Judith Soula : Pour la deuxième année consécutive, tu as vécu la coupe d'Europe du côté médias avec Being Sport dans la peau du consultant. J'imagine que ce n'est pas le même stress que sur le terrain, mais est-ce qu'il y en a un peu quand même ? Dimitri Yachvili : Il n'y a pas la boule au ventre dès le jeudi ou le vendredi mais il y a un petit stress avant de prendre l'antenne. Mais c'est avant tout un plaisir et c'est bien moindre que ce que j'ai connu lorsque j'étais joueur. De tous les matchs que tu as commentés pour Being Sport, y en a-t-il un que tu aurais aimé particulièrement jouer ? La finale de l'année dernière entre Toulon et Clermont. J'ai eu la chance de pouvoir jouer deux finales de Coupe d'Europe, mais jamais d’en gagner une. Je vois de près le trophée, mais je ne l'ai jamais levé, ça reste un petit regret de ma carrière. En début de saison, tu ne misais pas sur le Racing 92 dans un article de presse, c'est seulement lors de leur quart de finale face à Toulon que tu as déclaré que c'était l'année pour le Racing, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? Leur montée en puissance durant la saison est indéniable. On les voit vraiment sereins, très costauds, notamment sur les bases et les fondamentaux . Ils sont très bons devant et l'apport de Dan Carter est énorme, car il y a eu un point d'interrogation sur sa venue et sur son état physique et mental. On a eu de suite une réponse lors de ses premières prestations. Ils sont complets. En demi-finale contre Leicester, ils ont montré beaucoup de maîtrise et de force. Pour la finale contre les Saracens, il va peut-être falloir proposer un peu plus offensivement, car les Saracens sont aussi un gros morceau.
"Aucune équipe invaincue en poule n'a réussi à être championne d'Europe"
Tu avais justement misé sur les Saracens en début de compétition, elle est la seule équipe encore invaincue dans cette compétition cette année. Si Owen Farrell est suspendu, est-ce que cela peut changer la donne, car c'est quand même leur maître à jouer ? Même si Charlie Hodgson peut prendre la relève au niveau du tir au but et du rôle de numéro 10, ce sera ses derniers matchs puisqu'il arrête visiblement sa carrière. C'est un joueur qui a beaucoup d'expérience, mais c'est vrai qu'Owen Farrell apporte beaucoup dans cette équipe. Pour l'instant on n’en sait pas plus concernant sa suspension. Mais ça pourrait être un coup dur, sachant l'impact qu'il a dans cette équipe londonienne. Pour toi aujourd'hui, c'est du 50/50 entre le Racing et les Saracens ? Les deux équipes méritent clairement leur place en finale et le titre de champion d'Europe. Si on prend les statistiques, aucune équipe qui a été invaincue en poule n'a réussi à être championne d'Europe. Donc espérons pour le Racing, et restons patriotes, qu'ils vont lever le trophée. Tu as joué deux finales de coupe d'Europe avec Biarritz, c'était face au Munster et face à Toulouse. Quels petits conseils donnerais tu aujourd'hui au Racingmen ? Je ne sais pas s'ils ont besoin de mes conseils, mais ce serait d'être fort et puissant comme ils l'ont fait, et d'être surtout très bon en défense parce qu'on gagne des titres avec une excellente défense. Pour l'instant d'ailleurs, ils ont la meilleure défense. Maintenant, il faudrait peut être en faire un petit peu plus offensivement, car avoir les deux est le minimum pour une équipe. Il y a aussi ce brin de folie, cette petite étincelle qu'il faut avoir en finale, j'espère que le Racing l'aura.
"Dan Carter rassure l'équipe et la pousse vers le haut"
Tu as dépassé les 600 points inscrits en Coupe d'Europe, vous êtes peu à avoir réalisé cette performance. Quand tu vois les statistiques de Dan Carter avec plus de 95% de réussite, tu te dis que c'est l'atout indéniable pour le Racing 92 ? Forcément. Mais il n'y a pas que ça, il rassure l'équipe mentalement. Pour avoir eu des échos du club, c'est un travailleur. Quand on est le meilleur joueur du monde et qu'on travaille encore plus que les autres, ça pousse les coéquipiers à élever leur niveau. Je crois que c'est ce qu'est en train de faire cette équipe. Tu ferais le parallèle avec à l'époque, l'apport d'un Jonny Wilkinson dans la quête des titres de Toulon ? On peut dire ça, ce sont deux auras énormes qui apportent aux coéquipiers. Dan Carter, toutes les compétitions qu'il a jouées, il me semble qu'il les a toutes gagnées ou a au moins fait les finales. Ce sont de grands champions qui ont tout pour l'emporter. Les joueurs parlent beaucoup de la cohésion du groupe cette année, tu penses que ça peut aussi être la clé du succès pour le Racing ? S'ils arrivent en finale, c'est que la mayonnaise a pris. S'ils ne gagnent pas, on se souviendra peu de cette épopée. Une finale, ça se gagne, et le Racing a pour ambition de gagner des titres vu tout l'investissement qu'il y a eu auparavant. Ce qui est sur, c'est qu'on sent une cohésion dans cette équipe et une force qui pousse tout le monde vers le haut. Les finales auront lieu en France, à Lyon. Le Racing 92 a quand même du mal à mobiliser ses supporters, il était seulement 400 à Leicester pour la demi-finale. Ce sera vraiment un avantage indéniable pour eux de jouer en France ? Les supporters parisiens auront plus de facilité à venir même si les supporters des Saracens vont forcément se déplacer aussi. Le Racing n'est pas réputé pour avoir un énorme public, mais j'espère qu'il y aura quand même une ferveur des Français qui seront dans le stade.
"Montpellier est une arme de destruction massive"
Montpellier disputera la finale de la Challenge Cup face aux Harlequins, un autre match France/Angleterre. Ils restent sur neuf victoires consécutives, toutes compétitions confondues, ils seront sans doute les favoris de ce choc ? Les Harlequins sont quand même une grosse équipe, ils sont très performants dans le Challenge depuis le début et cela reste un objectif pour eux. Mais c'est sur que lorsqu'on voit la machine à gagner qu'est Montpellier, on se demande qui peut les atteindre. C'est vraiment une arme de destruction massive. C'est un jeu assez sclérosé, c'est simpliste, mais tellement efficace. Tellement dépendant de leur buteur aussi donc espérons qu'il soit en réussite ce jour-là. Ils méritent cette finale, mais aussi de remporter un titre. Dans ces deux équipes que ce soit Montpellier ou le Racing 92, les deux demis de mêlée brillent, que ce soit Benoit Paillaugue ou Maxime Machenaud. En tant qu'ancien demi de mêlée international, j'imagine que tu portes encore un regard privilégié sur ce poste ? Forcément, ils sont en haut de l'affiche en ce moment, car ils sont en pleine réussite. Maxime Machenaud s'est imposé dans son rôle de demi de mêlée, d'autant plus qu'il est devenu capitaine suite à la blessure de Dimitri. Benoit, je regarde d'encore plus près parce qu'en plus d'être joueur neuf, il est butteur et il est en pleine confiance actuellement, il pousse vraiment son équipe vers le haut. Je me régale à voir ses matchs.