Sud Radio Sports : Alors selon toi, ce soir, qui va surprendre qui ? David Gérard : Le pronostic est complexe. Malgré tout, les Toulonnais se montrent de plus en plus impressionnants et font énormément de dégâts donc pourquoi pas des Toulonnais pour le dernier match de Bernard Laporte ?Tu es toulonnais de cœur, mais tu as joué au Racing pendant deux ans. Tu as le cœur tiraillé ? Mes origines me poussent à être rouge et noir et du côté toulonnais j'ai des amis dont Fred Michalak, donc c'est sur que j'ai un peu plus le palpitant pour eux. Mais malgré tout, je serai pour celui qui le mérite le plus. Il y a eu cette finale de 1987 entre Toulon et le Racing, cette semaine, Daniel Herrero nous racontait ses souvenirs. Le score était de 15 à 12 pour Toulon, c'était au Parc des Princes. Quels souvenirs as-tu ? Un moment fabuleux pour nous toulonnais, car j'étais à l'école de rugby de Toulon. On s'était déplacé en train pour venir supporter les grands. On avait beaucoup pleuré quand ils sont allés chercher le bouclier. Je me rappelle aussi avoir pleuré quand j'avais vu Patrick Serrière, le deuxième ligne du Racing, en train de chialer. Pour moi c'était un monument, un garçon connu pour être très rude. En voyant cette peine-là, je m'étais dit à l'époque que je n'aimerais pas le vivre. Malheureusement, j'ai vécu une finale perdue en tant que joueur. C'est vrai que compliqué à gérer. Mais c'était un moment fabuleux, en plus c'était au Parc des Princes, quoi de plus beau. On ne savait pas hier, mais il va y avoir un pilou-pilou !Heureusement, car sinon on aurait eu un soulèvement de foule. Comme les Toulonnais sont des excités du bulbe, surtout à l'heure d'une finale de Top 14, il ne faudrait pas les agacer.
"Beaucoup de gens se sont moqués du Racing, ils nous montré qu'ils avaient une âme"
Le président du RCT, Mourad Boudjellal, semble avoir la pression qui monte, il a notamment déclaré "ce n'est pas de la pression, c'est de la douleur". Qu’en penses-tu ? Que les présidents jouent la finale avant qu'elle ait lieu, ce n'est pas forcément très grave, mais il ne faut pas qu'il apporte de la nervosité à ses troupes. En plus, il est légèrement expressif, et comme il n'aime pas taquiner le monde entier, il ne faudrait pas qu'il y ait un lourd débat avant cette finale. Il y a une part de vérité dans ce qu'il dit, après il y a ce côté toulonnais exacerbé qui exagère un peu les choses. Mais c'est vrai qu'il a pris des risques. Après maintenant, on ne peut pas dire qu'il prend des risques, quand même, parce que c'est une multinationale maintenant Toulon, donc elle roule toute seule la machine. On parle des Toulonnais, mais il y a quand même l'équipe en face, les Racingmen. Ils ont quand même un bout coup à jouer ? On a parlé de Fighting Spirit en parlant des Irlandais, mais c'est un petit peu le cas du côté du Racing. Beaucoup de gens se sont moqués de cette équipe ces dernières années en disant que c'était une équipe sans âme. Ils nous ont montré qu'ils avaient une âme, beaucoup de courage et un esprit collectif vraiment présent, on l'a vu pour la demie et pour le barrage face au stade toulousain. Si le Racing est là, c'est qu'ils le méritent. Ils ont des arguments à faire valoir.Qui va gagner la bataille des Ruck, les deux sont forts dans cette situation-là ? Les deux sont forts, mais il y a un léger avantage pour Toulon avec le retour en grâce de Delon Armitage qui est un véritable poison. Les Racingmen ont une troisième ligne peut être plus grande, qui est beaucoup plus mobile on va dire. Mais c'est vrai qu'Armitage au poste de troisième ligne en ce moment il fait des gros matchs dans ce secteur-là. Je pense que le seul du côté du Racing qui peut amené beaucoup de menace c'est Chris Mazoé, qui est un très bon plaqueur/gratteur. Maintenant, on va voir s'il a bien récupéré de son épaule. Malgré sa grosse saison, il lui reste encore un gros match à jouer.
