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Violences sur des ados placés: des victimes "détruites", l'espoir d'une "reconstruction"

Des victimes, meurtries par des violences qui les ont "détruites" mais soulagées d'avoir parlé pour "se reconstruire", ont livré d'éprouvants témoignages jeudi devant le tribunal de Châteauroux, qui examine une affaire de violences sur des jeunes placés dans des familles sans agrément.

JEAN-FRANCOIS MONIER - AFP

Des victimes, meurtries par des violences qui les ont "détruites" mais soulagées d'avoir parlé pour "se reconstruire", ont livré d'éprouvants témoignages jeudi devant le tribunal de Châteauroux, qui examine une affaire de violences sur des jeunes placés dans des familles sans agrément.

"C'était dur, mais ça fait du bien. On a un poids qui s'est enlevé en parlant, de leur avoir fait face, ça fait du bien", a déclaré Angelina, 19 ans, après une matinée d'audience intense en émotions.

Pour elle, comme pour tous ces autres adolescents placés par l'ASE du Nord et déjà accablés par trois jours de procès, où comparaissent dix-huit personnes jusqu'à vendredi, le passage à la barre a représenté une nouvelle épreuve.

Angelina a narré par exemple ces scènes répétées où Bruno C., un des principaux prévenus, violait sa propre fille, attachée, dans une caravane dépourvue de commodités, où certains mineurs étaient contraints de dormir.

Un "hébergement indigne", pour lequel il est poursuivi, en même temps que des violences et du travail dissimulé en bande organisée, aux côtés de Julien M., avec qui il a cofondé la structure Enfance et Bien-Être, leur permettant de récupérer la charge de dizaines de mineurs contre des sommes qui s'élèveraient à au moins 630.000 euros sur sept ans.

Colette M., à gauche, son fils à sa droite et son mari, Antoine, derrière elle, arrivent au tribunal à Châteauroux, le 14 octobre 2024

Colette M., à gauche, son fils à sa droite et son mari, Antoine, derrière elle, arrivent au tribunal à Châteauroux, le 14 octobre 2024

JEAN-FRANCOIS MONIER - AFP

En larmes, Angelina a souvent lutté pour témoigner, enlacée par ses trois avocats, parvenant à se remémorer qu'elle avait "interdiction de porter des sous-vêtements chez lui" au risque de se faire toucher et de se faire insulter notamment de "grosse".

Aujourd'hui, dit-elle, les séquelles sont nombreuses. Souffrant d’anorexie, elle détaille "son manque de confiance en soi" et décrit un corps "qu'elle ne supporte pas".

- "Un après Châteauroux" -

"Ces souvenirs sont horribles et me gâchent la vie", a ajouté la jeune femme, "trop faible" physiquement pour conserver un emploi stable.

A la barre, une autre, violentée et aujourd'hui âgée de 23 ans, "pourrait écrire un livre sur son mal-être".

"Ils m'ont détruite. J'ai beaucoup de mal à trouver le sommeil, j'ai peur de tout le monde", exprime-t-elle face au tribunal, avant qu'une de ses conseils ne termine de lire le récit de la jeune femme, trop effondrée par la douleur pour continuer. "Personne ne pourra effacer de ma tête ce que j'ai vu."

Le palais de justice de Châteauroux, dans l'Indre, le 14 octobre 2024

Le palais de justice de Châteauroux, dans l'Indre, le 14 octobre 2024

JEAN-FRANCOIS MONIER - AFP

Tous ont essayé de formaliser une volonté de "reconstruction", en dépit d'une mémoire parfois vacillante, comme Damien, devenu papa et intérimaire dans le soudage. Il aimerait que ce procès, qu'il "attendait depuis sept ans", désigne comme coupables les responsables de ces "coups de cravache" et des surdosages médicamenteux "sans ordonnance".

Matthias, 22 ans, dont l'hospitalisation en septembre 2017 pour "une chute à vélo" a entraîné l'éclatement de l'affaire en 2017 après avoir refusé de retourner chez son bourreau présumé, conserve un immense "dégoût".

Il a évoqué ses anciennes "pensées suicidaires", après avoir été "violenté et massacré", et ses difficultés à "faire confiance".

Matthias a trouvé refuge dans la musique, s'est installé dans le Nord avec sa compagne dans un logement, et travaille dans l'intérim de son plein gré "pour fuir la monotonie".

"On répond aux imbéciles par le silence", répète-t-il.

"Il est de notre devoir à tous de ne pas fermer les yeux", a plaidé Me Jean Sannier, avocat de victimes, demandant au tribunal de "rendre justice pour leur passé et leur avenir".

Me Sannier a estimé que ces adolescents avaient besoin "de justice et de soins", de la part d'une société qui les a abandonnés".

"Il y aura un avant et un après Châteauroux, vous allez redonner une image d'humanité à ces enfants", a estimé Me Myriam Guedj Benayoun, conseil de parties civiles.

Selon elle, ces enfants sont "entrés en résilience". On "leur a rendu leur humanité, et on espère qu'ils auront une belle vie, qu'ils se reconstruisent, enfin".

Motif d'espérance et de résilience, cette fleur censée représenter une anémone, symbole de leur abandon et forme de réponse à la violence, qu'ils ont brandi devant la salle d'audience.

"On est très soudés, je suis très fière de nous", a conclu plus tôt Angelina, les yeux encore humides.

Par Tom MASSON / Châteauroux (AFP) / © 2024 AFP

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