faut pas que je parle avec l'accent marseillais. Quand il y a des architectes ou des trucs comme ça, il faut parler vraiment au carré... L'accent marseillais, c'est beau dans les bars, bistrots, à la plage, au stade..." - Nabil, patron dans le BTP
Stéréotype du folklore
16 % de français disent avoir été discriminés à cause de leur accent pour une embauche ou une promotion. C’est ce qu’on appelle de la glottophobie: une injustice contre laquelle se bat le député de l’Hérault, Christophe Euzet:
"Aujourd'hui, on peut très bien être dans le sud et être sérieux, être dans le nord et être compétent... Je trouve un peu rétrograde de s'accrocher à l'accent, et d'écouter les gens non-pas pour ce qu'ils disent mais pour la façon avec laquelle ils le disent !" - Christophe Euzet, député (Agir ensemble) de l'Hérault
De l’aveu même de ce député, le projet de loi qu’il défend a surtout vocation à faire évoluer les mentalités.
Discriminations à l'embauche ou à la promotion
La glottophobie touche 11 millions de français, explique Christophe Euzet:
"On a 30 millions de personnes dans le pays qui ont un accent, 17 millions qui ont déjà été moqué/raillé, 11 millions qui disent avoir déjà été discriminé à l'embauche ou la promotion. Ce chiffre atteint 36% quand on parle des cadres, des gens appelés à prendre la parole en public. On n'arrive pas à se décrocher d'un certain nombre de stéréotypes. Tout ce qui concerne le savoir, le pouvoir, la culture, l'esprit sont plutôt attachés à une certaine élite parisienne. Tout ce qui renvoi au folklore, au rural, à l'agricole est connoté territoire et accent marqué"