Ce samedi, au micro de Xavier Barret, de Julien Plazanet et d’Arnaud Rey, Mourad Boudjellal s’est confié sur la situation actuelle du rugby français, et s’est expliqué sur les menaces de la DNACG envers son ancien club du RC Toulon puis a évoqué des idées pour l’avenir du rugby français. Un passage à réécouter !
Au sujet de la situation sanitaire actuelle en France :
« Ce qui me choque, c’est que l’on est face à quelque chose de gravissime dont personne ne sait rien et l’on voit toute la journée des gens à la télé. Ils ont fait le tour de tous les médecins de France pour qu’ils nous disent : je ne sais pas, je ne sais rien. Tous ces gens qui disent qu’ils sont débordés et qu’ils ne savent pas, le mieux c’est qu’ils restent à travailler dans les hôpitaux. Et puis il y a une chose qui m’énerve, c’est le soutien aux infirmiers et infirmières. Je trouve ça faux-cul. Depuis 30 ans, on leur dit qu’ils sont sous-payés mais ce n’est pas grave parce que vous sauvez des vies et ce que vous faites est bien. On utilise cet argument pour les sous-payer et on a le sentiment que leur salaire, ce sont des applaudissements et de la gratitude. Ces gens-là sont méritants ! C’est un travail très dur. Moi j’ai gagné beaucoup d’argent mais je n’ai pas sauvé de vie donc c’est quasiment anormal. Ils ont un courage exceptionnel et ils méritent mieux, une reconnaissance salariale ! »
Sur les différents scénarios pour une reprise du rugby :
« Je suis estomaqué. Vous voulez jouer dans un cimetière ? Tous les soirs on nous annonce des centaines voire des milliers de morts. On laisse crever nos vieux dans les EHPADs et on est une génération qui est incapable de protéger ses vieux. C’est une honte. Et vous voulez aller faire la fête sur un terrain de rugby ? Sincèrement je n’ai pas envie. L’heure n’est pas à faire la fête sur des terrains de sport. (…) La saison doit être blanche ! Ce serait indécent de rejouer. Ce serait manquer de respect à ce qui se passe. (…) On va vivre des mois très durs encore. Qui aura envie de faire la fête sauf si miracle, si le Docteur Raoult a raison ou si Paul Goze a le Nobel de Médecine… Le seul trophée qui compte, c’est le Nobel de Médecine. On nous explique la distanciation sociale mais on va faire quoi sur les terrains ? On va garder deux mètres d’écart ? On nous parle des valeurs du rugby, mais c’est l’économie. »
Quelles sont les problématiques actuelles du rugby français ?
« Aujourd’hui le problème principal du rugby c’est la Ligue. Aujourd’hui il y a une opportunité énorme. Il faut créer de la valeur et la Ligue est un frein à la valeur. C’est une association qui veut régenter le rugby de façon très conservatrice avec une économie très dirigée. La valeur, c’est ce Top 14 qui doit être une société financière à objet lucratif et qui va vendre ses actifs, qui va être propriétaire de cette Ligue et qui va récupérer des sommes incroyables. Et il n’y aura pas de dépôt de bilan. Mais dans le système actuel, il y aura des dépôts de bilan et la Ligue sera responsable car c’est elle qui entretient ce système. La valeur, c’est de créer une Ligue privée qui va vendre ses actifs à un fonds de pension. Je peux vous dire que des sociétés sont intéressées et sont prêtes à dépenser d’énormes sommes pour faire partie de cette aventure. (…) Pour moi, l’erreur dans le rugby, c’est le salary cap. Je suis un fervent supporter du fairplay financier. Quand vous mettez le salary cap à 11,3 millions d’euros, n’importe quel président se dit que s’il a 11,3 millions de masse salariale, il participe à la fête et qu’il va avoir pleins de produits. Donc il prend le risque. Des gens se mettent dans le rouge ou font des erreurs sur les salaires car ils ont l’impression que