Un collectif de parents, nommé Algos Victima, a engagé une procédure judiciaire devant le tribunal judiciaire de Créteil contre le réseau social TikTok. Reprochant à son algorithme de mettre en avant des contenus dangereux pour les adolescents, les sept familles françaises, dont deux ayant perdu un enfant après l'exposition à des vidéos incitant au suicide, accusent la plateforme d’avoir manqué à son devoir de protection des mineurs.
“Biberonnés” aux vidéos traitant de suicide
Maître Laure Boutron-Marmion, avocate du collectif, précise la gravité des faits reprochés : « Nous avons de nombreuses pièces à disposition qui montrent que si ces enfants sont passés à l’acte, c’est parce qu’ils ont été biberonnés à des vidéos faisant l’apologie du suicide. Mais, surtout, des vidéos donnant des ''bons conseils'', des ''modes d’emploi'', pour le faire. » Ces contenus, facilement accessibles, soulèvent de nombreuses questions quant à la responsabilité de TikTok en matière de modération et de protection des jeunes.
Pour le collectif, TikTok a conçu une application addictive sans prendre les mesures appropriées. « Nous reprochons à TikTok d’avoir conçu délibérément une application addictive qui n’a aucune modération entourant les contenus dangereux, » ajoute Maître Boutron-Marmion. Les adolescents, exposés de manière répétée et invasive à des vidéos au contenu mortifère, se retrouvent pris au piège d’un algorithme dévastateur. Cette exposition prolongée aurait poussé de nombreux jeunes vers le point de non-retour.
Les sanctions internationales : une lueur d’espoir
En Europe, TikTok est sous le coup de plusieurs procédures. En février 2024, la Commission européenne a ouvert une enquête pour déterminer si TikTok a enfreint le règlement sur les services numériques (DSA), notamment en matière de protection des mineurs, de transparence publicitaire et de gestion des risques liés à des contenus préjudiciables. En mars dernier, le réseau social a été condamné par l’Italie à une amende de 10 millions d’euros pour avoir laissé en ligne des contenus “menaçant la sécurité des mineurs.”
Début octobre 2024, quatorze États américains ont assigné TikTok en justice, accusant la plateforme de porter atteinte à la santé mentale de ses jeunes utilisateurs et de collecter des données personnelles sans autorisation. Les procureurs reprochent notamment au réseaux social d'utiliser des fonctionnalités addictives pour inciter les utilisateurs à rester plus longtemps en ligne, ce qui aurait des conséquences négatives sur leur bien-être mental.
Ces précédents internationaux encouragent Maître Boutron-Marmion et les familles du collectif, qui y voient une prise de conscience croissante. « Tout ce qui se passe en ce moment dans tous les pays me donne de l’espoir. Beaucoup de voix commencent à s’élever donc, dans le débat international, nous ne sommes pas seuls. »
La justice, un espoir pour éviter de nouveaux drames
Pour les familles du collectif, ce procès est l’occasion d’obtenir reconnaissance et justice. « Les parents sont très sereins. Ils espèrent être entendus par la justice, que la souffrance de leurs enfants soit reconnue » confie Maître Boutron-Marmion. L’objectif des parents n’est pas d’interdire TikTok, mais de provoquer une prise de conscience collective. Si leur action en justice ouvre les yeux d’autres familles et protège d’autres jeunes, alors leur tragédie n’aura pas été vaine.