Judith Soula : Le Racing est pour la première fois de son histoire en finale de la coupe d'Europe, pourtant à la fin du match, on ne vous a pas vu sauter de joie. Pourquoi votre joie était-elle si mesurée ? Brice Dulin : C'est dû à la fatigue. On en discutait avec Joe Rokocoko, on était tellement épuisé du match et d'avoir donné jusqu'à la fin que ça a été un soulagement. C'est vrai que le match a été très intense physiquement face au Leicester. Cette semaine est plutôt consacrée à la récupération ? Sur le début de semaine oui, mais dès demain on va reprendre le travail parce qu'on a quand même un gros match qui se présente à nous. Mais il faut aussi récupérer, car on a eu des rencontres assez difficiles depuis quelques semaines. Les organismes mettent un peu plus de temps à se régénérer, mais c'est bien équilibré en ce moment entre repos et travail. Là-dessus, le staff a bien organisé les semaines. On vous a senti monter en puissance au fil des matchs. Vous vous êtes senti de plus en plus à l'aise dans cette campagne européenne ? C'est vrai qu'on a réussi à négocier la plupart des rencontres sur les phases de poule et sur les deux premières phases finales. On les a très bien préparées à chaque fois, on était conscient de ce qui se présentait à nous. On sait que la dernière marche va être la plus difficile parce que les Saracens ont énormément progressé et c'est une équipe qui est vraiment complète dans son jeu, qui a beaucoup de puissance et qui a des stratèges et de très bons joueurs. Il va falloir nous aussi monter encore de niveau. Cette finale n'aura rien à voir par rapport au quart de finale de l'an dernier où les Saracens vous avaient éliminé ? Une finale, c'est totalement différent. Et puis il y a une saison qui s'est écoulée. Eux ont progressé, mais nous aussi nous avons beaucoup évolué sur notre jeu et notre façon d'appréhender ce genre de match. Je pense que ce sera une belle confrontation, et j'espère une belle issue pour nous surtout.
"On est beaucoup plus capable de renverser la pression par du jeu au pied"
Quelle est votre force cette année ? On a progressé au niveau de l'alternance. Bien sûr, on s'est renforcé sur les bases, mais on est aussi beaucoup plus capable de renverser la pression par du jeu au pied. L'année dernière, on avait un petit peu de mal à le faire. On arrive plus à aller jouer l'adversaire et ça nous permet de ne pas forcément exploser physiquement à des moments clés du match. Beaucoup de spécialistes font le parallèle avec à l'époque l'apport de Jonny Wilkinson à Toulon dans la quête des titres et celui aujourd'hui d'un Dan Carter au Racing. Est-ce que pour toi il y a un effet Carter sur l'équipe ? C'est possible, c'est vrai qu'il amène de la sérénité. On sent qu'il est là pour distiller les bons ballons ou renverser la vapeur. Il apporte aussi peut-être un aspect mental positif à tous les joueurs quand il est sur le terrain. Mais ce qui nous fait énormément de bien, c'est surtout notre conquête par rapport à la saison dernière. On se fait beaucoup moins pénaliser en mêlée et au contraire on récupère des ballons sur les mêlées adverses. Nos points forts comme la touche ou la défense continuent de bien fonctionner. Il y a plein de petites choses qui ont fait que cette année l'équipe est plus forte. Mais ce sera surtout important sur la dernière rencontre : la finale. Est-ce que vous avez le sentiment d'écrire une nouvelle page de l'histoire du club avec cette finale en Coupe d'Europe ? L'histoire du club a déjà été écrite depuis bien longtemps et de très belle façon. Nous, on va essayer d'y amener une ligne supplémentaire. C'est vrai qu'il y a un héritage fort au Racing et qu'il faut assumer. En faire partie dans le futur serait quelque chose d'extraordinaire. On a l'opportunité et cela ne se présentera peut-être plus à nous. Il faut la saisir et être conscient qu'on a fait énormément de sacrifice pour en arriver là. Mais s'il n'y a pas un titre au bout, cela ne servira à rien. Le dernier titre de champion de France du Racing remonte à l'année 1990, c'était l'époque des nœuds pap' et du champagne à la mi-temps. Est-ce que vous pourriez faire la même chose aujourd'hui ? Je ne sais pas si c'est possible, mais ce serait assez marrant. Mais ce serait peut-être mal interprété.
"Au delà du Racing, c'est la France qui est représentée"
Tu as connu les phases finales de Top 14 et le titre de champion de France avec Castres. En quoi la campagne européenne est-elle différente du championnat ? En championnat, même s'il y a les barrages, ce n'est pas du tout pareil. Là on sent la montée en puissance sur chaque match, on joue aussi contre des équipes anglo-saxonnes qui apportent quelque chose de différent. Ça se rapproche beaucoup plus du niveau international, surtout qu'on rencontre beaucoup de joueurs qui y sont bien habitués.C'est plus sympa de jouer une équipe étrangère, vous n'auriez pas aimé jouer Clermont, Toulouse ou Toulon ? Quitte à être en finale, autant l'être face à une équipe étrangère, ça apporte une autre saveur. On est vraiment plongée dans l'esprit Coupe d'Europe. Elle aura lieu à Lyon et on sait que le Racing a un peu de mal à mobiliser ses supporters. C'est une chance supplémentaire de jouer cette finale en France ? Au-delà du Racing, c'est vraiment la France qui est représentée. Comme aurait pu le faire Toulon sur les dernières saisons ou même Clermont quand ils sont allés en finale. Le plus important est vraiment d'essayer de garder cette coupe sur le territoire français et de ne pas laisser les Anglais avoir le monopole, car ils étaient beaucoup en demi-finale. On est un peu les résistants. Il faut se replonger dans le Top 14 ce week-end, car c'est un gros morceau : Clermont. Le risque c'est que la finale soit trop présente dans toutes les têtes ? Il faut rester sur la bonne dynamique et continuer à travailler notre jeu. Le championnat est quand même très serré et les places vont être cher donc on se doit de gagner à domicile. Mais sachant que Clermont s'est reposé le week-end dernier, ils vont arriver en forme, il ne faudra pas prendre le match à la légère parce que sinon ça risque de nous faire drôles. Quand on est joueur, on a envie d'enchaîner les gros matchs. C'est peut-être mieux d'affronter une grosse équipe ce week-end ? J'ai l'impression que maintenant il n'y a plus forcément de gros et de petits. Que ce soit à la maison ou à l'extérieur, les matchs sont difficiles, quelle que soit l'équipe qu'on rencontre. Après on sait aussi que le match contre Clermont va se rapprocher du niveau qu'on a pu connaître sur le quart ou la demi-finale de la coupe d'Europe.