le prix du titre, c’est 11,3 millions. (…) La vraie bataille, c’est de créer des richesses collectives. Le salary cap est responsable de cette hausse des salaires et de cette folie financière autour du rugby. (…) La Ligue a souhaité faire un achat immobilier à 20 millions d’euros, et cela va être payé avec les droits TV des clubs. J’ai proposé que soit montée une SCI à laquelle chaque club aurait 1/30e puisque c’est leur argent. C’est un immeuble qui va servir de bureaux à la Ligue, cela devient la maison du rugby, c’est une propriété commune, c’est un endroit où l’on se retrouvera et cela va créer du lien. On nous a dit : "on va y réfléchir, on va monter une commission" et puis on nous a dit que c’était trop tard et que c’était signé. Et regardez, il y a un hymne à l’entrée des matchs de rugby, c’est l’hymne de la Ligue ! Les mecs achètent des billets pour aller voir un match de la Ligue Nationale de Rugby. Ils passent au-dessus de la marque qui est le Top 14 et la Pro D2. Il y a un égo. La marque, c’est le Top 14 et la Pro D2. Ça prouve qu’il y a un problème. »
Au sujet des menaces de la DNACG envers le RC Toulon :
« La DNACG est un organisme qui n’est pas indépendant car il est financé par la Ligue. (…) Personne n’est indépendant et son conseil supérieur, c’est pareil. L’indépendance, dans ces organisations, fait rire le monde du Droit. Ils ont sorti des règlements et les règlements du rugby sont plus épais que les codes du sports… Ils disent que les clubs doivent demander le bilan à toutes les sociétés partenaires. Par exemple, une société qui affiche son nom sur le maillot, et bien la DNACG dit : je veux le bilan de cette société. (…) Là où ils sont faux-culs, c’est qu’ils ne me le demandent pas à moi, je n’ai pas de contacts avec eux, ils le demandent au club et sanctionnent le club. Mais parce qu’ils n’ont pas le droit de me le demander et n’ont pas le droit de me sanctionner ! Ce qui me choque le plus, c’est qu’on ne le demande qu’à moi. Mais tous les autres clubs ont des sociétés parallèles ! Pourquoi on ne généralise pas ça ? J’ai été au Comité Directeur et pendant trois ans, je leur ai demandé le "grand livre", les comptes détaillés, et on m’a dit "c’est ton droit, tu l’auras la semaine prochaine". Sauf que j’ai l’impression que les semaines, chez eux, durent 36 mois. Depuis trois ans, je n’ai rien eu ! (…) Le RCT est totalement conforme avec le règlement de la DNACG, ses fonds propres sont positifs, elle n’a aucune raison de demander ça si ce n’est peut-être parce que c’est moi. Alors je leur dis, vous me donnez vos bilans, je vous donne les miens ! (…) J’ai envie de voir les notes de frais, les salaires, comment les commissions sont organisées… J’ai deux commissaires aux comptes et tous mes bilans sont validés. J’ai accepté la quasi humiliation, ils sont venus à Toulon, ils ont fouillé mes comptes privés et mon patrimoine personnel. Ils ont fonctionné au chantage : "si on n’a pas accès aux comptes privés, on ne qualifie pas vos joueurs." (…) J’ai envie de leur donner des raisons de ne pas m’aimer. Ces gens-là, je les ai entretenus. Si aujourd’hui ils ont de beaux bureaux, de beaux salaires et qu’ils font les dindons, c’est parce que des gens comme moi ont investi dans le rugby et ont fait monter les droits TV. Eux ils n’ont rien fait. Ce sont tous ces gens à la Ligue et à la DNACG. (…) La DNACG c’est un petit peu comme les videurs de boite de nuit, parce qu’ils ont des chaussures neuves, ils se croient tout permis. Personne ne vient fouiller pour savoir combien je gagne. Si, un procureur ! La DNACG veut avoir accès à des comptes qui ne sont pas ceux du RCT. Ils n’ont pas à le savoir. S’ils me montrent leurs comptes, je ferais l’effort… »