Les dernières semaines ont été animés par les accords passés entre la ligue nationale de rugby et la fédération française de rugby, très favorable au XV de France, mais aussi les menaces de relégation de plusieurs clubs de Pro D2 pour raison financières. Pour en parler, Paul Goze, le président de la ligue nationale de rugby, était au micro d'Anthony Tallieu pour Sud Radio Sports.
Anthony Tallieu : le rugby français est-il malade financièrement ? Paul Goze : Il y a un certain nombre de clubs qui ont du mal à se structurer, qui ont peut-être eu des crises de croissance importante et qui donc sont en difficulté. Maintenant, on s'aperçoit qu’au-delà du problème spécifique de trois clubs, le déficit cumulé d'exploitation des clubs était de 34 millions au 30 juin 2014 et de 20 millions au 30 juin 2015. Cela veut bien dire qu'un travail de fond est fait, qu'il y a une très forte amélioration de pratiquement 50% d'une année à l'autre. L'argent des droits télés supplémentaires qui est arrivé dans les clubs leur a servi pour se restructurer financièrement. Tout ça ne peut pas se faire en un jour, vous aurez toujours des clubs qui seront moins structurés au niveau de leur administratif et auront plus de mal à rétablir leur compte. Je pense que malgré tout, considérant les résultats généraux que vous pouvez voir dans le rapport publié la semaine dernière, il y a une amélioration très forte de l'ensemble du rugby français professionnel. Le tout, c'est de ne pas vivre au-dessus de ses moyens ? Bien évident, le tout c'est de ne pas se laisser entraîner dans une surenchère folle dans les salaires des joueurs, puisque c'est le principal poste de dépenses. Il faut partir du principe qu'un joueur, même s'il est payé le double, il n'est pas deux fois meilleur. Je pense que ce sont des principes très simples, mais qui ne devraient jamais quitter l'esprit de nos dirigeants dans le rugby. Je pense que tout ça est en train de s'améliorer, mais de gros efforts sont encore à faire pour arriver à ce que l'ensemble du rugby français puisse vivre sur l'économie du rugby.
"S'il y a deux clubs relégués, le Pro D2 se jouera à 15"
Il y a beaucoup d'hypothèses qui ont été faites par rapport aux rétrogradations de clubs. S'il y en avait peut-être plus d'une qui était prononcée, on parle d'un championnat à 15, qu'en est-il exactement ? On a voté cela hier en comité directeur, c'est très simple. S'il y a un rétrogradé, Aix sera repêché. S'il y en a deux, nous jouerons la Pro D2 de l'an prochain à 15. Il n'est pas question de repêcher en fin de procédure, fin juillet, un autre club de fédéral qui n'aura pas été préparé ni structuré. S'il y a une deuxième rétrogradation, nous jouerons à 15. Je ne parle pas de la possibilité de trois clubs parce que Biarritz, je pense, à régler son problème. Au maximum, il peut y avoir deux rétrogradations. À l'avenir, est-ce que l'on doit s'attendre à ce qu'il y ait un championnat qui se joue dans la coulisse et plus sur le terrain, notamment au niveau des descentes ? Vous avez des clubs qui sont rattrapés par les problèmes financiers ou administratifs d'autres clubs depuis deux ans alors que sur les deux saisons, ils devaient être rétrogradés. Mais ça c'est le jeu des sports professionnels, chacun joue la saison et puis après, les problèmes financiers peuvent venir s'immiscer dans les résultats sportifs et faire que les classements qui étaient acquis sportivement ne le soient pas d'un point de vue financier. Je pense que l'amélioration sensible qu'il y a eu cette saison sur l'ensemble des clubs professionnels nous amène à penser qu'on devrait avoir surement dans les prochaines saisons un petit peu moins de difficultés avec les clubs.
