Un Madoff alsacien a été condamné jeudi à Saverne (Bas-Rhin) à deux ans d'emprisonnement ferme pour abus de confiance sur une vingtaine de victimes, pour un préjudice de cinq millions d'euros.
Laurent Raynaud, 60 ans, qui comparaissait libre, avait "assumé" lors de l'audience avoir trahi la confiance et dilapidé l'argent de nombreuses personnes pendant une dizaine d'années.
Soulignant "l'ampleur des faits", leur "durée" et la "multiplicité" des victimes, la présidente, Violette Pradarelli a annoncé sa condamnation à cinq ans de prison dont trois avec sursis, avec un mandat de dépôt à délai différé.
Le tribunal est allé au delà des réquisitions de la procureure, Morgane Kleine, qui avait réclamé quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis.
Comparé à Bernard Madoff (en référence au célèbre escroc américain) ou à Jean-Claude Romand (qui se faisait passer pour un médecin à l'OMS avant d'assassiner sa famille) Laurent Raynaud n'est "ni l'un ni l'autre" a balayé son conseil, Alexandre Muschel. Il l'a plutôt décrit comme "un imbécile" qui "s'est retrouvé dans un engrenage pervers" avant de finir par se dénoncer auprès de ses victimes.
Père de famille, Laurent Raynaud a travaillé dans un établissement bancaire et une société de gestion de patrimoine avant de se mettre à son compte.
Entre 2008 et 2020, il a proposé à des connaissances de faire fructifier leurs économies via sa société d'investissement. Mais en 2020, il leur avoue avoir abusé de leur confiance.
Les sommes qui lui étaient confiées étaient en partie englouties dans son autre structure, une société de conseils (administratifs, financiers) pour personnes endeuillées, qui n'a jamais été rentable et a finalement été liquidée.
- "Ego surdimensionné" -
Cet homme au casier judiciaire vierge et à l'allure discrète a expliqué ce stratagème par son "espoir" de voir décoller cette société de conseils.
"Je voulais absolument que cette entreprise fonctionne, au-delà de la raison", justifie M. Raynaud. Répétant avoir suivi une longue psychanalyse, il a aussi mis son comportement sur le compte de son "ego surdimensionné".
"Vous voyez un escroc à la barre, je l'assume, mais vous ne voyez pas seulement un escroc, je suis aussi un homme", assure-t-il d'une voix posée, plaidant pour sa réhabilitation.
Selon les victimes, le préjudice dépasserait les cinq millions d'euros, "des montants qui donnent le vertige", souligne la présidente, Violette Pradarelli.
"Comment, pendant dix ans, on arrive à faire fonctionner un tel système alors que les deux sociétés faisaient l'objet de contrôles ?", s'interroge la présidente.
Entendus comme témoins, deux experts comptables employés par M. Raynaud reconnaissent avoir été étonnés de le voir injecter autant de fonds dans une société qui ne marchait pas.
"J'avais cette capacité à sécuriser, à donner le change, à fournir les arguments qu'il fallait", explique M. Raynaud.
- "Tissé sa toile" -
Deux soeurs, Chantal et Sabine, décrivent un homme "bienveillant, attentif et compréhensif", rencontré après le décès de leur mère. Il les avait invitées au mariage de son fils, leur envoyait des cartes postales et elles avaient toute confiance en lui.
"Il a tissé sa toile comme une araignée", décrit Sabine.
"Il a dilapidé l'argent que nos parents nous avaient transmis... Il nous a trahies pendant 12 ans", confie Chantal, la voix brisée par l'émotion.
"Qu'avez-vous fait de votre âme monsieur Raynaud ?", lui lance une autre victime. "Je tente de la réparer", répond-il.
Mais s'il a remboursé partiellement certaines victimes, beaucoup n'ont jamais revu leurs économies. Avocate de huit parties civiles, Gloria Delgado Hernandez cite une de ses clientes qui, à 78 ans, est "obligée de travailler de nouveau".
"Le grand gagnant, c'est lui, eux ils ont tout perdu" compare Antoine Noblet, avocat d'autres parties civiles, fustigeant sa "froideur".
Pour les parties civiles, une question demeure: où est passé l'argent ?
"Vous n'avez pas dépensé cinq millions comme ça, vous l'avez mis de côté" l'interpelle Bernard Boulloud, avocat de parties civiles.
Reconverti en assistant familial, M. Raynaud a en outre été condamné à une interdiction d'exercer une activité liée à la banque, à l'assurance au courtage ou à l'aide à la personne.
Par Pauline FROISSART / Saverne (France) (AFP) / © 2025 AFP