Pourquoi n’as-tu pas parlé depuis la fin de la coupe du monde ?Ce n'était pas le moment de parler. Après la coupe du monde, j'ai assumé en prenant mes responsabilités. J'ai préféré me ressourcer et dire ce que j'avais à dire dans un livre. Maintenant, c'est le moment de redevenir un vrai supporter du XV de France qui nous fait assez plaisir depuis le début du tournoi des 6 nations . L’écriture du livre a-t-elle été une thérapie ?C'était bien d'expliquer. Il y a eu des choses vraies et d'autres complètement fausses de dites. Je parle dans ce livre des problématiques du calendrier du rugby. Je donne des solutions aussi face à cette hérésie pas digne du rugby professionnel en 2016. Tu parles de branlée (62 à 13) contre les Blacks. Est-ce que ça t'a empêché de dormir ?Oui bien sûr. Mais je parle aussi de la branlée que l'on a prise en 1997 pour la fermeture du parc des princes.
"Sur la coupe du monde, les regrets sont contre l'Irlande"
Est-ce que tu penses que cette défaite est due à toutes les problématiques que tu as rencontrées ?Sur la coupe du monde, les regrets sont contre l'Irlande. On s'était préparé depuis le 6 juillet. On est passé à côté de ce match. En tant que sélectionneur j'ai dû prendre mes responsabilités. Après contre les Blacks c'était différent. Il fallait un miracle. La frustration est plus sur l'Irlande où on a été battu sur la stratégie et sur nos points forts. On n'a pas eu les ressources pour gagner ce bras de fer. On a aussi le sentiment que les joueurs n'y croyaient pas ?Il faut être honnête, pendant 4 ans on a été régulier contre les nations de la 7e à la 15e place au classement IRB. Mais contre le top 5, on a été en très grande difficulté. On est un sport avec une certaine logique. La défaite contre les Blacks est plus ou moins normale, mais on ne s'attendait pas à prendre un tel score.
"Il faut remettre l'église au milieu du village. Et l'église c'est l'équipe de France"
Tu gardes de l'aigreur ou de l'amertume de cette campagne ?Non. À partir du 6 juillet, les joueurs ont bossé comme des fous. En tant que sélectionneur, je me suis attaché à cette préparation. Je pensais qu'avec cette préparation on allait rattraper le retard perdu à cause des problèmes structurels du rugby français. Ça n'a pas été le cas. Il faut se poser les bonnes questions sur notre rugby français. Nos jeunes ont du mal à avoir du temps de jeu en Top 14 ou en Pro D2. Nos meilleurs joueurs jouent 10 mois sur 12. Dans tout sport de combat et dans les autres pays, les joueurs ont au moins 4 mois de repos. Ce n'est plus possible. Il faut remettre l'église au milieu du village. Et l'église c'est l'équipe de France. On a joué devant plus de 13 millions de spectateurs. Que les joueurs jouent deux matchs puis retournent en club pour revenir après avec les bleus, ce n'est pas possible. Est-ce que l'équipe de France est toujours la plus importante pour le rugby français ? On peut se poser la question. Le rugby français est-il soignable ?Oui, mais il faut une entente entre le rugby français et la ligue pour trouver de vraies solutions. Actuellement, on gère de l'économie, mais ce serait bien de gérer du haut niveau et de la haute performance. Il faut que certains joueurs soient salariés de la fédération française de rugby. C'est ce que font les Néo-Zélandaises. Leurs joueurs jouent 25 matchs de très haut niveau dans l'année. Nous c'est plutôt 37 à 40. Fofana et Maestri quand je les ai pris en 2012, ils ont été exceptionnels. Mais notre organisation les a consumés. Ils sont en compétition onze mois sur douze. Au lieu de progresser et de se préserver, aujourd'hui ils ont beaucoup de pépins physiques. Dans le rugby français, le nombre de blessures a augmenté de 30% ou 40% depuis 4 ans. C'est aussi la beauté du Top 14. Chaque match est d'une intensité folle. Mais c'est très compliqué pour les joueurs. Il ne faut pas oublier que le rugby est un sport de combat. On ne demande pas à un boxeur de faire 40 combats par an. On a de supers joueurs et de supers mecs, mais il faut qu'ils jouent avec les mêmes règles que les autres.
