Un parc nucléaire "dans une situation extrêmement complexe". Dans son livre, "Nucléaire, danger immédiat" (éd. Flammarion), Thierry Gadault décrit une situation quasiment explosive et très dangereuse du parc nucléaire français.
"On décrit une réalité, a-t-il expliqué ce lundi matin au micro de Sud Radio. 66 % de la population vit à 75 km d'un réacteur nucléaire. Et 75 km, c'est le périmètre des retombées radioactives de Fukushima. Donc effectivement, ça nous concerne tous. D'autre part, le parc en exploitation arrive à sa date de péremption et il était nécessaire d'aller voir derrière la communication officielle d'EDF, d'Areva et des autorités publiques pour savoir quel était exactement l'état des réacteurs et le risque encouru en cas de prolongation de leur durée de vie."
Il suffit de discuter avec des salariés d'EDF ou de la sous-traitance pour voir que leurs conditions de travail se sont dégradées et qu'ils ont des contraintes extrêmement fortes
Et le résultat de cette analyse est loin d'être rassurant : "Le nucléaire français est aujourd'hui dans une situation extrêmement complexe. D'une part, il est en faillite. Areva est en faillite et EDF est en quasi-faillite, sur le plan financier. D'autre part, les salariés qui ont construit le parc nucléaire sont, eux, partis à la retraite. Toutes leurs connaissances et leurs compétences ont été peu ou mal transmises aux nouveaux salariés. Ce n'est pas leur faire injure, mais il suffit d'aller discuter avec des salariés d'EDF ou de la sous-traitance pour voir que leurs conditions de travail se sont dégradées et qu'ils ont beaucoup de difficultés, avec des contraintes extrêmement fortes."
"À chaque fois qu'une mesure positive est prise pour la transition énergétique est prise, on revient en arrière, pour protéger les revenus d'EDF, qui est au bord de la faillite." Thierry Gadault #SudRadioMatin
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— Sud Radio (@SudRadio) 12 février 2018
Pour Thierry Gadault, prolonger la durée de vie des réacteurs au-delà des 40 ans qui ont été prévus au moment de leur construction, "c'est rentrer dans un domaine qui n'est pas connu. On a effectivement une situation qui est très dangereuse. On est plus au point pour les nouveaux réacteurs, mais celui qui va rentrer en fonctionnement à la fin de l'année, ou au début 2019, commence son exploitation avec une cuve qui n'aurait jamais dû être installée, qui est fragilisée par un défaut de fabrication majeur et, pourtant, on la met en exploitation. On voit bien que le nucléaire français marche sur des œufs et prend parfois des décisions incompréhensibles."
On peut avoir des doutes sur la capacité de l'ASN à prendre des décisions qui aillent à l'encontre des intérêts financiers de l'État et de EDF
En cause, explique-t-il, les difficultés financières d'EDF, "le seul pilote dans l'avion" en matière de nucléaire : "À chaque fois qu'il y a une mesure positive qui est prise pour encourager la transition, on revient en arrière. Pourquoi ? Simplement pour protéger les revenus d'EDF car EDF doit sur-exploiter son parc nucléaire pour essayer d'échapper à la faillite, car ils ont une dette hallucinante, de 61 milliards d'euros. Aujourd'hui, il n'y a qu'une seule autorité qui est capable d'éviter ce risque, c'est l'Autorité de sûreté nucléaire, le gendarme du secteur (...) Et on voit les pressions extrêmes qui s'exercent sur le président de l'Autorité. Il suffit de voir dans quelles conditions il a rendu sa décision sur la cuve de l'EPR de Flamanville. On peut avoir des doutes, non pas sur son autonomie, mais sur sa capacité de décision pour prendre des mesures qui aillent à l'encontre des intérêts financiers de l'État et de EDF."
Écoutez l'interview de Thierry Gadault, invité du Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard