Judith Soula : Après quinze jours de trêve, le Top 14 a repris samedi dernier où vous vous déplaciez à La Rochelle. C'est un match à oublier ?Imanol Harinordoquy : Le Top 14 a repris ses droits avec plus ou moins de réussite. En ce qui nous concerne, c'est un match dont il n'y a pas grand-chose à tirer, si ce n'est qu'on n’est pas du tout rentré dedans. C'est un bon avertissement pour nous sachant qu'on attaque la dernière ligne droite. Quand on passe à côté comme ça a été le cas, je pense qu'on peut aller chercher beaucoup d'excuses. Là je pense que nous n'en avons pas, on avait tout fait pour bien préparer ce match, on était dans les bonnes conditions. On n’a tout simplement pas mis l'envie et l'investissement nécessaire. On a oublié que c'était un sport où il fallait d'abord mettre du combat et être présent dans l'engagement.Gomola déclarait que La Rochelle n'est plus une petite équipe, vous étiez prévenu ?Oui on était quand même avertis. C'est une équipe qui nous contrariait souvent quand on jouait à Toulouse. Sur les deux derniers matchs à domicile, elle nous a vraiment mis en difficulté. On s'attendait donc à un gros match avec beaucoup de densité physique. Les conditions climatiques ont augmenté un peu le fait de jouer plus serré, dans l'intensité et dans l'engagement. Mais on n’a pas gagné un seul duel dans le match donc c'est compliqué de parler de rugby après ça.C'est une période délicate avec le Tournoi des VI Nations, comment est-elle gérée ?Faire des allers-retours est un peu compliqué, surtout quand on reprend l'entraînement en fin de semaine et qu'on doit retrouver les automatismes. Même si on a l'habitude de jouer en club, on change quand même de systèmes et puis surtout de coéquipiers. Il faut se remettre la tête au championnat alors qu'on joue en équipe de France. Forcément, ce n'est pas la même chose. Il n'y a pas d'excuses a chercher par rapport à ça puisque tous les joueurs internationaux étaient disponibles, ils se sont quand même entraînés avec nous pendant la semaine et ils n'étaient pas non plus tous sur la feuille de match. Mais c'est sur que pour eux, ce n'est pas évident de faire ces aller-retour.Comment tu le gérais à l'époque, c'était dur psychologiquement de passer du Top 14 à l'équipe de France où l'intensité n'est pas la même ?À l'époque, c'était toujours le même problème, ça n'a pas changé. Il y a toujours des doublons, des matchs du Tournoi pendant que le championnat se joue, donc il faut savoir passer du mode club au mode équipe de France. Quand on est sportif, ce n'est pas évident, mais je pense qu'il y a bien pire. Avec de l’expérience, c'est plus facile à gérer.Prochain match du Top 14, ce sera contre Montpellier qui vient de perdre à domicile face à Pau. Vous allez devoir vous racheter de votre non-match à la Rochelle ?Je m'attends d'abord à une réaction de notre part. Il faut qu'on se concentre et qu'on focalise sur notre équipe et notre investissement. Après on regardera un peu les autres. Ce qui est sur, c'est qu'on ne va pas arriver face à une équipe qui a les mains en haut du guidon. On a gagné là bas, ils ont perdu ce week-end contre Pau. Mais pour le coup, si on n’est pas prêt ou qu'on rentre sur le terrain comme on l'a fait samedi dernier, ça va être très compliqué.