"Il faut que certains joueurs soient salariés de la fédération française de rugby"
Est-ce que c'est bon de regarder le tournoi devant sa télé ?Oui à 49 ans je découvre les week-ends ce qui est agréable. Je regarde en famille avec des amis. Je suis toujours un fervent supporter. On bat l'Irlande ce qui n'est pas arrivé depuis 4 ans. Face aux Gallois les Français ont tout donné. Je me languis de voir le prochain match en écosse.Ça ne te manque pas ?J'ai eu la chance de jouer et d'être entraîneur. Depuis mes 5 ans et ma première licence de rugby, je n'ai jamais coupé. J’ai toujours un pied dans le rugby. J'ai créé une académie. Je suis dans la formation sans la pression du résultat en fin de semaine.On reverra Philippe Saint-André entraîneur ?Pas pour l'instant. Ce n'est pas dans l'actualité et je prends pour le moment du plaisir à regarder les matchs en tant que spectateur.
"On va dire que j’ai pris pas mal de plaquages à retardement et de plaquages cathédrale"
Dans ton livre tu n’es pas tendre avec Fabien Galthié. Les critiques t’ont fait mal ? Non, être sélectionneur et ne pas gagner c’est normal d’être critiqué. Mais j’ai joué avec Fabien Galthié et j’ai été son capitaine en équipe de France. Je n’ai pas accepté qu’il ferme la porte à Yannick Bru quand il était entraîneur de Montpellier alors que l’on faisait le tour des clubs. On va dire que j’ai pris pas mal de plaquages à retardement et de plaquages cathédrale. Là, j’en mets un virile, mais correct qui peut mériter le carton jaune et je l’assume totalement.Le fait que Yannick Bru soit resté. Est-ce que ça va faire gagner du temps à Guy Noves ?Oui. J'ai milité pour qu'il reste. Nous, on a fait beaucoup d'erreurs au début. Je voulais gagner du temps en gardant Quesada. Il connaissait les joueurs. Yannick est quelqu'un d'intelligent et c'est un très bon entraîneur. On voit déjà que son travail est positif. La mêlée a été prédominante dans la victoire du XV de France contre l'Irlande.
"On fait plus de 12 millions de téléspectateurs avec l'équipe de France et pas avec le Top 14"
Aujourd'hui il y a plusieurs candidats à la présidence FFR. Bonne chose pour toi ?Oui plus il y a de candidats, plus il y a d'idées. Le plus important c'est de parler de politique sportive sur le long terme. Sur la formation des entraîneurs, des joueurs, des éducateurs. De savoir qu'est-ce que la priorité ? Est-ce que c'est le Top 14 ou l'équipe de France ? Depuis 10 ans tout le monde parle beaucoup, mais rien n'est fait. Je propose des solutions dans mon livre par rapport à ce que j'ai vécu pendant 4 ans. Je vais l’évoquer devant une commission. On est dans un pays où on fait beaucoup de réunions, mais aujourd'hui il faut passer à l'acte pour faciliter le travail de Guy Novés durant les 3 prochaines années. Nos joueurs doivent avoir une intersaison de 3 mois. Il faut aussi que ce soit terminé de faire venir nos joueurs deux semaines, puis retour en club, puis retour avec la France et ainsi de suite. Les Gallois se sont préparés 15 jours avant notre match, alors que les bleus ont eu 5 jours et un entraîneur. Il faut un bloc de 7 ou 8 semaines durant le tournoi des 6 nations ou les joueurs restent en équipe de France. Si tu devais conserver une image, un moment, ce serait lequel ?Il y a eu de bons moments comme les victoires contre l'Australie par deux fois ou les victoires contre les Anglais qui font toujours plaisir. Aujourd'hui, j'ai juste envie que mon expérience face avancer un peu nos instances sur ce qu'il faut faire pour donner plus de moyens à l'équipe de France même si le Top 14 est une belle économie et qu'il est très intéressant. On fait plus de 12 millions de téléspectateurs avec l'équipe de France, pas avec le Top 14.