"Le fait d'avoir le ballon et d'imposer son rythme met l'équipe adverse à la faute, c'est mathématique"
Un garçon qui connait le Racing 92 sur le bout des doigts c'est Henri Chavancy, il a grandi avec ce club. Pour lui ce doit être un match très spécial ?Je l'ai connu quand il arrivait au Racing en même temps que moi, il venait du centre de formation. C'était le petit jeunot avec la coupe de playmobil qui s'est épaissi pendant des années. Aujourd'hui, il a pris de la bouteille. Il est aux portes de l'équipe de France, tout simplement parce que c'est le catalyseur de cette équipe. Il va apporter beaucoup d'impact, de courage et de cœur. La chanson du Racing, c'est le Racing a du cœur, lui en a. En 1987, les racingmen avaient joué avec un nœud papillon rose, ils peuvent le refaire ? Ça avait quand même révolutionné le monde du rugby ? Je ne sais pas s'ils vont oser mettre le vrai nœud papillon, mais ils pourraient en tout cas le mettre sur le maillot ou faire quelque chose pour rappeler l'illustre d'entant et ce fabuleux match de 1987. À l'époque, ça avait choqué et même agacé. Je me rappelle du côté toulonnais, on se disait "mais qu'est ce qu'ils foutent ? Ils nous prennent pour qui ?" Après on les a vu rentrer avec une baguette sous le bras, un béret, une moustache, peint en noir... On a compris qu'ils étaient comme ça, qu'ils étaient vraiment déjantés. C'était leur esprit de gamin qui resurgissait. Après, on a tous trouvé ça génial. Bernard Laporte a parlé cette semaine de la possession de balle qui serait primordiale dans cette partie, qu'est ce que tu en penses ? C'est vrai que l'équipe qui va imposer des temps de jeu, même en faisant des choses très simples, le fait d'avoir le ballon et d'imposer son rythme met l'équipe adverse à la faute, c'est mathématique. Sur une finale, je pense qu'aucune des deux équipes ne va primer le beau jeu. Ils vont tous primer la stratégie et l'efficacité. Une finale, c'est rarement un feu d'artifice. Au bout de 5 minutes de jeu, on a beau avoir de l'ambition de mettre du jeu, on tourne la tête à gauche et on voit le bouclier. On se dit que si on le veut il va falloir qu'on verrouille. Le problème c'est que j'ai peur que ça verrouille ce soir.
"Jouer au Camp Nou, c'est finalement une bonne chose pour le développement du rugby"
Il y aura de gros duels ce soir, notamment entre Dan Carter et Halfpenny ?Le jeu au pied toulonnais a apporté beaucoup de stabilité. Lors d'une finale, il te faut quelqu'un en capacité de vite transformer les erreurs et les déchets adverses en points. Dan Carter, dans ce registre-là et même s'il n'est pas à 100%, il va être efficace. Et Halfpenny, ça va être l'arme fatale des Toulonnais ce soir pour contrecarrer les plans de Carter. Et puis il y a ce magnifique cadre, le Camp Nou, 98 000 spectateurs, un record pour une finale de Top 14. Le temple du football se transforme ce soir en temple du rugby ? Au départ, je faisais partie des gens qui disaient que c'était n'importe quoi parce que le Top 14 devait rester en France. Quand tu t'aperçois qu'il y aura presque 100 000 personnes, on ne va se le cacher, il y a beaucoup de Toulonnais, mais il y a énormément de gens du Sud Ouest surtout. En fait, toute la France du rugby va se retrouver là-bas un peu comme ils le font à Paris. La région catalane s'est mobilisée au niveau du rugby pour faire venir tous ses clubs. C'est une bonne chose pour le développement du rugby.