À quel genre de match on doit s'attendre, Montpellier est costaud à l'avant, c'est aussi une équipe à dominante sud-africaine ?C'est une équipe très solide sur les bases, que ce soit en conquête mêlée et touches, mais aussi défensivement. C'est une équipe qui perd très peu de duels. Offensivement, même si on parle de caractère sud-africain, c'est une équipe qui sait aussi faire des passes, jouer les situations et emballer certaines actions avec de très bons joueurs et de très bonnes individualités. On s'attend à jouer une équipe très sérieuse.Cette semaine, sur quoi allez-vous mettre l'accent ?On a tout à travailler. C'est peut-être plus simple de préparer une semaine comme ça puisque tout le monde est passé à côté samedi dernier. On va déjà bien se préparer individuellement dans l'investissement et dans l'engagement qu'il faudra mettre face à cette équipe. Collectivement, il faudra se retrouver. Dans ce sport pour avancer, il faut d'abord gagner les duels pour mettre son rugby en place, il faudra se préparer là dessus.Le Stade toulousain est éliminé de la campagne européenne. Pour toi c'est un avantage de ne plus avoir à jouer cette campagne européenne ? Comment l'analyses-tu?Il y a un avantage certainement physique. On va quand même laisser moins de plûmes et moins d'énergie dans cette compétition. Mais je ne peux pas dire que ce ne soit que ça, car c'est aussi un inconvénient. Dans des périodes où l'on est bien, c'est dur de couper la dynamique et ne pas jouer certains week-ends. Et à l'inverse, quand on est pas bien, c'est peut-être mieux de couper. Ce qui est clair maintenant pour nous, c'est qu'il n'y a plus qu'un seul objectif, et ça va être plus simple à gérer.Comment expliques-tu que vous soyez moins à l'aise loin de vos bases ?On a eu du mal à faire un match complet. À domicile, je pense qu'on arrive à mettre la machine en route et à jouer notre rugby. À l'extérieur, ça a été plus compliqué, mais je ne connais pas les raisons. Certainement, les fois où on a joué à domicile, il y avait obligation de gagner parce que c'était important comptablement et qu'on avait pas trop droit à l'erreur sur ces gros matchs. Dès qu'on a plus de confort, je pense qu'on se détend un peu, il y a un relâchement coupable qui fait qu'on joue moins bien.Samedi dernier, tu as fêté tes 36 ans, l'équipe a titré "Imanol l'immortel", c'est un beau compliment ?C'est un compliment qui fait à la fois plaisir et à la fois non parce qu'il me rappelle mon âge. Ce qui fait plaisir, c'est de pouvoir toujours chausser les crampons et rentrer sur le terrain avec les copains.Tu as débuté dans l'élite en 1999, est-ce que tu regardes parfois ta carrière en arrière ou pas encore ?J'ai toujours eu du mal à regarder en arrière, même quand j'étais plus jeune. Je suis plutôt quelqu'un qui regarde devant. Certes aujourd'hui dans ce qu'il y a devant, il y a moins de place que par le passé. Mais j'ai une féroce envie de faire quelque chose cette saison avec le stade toulousain. Je ne suis pas nostalgique parce que j'ai profité à fond de chaque moment et que je suis déjà très fier d'avoir réalisé toutes ces saisons dans le haut niveau.C'est vraiment ta dernière année ?Oui. Et ce serait surtout bien de gagner le bout de bois pour s'arrêter sur une belle note. Il y a deux ans, j'ai vraiment failli arrêter, donc à chaque fois que je peux jouer un match de plus c'est pour moi une grande victoire. Je suis vraiment très heureux de pouvoir encore jouer à ce niveau à 36 ans.Quand on sent qu'il reste trois ou quatre mois, est-ce qu'on savoure encore plus ?Je ne te cache pas qu'hier je voulais regarder un peu le calendrier pour compter les matchs qui restaient. Je ne l'ai pas fait, parce que je ne suis pas quelqu'un qui compte et qui me projette plus que ça. Donc je vais vraiment essayer de prendre les matchs les uns après les autres, essayer de penser peut être un peu plus à moi et être un peu plus égoïste, même si ce n'est pas forcément dans ma nature, pour essayer d'en profiter.
Imanol Harinordoquy : "il va falloir se retrouver"
Par Mathilde Régis
Pour le Grand Entretien de Sud Radio Sports, Judith Soula recevait Imanol Harinordoquy, le troisième ligne international du Stade Toulousain. L'homme au 80 sélections évoque le Top 14, mais aussi l'équipe de France version Guy Novès, il s'est même prêté au jeu du "Si t'étais".