"Dans certaines régions, le rugby n'existe qu'à travers l'équipe de France"
Il y a une autre actualité un petit peu brulante en ce moment c'est les nouveaux accords LNR-FFR, qui renforcent notamment la mise à disposition des internationaux pour les clubs. D'un point de vue extérieur, on a l'impression que c'est favorable au XV de France, peut être un petit peu moins au Top 14. Est-ce que c'est un cadeau présidentiel que vous avez fait ou vous avez fait des concessions ? Je pense qu'à la suite de la Coupe du Monde, il y a eu un choc dans le rugby français. À la suite de cela s'est créée une cellule de personnalités, nommées par la ligue et par la fédération. Cette cellule a fait des propositions et la ligue et les clubs- puisque la ligue c'est personne, c'est 30 clubs qui se sont réunis- nous avons estimé qu'un certain nombre des propositions qui étaient données par la cellule technique étaient de nature à améliorer les résultats du XV de France. Les clubs ont souhaité faire cet effort, qui n'avait pas été fait jusque là. C'est aller bien au delà pour favoriser le XV de France. Il y a un principe premier qui ne doit jamais être oublié, c'est que l'équipe de France est importante pour l'ensemble du rugby français, y compris, et surtout peut-être, pour le rugby professionnel. L'équipe de France, c'est la vitrine du rugby de façon nationale et internationale. D'autant plus comme je l'ai dit souvent, le rugby n'a pas pour l'instant une couverture géographique nationale. Il n'existe dans certaines régions qu'à travers l'équipe de France. Le fait que l'équipe de France soit extrêmement performante est très important pour tous les sports, mais pour le rugby en particulier. Est-ce que ces accords ont été directement influencés par les propositions du candidat Bernard Laporte à la FFR, comme il l'a avancé ? Chacun peut dire ce qu'il veut, chacun peut tirer parti de toutes les décisions qui sont prises par n'importe qui. Tout ça n'est pas le problème. L'important c'est de savoir que la cellule technique a été nommée au mois de décembre. Qu'elle s'est réunie entre janvier et mars, que les propositions ont été données au mois d'avril au président Pierre Camou et à moi même et que par rapport à ça, nous avons travaillé dessus pour arriver à l'accord d'hier. Maintenant, chacun peut s'arroger la paternité de toutes les décisions, mais ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que les clubs professionnels aient pris conscience du fait que le XV de France est quelque chose de prioritaire pour le rugby français et qu'ils ont a leur très large majorité accepté de faire un certain nombre d'efforts qui n'avaient pas été faits jusque là pour mettre à disposition les internationaux. Est-ce qu'il y aura pour les clubs pourvoyeurs d'internationaux des contreparties autres que financières comme justement Bernard Laporte l'a évoqué, c'est à dire par exemple la possibilité de recruter un "joker" par joueur international ? Bien évident, ça fait partie de la convention sportive et financière. Tout club aura le droit de recruter un joueur supplémentaire hors du quota de l'effectif de 35 joueurs. Ce sera un joueur pour deux internationaux, et le salary cap sera augmenté pour le club de 200 000 euros par joueur sélectionné. Donc une équipe qui aura quatre joueurs sélectionnés à l'équipe de France n'aura pas un salary cap de 10 millions d'euros, mais de 10 millions et 800 000 euros puisqu'il a quatre fois 200 000 euros de marge supplémentaire. Tout a été fait pour favoriser à la fois le Xv de France et ne pas pénaliser les clubs qui fournissent les internationaux.
"Un plan prévoit un très important renforcement du dispositif JIFF"
On entend déjà par rapport à ça que ce serait la porte ouverte à un recrutement de plus de joueurs étrangers dans le Top 14. Qu'est-ce que vous avez à répondre à cela ? Je l'ai entendu et je l'ai anticipé puisque cette convention se double de ce qui est prévu dans notre plan stratégique qui va être voté au mois de juillet. Ce plan prévoit un très important renforcement du dispositif "joueur issu des filières de formation" (JIFF) pour la saison 2017-2018. Bien évidemment vu la date, nous ne pouvions pas le mettre en place dès les saisons 2016 et 2017. Nous allons voter le principe général au mois de juillet à l'assemblée générale et le principe détaillé dans un comité de directeur de début septembre. En cas de non-respect, il s’agira d’un retrait de points et non plus des sanctions ou d’incitations financières. Deuxièmement, les joueurs non issus des filières de formation ne pourront être que 16 dans tout le club. Pas seulement dans l'effectif professionnel, mais aussi dans les espoirs. Tous les joueurs qui sont « espoirs » et donc des futurs joueurs issus de formation ne seront pas considérés comme tels. Car aujourd'hui, un espoir est considéré comme joueur issu de la formation tant qu'il n'a pas la qualité. Il ne pourra pas plus y avoir de non JIFF en joueurs supplémentaires et en joker médicaux, sauf s'ils rentrent dans le quota des 16. Un club qui voudra se garder des places de non JIFF pour un joker médical ou un joueur supplémentaire devra en début de saison n'en avoir que 14 dans son effectif pour pouvoir éventuellement en recruter. Ce sont des mesures extrêmement fortes et précises qui tenteront à limiter le poids des non JIFF dans les effectifs professionnels. Ça va de pair avec ce qu'on vient de voir. C'est à dire, la mise à disposition des internationaux pour que les jeunes joueurs français puissent jouer et non pas que les clubs se disent que puisque des internationaux sont mis à disposition, ils vont recruter des étrangers pour compenser. Ils ne pourront pas compte tenu du dispositif JIFF qui va être renforcé dès la saison 2017, 2018. Il n'y a pas de mesure contre-productive comme on a pu l'entendre ? Non. Je pense que les gens doivent penser que nous sommes avec des QI relativement bas. Bien évidemment, on a imaginé immédiatement que ce type de proposition pouvait amener le fait que puisque les joueurs français étaient très mobilisés par l'équipe de France, on allait recruter des étrangers. Il allait de paire qu'on fasse à la fois cette convention qui libère les internationaux et qu'en parallèle on fasse une contrainte pour les non JIFF qui soit beaucoup plus importante, afin de faire qu'il y ait un cercle vertueux. Donc les joueurs français internationaux qui sont mis à disposition seront remplacés dans les clubs par des JIFF, dont les futurs internationaux de demain.