Sud Radio Sport : C'est un recrutement à fort accent toulonnais pour toi, ancien entraîneur des trois quarts du RCT. Hier, Frédéric Michalak a annoncé officiellement son arrivée au Lou la saison prochaine, j'imagine que tu y es pour beaucoup ? Pierre Mignoni : J'ai beaucoup poussé pour qu'il nous rejoigne parce que je le connais bien. Je suis sur que c'est une plus-value pour nous. On dit que Yann Roubert n'était pas très chaud au départ, il a fallu convaincre le président ? Ce n'est pas qu'il n'était pas chaud, c'est que Fred devait apparemment rejoindre l'union il y a deux ou trois ans et que ça ne s'était pas fait. Il n'y avait pas de contre-indication pour sa venue, mais c'est vrai qu'il a fallu se battre un petit peu. Il y avait aussi, c'est vrai, des risques de blessure de Fred, mais c'est quelqu'un qu'on va utiliser comme il faut et qu'on ne va pas faire jouer quinze matchs d'affilés. Il a une grosse expérience, c'est quelqu'un de toujours très positif. Je sais ce qu'il va apporter au groupe tous les jours à l'entraînement, c'est un vrai compétiteur. J'ai besoin de joueurs comme ça. Qu'est ce que tu attends de lui, qu'il rassure l'équipe, qu'il ait ce côté leader ? J'attends qu'il soit ce qu'il est, je ne vais pas lui inventer un rôle. Il a un rôle à Toulon, il a eu un rôle à Toulouse. En équipe de France, c'est quelqu'un qu'on connait très bien, qui a beaucoup évolué dans sa façon de voir les choses, de s'entraîner. Il est vraiment sur une autre dimension par rapport à tout ça. Je crois que sa venue est importante pour nous, mais sans être non plus dans l'urgence. Fred ne vient pas à Lyon en héros pour sauver le Lou Rugby de quoi que ce soit. Il vient comme un joueur comme les autres, donner le maximum. Il ne jouera pas tous les matchs, mais les matchs qu'il jouera, il devra être performant comme les autres. Il n'y a aucune pression vis-à-vis de lui, il n'est pas là pour sauver Lyon, il y a un recrutement qui est fait. Ce n'est pas Frédéric Michalak qui va nous sauver la saison.
"Frédéric Michalak va finir sa carrière du mieux possible"
C'est un peu un pari comme l'avez été à l'époque un Jonny Wilkinson à Toulon ? On le sait, Fred a souvent été blessé aussi, ça peut être un nouveau défi pour lui, mais aussi pour vous ? Je l'ai entraîné pendant trois ans, et comme je l'ai dit, c'est un vrai compétiteur. C'est quelqu'un qui va finir sa carrière du mieux possible. Je sais qu'il se donnera à 100% tous les jours à l'entraînement, et rien que ça, ça me va. Comme tous les joueurs, il est capable de se blesser, peut être qu'il s'est blessé un peu plus que les autres ces derniers temps, mais je suis sur qu'il va nous faire une très belle saison. C'est le joueur qui boucle le recrutement du LOU ou il y a encore du recrutement à faire ? Il y aura un joueur de plus qui va être annoncé, peut-être un autre, mais ce n'est pas sur. Dans l'ensemble, on a quand même conservé les trois quarts de notre effectif de cette année, même si on a vu beaucoup de départs et beaucoup d'arrivées. Il y a 13 recrues et beaucoup d'avants, bien plus que de trois quarts, c'est Vincent Clerc qui est dans le viseur ? Non, Vincent on l'a vu, on s'est renseigné. Je le connais très bien et j'ai eu la chance de jouer avec lui. Après, je ne veux pas qu'on dise que Lyon ne recrute que des joueurs en fin de carrière, même si pour moi ce serai un manque de respect vis-à-vis de Vincent au vu des matchs qu'il fait. C'est encore un des meilleurs, et puis surtout, cela ne veut rien dire. Pour moi dans les joueurs qui viennent en fin de carrière, il y a ceux qui viennent traîner les pieds et ceux qui sont compétitifs : les deux joueurs que l'on vient de citer sont compétitifs. Je ne suis pas inquiet de ce côté-là. On a aussi fait un recrutement assez jeune, on parle beaucoup de Fred parce que c'est le dernier arrivé, mais on a eu des joueurs de 22 et 23 ans. On a fait un recrutement assez équilibré à ce niveau-là.
