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Une juge d'instruction à Paris enquête pour tortures en Irak sur six jihadistes français

Un "cachot" bondé où les prisonniers sont "régulièrement passés à tabac": une juge d'instruction parisienne enquête sur des soupçons de tortures en Irak sur six jihadistes français condamnés et détenus à Bagdad.

Ammar Karim - AFP/Archives

Un "cachot" bondé où les prisonniers sont "régulièrement passés à tabac": une juge d'instruction parisienne enquête sur des soupçons de tortures en Irak sur six jihadistes français condamnés et détenus à Bagdad.

Après la chute de l'organisation État islamique (EI), onze Français avaient été condamnés à mort par pendaison en juin 2019 en Irak. Le 30 mai 2023, la justice irakienne a commué cette peine en un emprisonnement à vie.

Ces jihadistes, également visés par des enquêtes antiterroristes en France, demandent depuis leur transfert dans l'Hexagone pour y purger leur peine.

Deux femmes avaient aussi été condamnées en Irak, dont Djamila Boutoutaou, qui a écopé de 20 ans de réclusion criminelle en avril 2018.

Mme Boutoutaou, trentenaire "gravement malade", "croupit dans une prison immonde" où elle ne bénéficie "d'aucun soin", s'est indignée jeudi son avocate Marie Dosé. "Son transfert en France est une urgence sanitaire".

Mme Boutoutaou et cinq des onze hommes condamnés ont porté plainte auprès du pôle Crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris pour dénoncer des tortures, des peines et traitements inhumains dans la prison d'Al-Rusafa à Bagdad.

Ils ont également porté plainte pour détention arbitraire, estimant ne pas avoir eu le droit à un procès équitable devant la justice irakienne.

- "Faisceau d'indices" -

En décembre 2023, une magistrate parisienne a été saisie pour enquêter après la plainte de deux d'entre eux, Brahim Nejara et Vianney Ouraghi.

Photo obtenue le 3 juin 2019 du jihadiste français Vianney Ouraghi dans un lieu non déterminé

Photo obtenue le 3 juin 2019 du jihadiste français Vianney Ouraghi dans un lieu non déterminé

- - AFP/Archives

Cette enquête a mis du temps à être ouverte.

La plainte avait été déposée avec constitution de partie civile en septembre 2020, mais la justice avait d'abord décidé de ne pas enquêter. Leur avocat avait fait appel et obtenu le lancement des investigations.

Deux autres plaintes ont récemment connu la même issue, a appris jeudi l'AFP de sources proches du dossier et judiciaire.

Karam El Harchaoui et Mohamed Yassine Sakkam avaient porté plainte en janvier 2024, mais essuyé un refus de la justice qui estimait, entre autres, que les faits dénoncés n'étaient pas assez précis.

Leur avocat, Matthieu Bagard, a obtenu, en appel en décembre, l'ouverture d'une information judiciaire.

De même pour Djamila Boutoutaou, qui avait porté plainte en octobre 2023.

La chambre de l'instruction a notamment pris en compte les trois rapports alarmants de leurs avocats, qui se sont rendus à l'automne 2023, en février et en novembre 2024, en Irak.

Photo obtenue le 29 mai 2019 du jihadiste français Mohamed Yassine Sakkam dans un lieu non déterminé

Photo obtenue le 29 mai 2019 du jihadiste français Mohamed Yassine Sakkam dans un lieu non déterminé

- - AFP/Archives

Leur dernier memorandum, qui se fonde sur des entretiens non confidentiels avec leurs clients, raconte la "très grande promiscuité" et les nombreuses maladies qui se développent entre des prisonniers entassés à "plus de 132 hommes" dans "un cachot".

Le chef de cellule y "fait régulièrement passer à tabac des prisonniers". Les violences et les agressions sexuelles se sont accrues à l'encontre des détenus français, soupçonnés de "collaborer avec l’État d'Israël" dans le contexte de la guerre à Gaza.

Les précédents mémorandums faisaient aussi état de corps qui "se déshydratent très rapidement", avec "une bouteille d'un litre et demi par jour pour boire, assurer leur hygiène et faire leur vaisselle".

Seule sortie autorisée: une promenade, deux fois par semaine, de "dix minutes à trente minutes (...) dans une cour tellement exiguë qu'il est quasiment impossible de marcher".

Pour la chambre de l'instruction, ce "faisceau d'indices" décrit dans les memorandums doit être investigué par la juge d'instruction pour déterminer si les faits sont bien constitués, selon son arrêt rendu le 18 décembre dont l'AFP a eu connaissance.

"Ces décisions de la chambre de l'instruction sont un rappel du droit dont on se félicite", a déclaré l'avocat Matthieu Bagard, contacté par l'AFP, mais "la vraie victoire adviendra quand les infractions auront été reconnues".

"Nous allons demander aux magistrats de se déplacer pour interroger nos clients", a poursuivi Me Bagard.

Des investigations sont aussi en cours pour un sixième jihadiste, Léonard Lopez, qui avait porté plainte en octobre 2023: le parquet national antiterroriste (Pnat) a ouvert une information judiciaire en novembre pour actes de barbarie, de tortures et détention arbitraire.

Par Clara WRIGHT / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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