Sud Radio Sports : On vient d'écouter votre Pilou-pilou, vous souhaitiez imiter Jacky Lorenzetti en montant sur la table ? Mourra Boudjellal : Non ça m'amusait, on va essayer de faire un peu danse avec les stars ce week-end. J'ai beaucoup de respect pour Jacky, et puis le Pilou Pilou, je le fais souvent après les grandes victoires, et c'était une grande victoire samedi dernier. J-3 avant cette finale historique au Camp Nou, vous vous sentez comment ? Sincèrement, avec tout ce qu'il nous est arrivé cette année... Jouer un quart de finale de Coupe d'Europe dans les conditions où l’on a disputé cette compétition, avec d'entrée des dépipés, une poule de la mort et le fait de ne pas être tête de série, et le nombre de blessures qu'on a eues, les absences liées à la Coupe du Monde... On a joué un match à Brive, il nous manquait 27 joueurs ! Jouer une finale de Top 14, c'est déjà une récompense en soi. Après si on peut faire mieux, bien sûr on ne va pas se mentir, on le fera. J'y vais assez serein. Quoi qu'il en soit, la saison est belle. Soit on soulèvera le bouclier, soit le Racing le soulèvera, et ce ne sera pas un hold-up non plus.C'est un exploit pour vous d'être en finale ? Dans les conditions de cette année oui. Je vous rappelle qu'on a perdu O'Connell alors que la saison n'avait pas commencé, Samu Manoa pendant six mois, Halfpenny et Matt Giteau quasiment toute l'année, Drew Mitchell, Sébastien Tillous-Borde, Etrillard, Ollivon, Juan Smith, Vermeulen... ça fait du monde quand même !
"Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ça chauffe"
Vous le disiez ce sera au Camp Nou à Barcelone, votre capitaine Guilhem Guirado est catalan, est-ce que vous y voyez un signe ? Pour la photo, ce serait beau que pour une finale de Top 14 à Barcelone le bouclier soit soulevé par un Catalan, qui est au demeurant le capitaine de l'équipe de France. Mais après pour le Racing, ça fait un moment qu'ils courent après un titre. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ça chauffe quand même, ils s'en rapprochent de plus en plus. Je suis bien placé parce que j'ai su par le passé ce qu'était la volonté d'aller chercher un titre. On a perdu plusieurs finales, c'est clair que quand vous dites, cette fois c'est terminé, je vais gagner, il y a une force qui vous habite qui est énorme.La magie est-elle la même quand on va au Camp Nou ? Je n'y suis jamais allé de ma vie, mais ce que je peux vous dire, c'est que c'est compliqué à organiser. Surtout qu'il y a les fêtes de la Saint-Jean là bas. C'est une usine à gaz à organiser, vraiment c'est terrible. Je ne vais pas dire non plus qu'on regrette de s'être qualifié, mais on va dans l'inconnu le plus total. On se dit que c'est plus fort, mais que la déception sera plus grande. C'est une victoire déjà que de faire partie des deux équipes qui vont jouer une finale historique. Au passage, j'étais un peu contre à l'époque et finalement Paul Goze a eu une très très bonne idée, je lui rends grâce. En fait, c'est excitant, il avait raison. Mais on attend de la déception parce qu'elle sera à l'échelle.
