"Faire les Jeux olympiques en judo et en rugby": la judoka Amandine Buchard, hyperactive jamais rassasiée, sait qu'elle a beaucoup à prouver sous ses nouvelles couleurs du Stade français pour faire de ce "défi fou" une possibilité, avec en ligne de mire Los Angeles 2028.
Doux rêve ou objectif concret ? Ce double projet, annoncé dès le lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux de Paris par la judoka de 29 ans, a surpris, mais a franchi un premier cap avec sa signature au Stade français la semaine dernière.
"Je commençais à perdre un peu cette flamme pour le judo", rembobine Amandine Buchard, médaillée en bronze à Paris en -52 kgs, sa deuxième médaille en individuel après l'argent à Tokyo, et qui explique avoir souffert des années Covid et de la pression des médailles qu'on attend d'une athlète avec son palmarès.
Sur les conseils de sa psychologue et de son préparateur mental, elle se cherche alors une activité ressource, pour respirer un autre air que celui des tatamis. "Il y a en c'est l'art, d'autres la musique, d'autres c'est les études. Moi, je suis accro au sport", analyse Buchard.
Elle retombe alors dans le rugby, découvert au collège notamment grâce à un de ses profs de sport de l'époque, Adrien Marbot, aujourd'hui arbitre en Top 14. Une passion abandonnée pour se lancer à corps perdu dans le judo de haut niveau.
+Bubuche+ renoue avec le ballon ovale en janvier, et dispute cinq matches avec le club de Noisy-le-Grand-Marne-la-Vallée en Fédérale 2 (4e division), à l'étonnement de certaines de ses camarades judoka, venues la voir jouer. "Elles m'ont dit +Tu es folle+", reconnaît en souriant Buchard, qui n'a arrêté le rugby que trois semaines avant de décrocher un bronze mondial à Abou Dabi en mai.
- "Ne pas arriver en diva" -
Forte d'un nouveau bronze -olympique- à Paris, elle ne veut pas renoncer au judo, son sport favori, où elle cherche toujours son graal: un titre en individuel aux Jeux ou aux Mondiaux. "Plus les challenges sont hauts, plus ils me transcendent", assure cette compétitrice acharnée, qui déteste perdre même au squash ou lors d'un +five+.
Sans club après sa rupture avec le Paris Saint-Germain, opposé à son double projet, après les Jeux, Amandine Buchard est alors contactée par le Stade français, dont Noisy est un club partenaire.
Séduit par le caractère de "cette fille pleine de punch", Yohanne Penot, le directeur sportif de l'école de rugby du Stade français, est convaincu qu'elle peut amener "un état d'esprit de sportif de haut niveau", sans pour autant "griller les étapes".
Un monde existe entre la Fédérale 2 et l'Elite 2, où évoluent les Pink Rockets, l'équipe féminine du Stade français, sans même parler des Bleues du rugby à VII. Dans un premier temps, Buchard continuera à s'entraîner et jouer dans son club de Noisy, et intègrera progressivement l'équipe parisienne.
"On n'attend pas qu'Amandine soit performante tout de suite. C'est un projet à quatre ans, notre objectif c'est de l'accompagner", tempère Philippe Jaulin, président de l'association Stade français Paris rugby.
"Je n'ai aucun doute sur le contact", sourit Yohanne Penot. "J'ai des années de retard en termes de vision, de jeu, de placement", reconnaît Buchard, qui accumule les exercices techniques et ne veut surtout pas "arriver en diva". "Il faut me faire ma place dans le monde du rugby parce que je pars de zéro, je ne suis personne", insiste-t-elle.
A son lourd programme d'entraînement vont rapidement se greffer d'autres problématiques: la gestion du poids, essentielle en judo, celle des calendriers des compétitions...
Pas de quoi décourager la fougueuse athlète qui va réduire son programme de compétition de judo. Pas de Grand slam de Bercy en février prochain, mais priorité aux championnats d'Europe (avril) et du monde (juin).
Reste encore à être sûre d'être sélectionnée en équipe de France de judo, où les places peuvent être chères. "En étant la meilleure de ma catégorie en judo, je ne laisserai pas le choix de ne pas me sélectionner", tranche Buchard, déterminée à plaquer tout obstacle.
Par Olivier BORIES / Paris (AFP) / © 2024 AFP