"C'est à nous de prouver que Lyon a grandit"
Le LOU est un club qui monte, mais est-ce facile de recruter quand on est à Lyon. Le club d'aujourd'hui fait-il rêver les joueurs du Top 14 ? Très honnêtement, ce n'est pas simple de faire venir un joueur international aujourd'hui. C'est un club qui a une histoire un peu chaotique où il est monté, puis descendu. Ce n'est pas simple, mais c'est un club qui a un vrai projet, de vraies ambitions. On a commencé à créer quelque chose entre nous sur le championnat Pro D2, ce n'était pas simple, croyez-moi. Des gens y croient. On voit par exemple Mickaël Ivaldi qui nous rejoint : il a 25 ans et jouait à Montpellier, un des meilleurs clubs d'Europe. Il aurait pu y rester. S'il nous a rejoint, c'est qu'il croit en notre projet. Il y a des joueurs comme ça qui sont venus, d'autres qui ne sont pas venus, et c'est normal, je n'en veux à personne. C'est à nous de montrer et de prouver que Lyon grandit. C'est la troisième fois en cinq ans que Lyon va retrouver le Top 14. Pour toi, quelles sont les erreurs à ne pas commettre de nouveau ? Je n'étais pas encore là donc je regardais de l'extérieur. C'est facile de dire que j'aurai fait ci ou ça. Mais le président a appris ?Oui bien sûr, il a tout fait pour tirer les conséquences. Mais ça fait partie du passé, on essaye de construire quelque chose de nouveau depuis cette année. Sur ce qu'il s'est passé avant, je me suis un peu renseigné pour ne pas faire, moi aussi, certaines erreurs. Mais aujourd'hui, nous avons fait le recrutement avec le président, on a fait les choses qui se mettent en place depuis quelques mois maintenant. J'en assumerai toutes les responsabilités. Mais on est confiant, on sait où l'on va.
"Ce club a besoin de travailler, de se taire et de faire les choses"
L'objectif principal pour la saison prochaine, c'est le maintien en Top 14 ?Même moi je n'ai pas envie de parler de maintien, ça donne toujours une certaine pression alors que je crois qu'on en aura assez. Ce club a besoin de travailler, de se taire et de faire les choses, de construire petit à petit. Je ne me vexe pas, mais beaucoup de monde nous voit vite redescendre, car le passé ne parle pas en notre faveur. Aussi, quand on voit les statistiques des clubs qui sont montés, on s'aperçoit qu'ils sont redescendus quasiment une fois sur deux. Donc on va travailler, mais je sais qu'on aura un groupe de qualité. Comme je l'ai dit, je prendrai la responsabilité, je sais ce que ce groupe sera capable de faire. On va montrer à pas mal de monde qu'on est capable d'évoluer. La réussite des autres promus sur les dernières saisons de Top 14, comme l'UBB, La Rochelle ou la section paloise peut-elle servir de base de travail, si ce n'est d'exemple ? J'ai beaucoup regardé Pau cette année et tous les clubs qui évoluent en Top 14 depuis quelques années. C'est très intéressant de voir ce qu'ils ont fait de bien. Mais chacun a sa propre histoire, je ne peux pas me baser sur un modèle comme La Rochelle ou comme Pau, car on est vraiment tous différent. Il y a quand même une culture de club, une ville, une région et une philosophie qui change pas mal de choses. Comment définirais-tu la culture du LOU, après avoir connu Toulon et Clermont, des clubs à forte identité ? À Lyon, c'est toute une région qui est très rugby, j'espère qu'on le verra l'année prochaine puisqu'on devrait jouer à Gerland et que c'est plutôt une bonne nouvelle. Effectivement, Lyon est plus une ville de foot que de rugby, il faut se rendre à l'évidence. Mais ça n'empêche que, sous l'exemple de Paris et du stade français à l'époque ou du Racing aujourd'hui qui sont des clubs de grandes métropoles, il faut créer un certain état d'esprit à l'intérieur du groupe. C'est ce qu'on a essayé de faire cette année, je pense qu'on est sur la bonne voie, on n'est pas arrivé, mais on a montré quand même des ressources mentales et morales pour créer un effectif. On va se baser sur ces 25 joueurs qui vont rester de cette saison, plus les nouveaux joueurs qui vont nous apporter une plus-value. On va se servir de ces valeurs-là entre nous pour construire un groupe qui va se préparer à une guerre atomique. L'année prochaine, je pense que le championnat va être encore plus dur que cette année. Jouer à Gerland, peut-être dès la saison prochaine, ça ne fait pas peur ? Je vais vous dire la vérité, j'ai poussé pour qu'on y aille parce que Lyon jouait il y a très longtemps dans ce stade-là. C'est un peu un retour à Gerland même si Gerland c'est très foot, ça a été très rugby. Je crois que c'est un retour aux premiers amours et puis surtout c'est comme je l'ai dit, une ouverture sur toute la région. À nous de faire ce qu'il faut sur le terrain pour fidéliser les gens à venir au stade. Mais ce n'est pas une pression, si on veut grandir et avoir des ambitions, il faut prendre des risques, sinon on reste petit.