"Les victoires, si victoires il y a, n'auront plus la même saveur sans Bernard Laporte"
C'est une bonne nouvelle pour vos supporters que ce soit le Racing 92, vous allez pouvoir récupérer quelques places ? Oui, mais on a des problèmes de transports, car il n'y a pas d'avions avec l'Euro et il n'y a pas d'hôtels avec les fêtes de la Saint-Jean. C'est très compliqué pour nos supporters. Nous, on a vendu tous nos billets, on est en train de récupérer les places du Racing, ce qui est d'ailleurs une anomalie. C'est une anomalie qu'un club soit en finale et ne vende pas ses billets, ce n'est pas normal. On ne sait pas comment est constitué le rugby, mais ce serait bien qu'on repense un peu le modèle économique pour que l'engouement soit une des bases de la construction budgétaire. Ça fera à peu près combien de Toulonnais à Barcelone ? C'est difficile à évaluer, on avait 5000 billets et ils sont vendus. Je pense qu'on va en faire 8 ou 9000, plus tous ceux qui en auront acheté sur le net. C'est à 5 heures de Toulon en voiture. Ce n'est pas très loin, il y a une frontière qui est assez touristique et attractive donc c'est un beau déplacement pour les Toulonnais.Ce sera la huitième finale en cinq ans sous l'ère Bernard Laporte. Est-ce que vous réalisez que ce sera sa der ? Sincèrement, on n'y pense pas. On est concentré sur ce match et on ne laisse pas de place à l'émotion. Mais c'est vrai qu'à la fin du match, il ne sera plus le patron du RCT. Ça fera bizarre, mais c'est comme ça, c'est la vie. Il a beaucoup apporté et puis il a d'autres choses à faire aujourd'hui. On savait que Bernard Laporte était en CDD. Il a beaucoup donné. Mais il faut avoir confiance en l'avenir. La seule chose qui m'embête, c'est le côté humain. Le Bernard, avec toutes ses conneries, ses mimiques et ses défauts, on s'y est un peu habitué. Ça va nous manquer ses conneries, ça, c'est clair. Il a réussi quand même à vraiment humaniser les choses et a nous créer des centaines d'anecdotes. Il est totalement incroyable. Ça va énormément nous manquer. Peut être que les victoires, si victoires il y a, n'auront plus la même saveur sans lui.
"Jacky Lorenzetti s'est un peu inspiré de moi, ce qui prouve déjà qu'il a bon goût"
Ça a toujours un côté émotionnel le départ d'un entraîneur ou d'un joueur, notamment dans les derniers matchs de la saison. C'est un point sur lequel vous allez insister cette semaine avec un discours ou il faut l'occulter pour laisser la place au sportif ? Je n'ai pas parlé à mes joueurs depuis longtemps parce que Bernard vit ces derniers mois et je me suis dit, "ça lui appartient". Mais peut-être que vendredi je dirai un mot par rapport à Bernard, je ne sais pas, je n'ai pas décidé. J'ai vraiment essayé de me mettre en retrait et de le laisser vivre à 100% le truc comme il a envie de le vivre. Bernard c'est un gamin. Il a parfois des formules agressives, il est parfois provocateur, mais il a la sensibilité d'un gamin. C'est quelqu'un qui vit les choses émotionnellement de façon très forte. J'ai envie vraiment qu'il les vive totalement.Avec Jacky Lorenzetti, vous aimez bien vous taquiner, vous aviez déclaré, c'est mon "Poulidor", vous souhaitez vendredi soir qu'il reste deuxième ? Oui, mais j'avais aussi dit que j'en profite parce qu'il ne va tarder à me dépasser. Je le narguais un petit peu, mais je suis réaliste. C'est vrai que Jacky s'est un peu inspiré de moi, ce qui prouve déjà qu'il a bon goût. S'il veut vraiment s'inspirer de moi, il faut qu'il se rappelle que j'ai d'abord perdu trois finales avant d'en gagner une. Autant qu'il soit un modèle parfait. Je respecte énormément Jacky Lorenzetti, on est différent et tant mieux parce que si on était tous pareil, qu'est-ce qu'on s'emmerderait ! Il a son modèle, j'ai le mien, on aime bien se taquiner, mais il y a quand même un respect. Le côté émotionnel, il est sur le fait qu'il y a neuf ans, on jouait une finale de Pro D2 l'un contre l'autre. Neuf ans après, on se retrouve ne finale du Top 14 donc le seul constat qu'on peut faire, c'est qu'on a pas trop mal bossé tous les deux.