Au terme d'une campagne houleuse et après un été marqué des drames et des affaires judiciaires, Florian Grill a été largement réélu samedi à son poste de président de la Fédération française de rugby (FFR), avec comme mission de redresser une instance qui tangue.
Cette victoire, aux airs de plébiscite pour Grill, avec 67,22 % des voix et près de 85% de participation des quelques 1.900 clubs français, vient conforter sa position fragilement acquise dans une situation de crise en juin 2023, afin de terminer le mandat de Bernard Laporte, interrompu par la démission forcée de "Bernie".
A présent en poste jusqu'à l'automne 2028, Grill a finalement survécu sans encombre aux critiques parfois virulentes de son opposant, l'ancien international Didier Codorniou, qui avait notamment dénoncé son "esprit de boutiquier" en l'accusant de noircir le tableau à propos de l'état des finances de la FFR.
Le score sans appel de ce vote électronique, débuté vendredi et achevé samedi, a mis fin à ce duel tendu entre le sortant et le "Petit prince" aux 32 sélections, après un été cauchemardesque pour le rugby français.
L'inculpation pour viol aggravé de deux joueurs du XV de France, Oscar Jegou et Hugo Auradou, la suspension de 34 semaines pour propos racistes de Melvyn Jaminet, ont pesé sur le climat de la campagne, tout comme la disparition en mer du jeune Medhi Narjissi en Afrique du Sud lors d'un stage avec l'équipe de France des U18.
Ces différents événements n'ont cependant pas renversé les pronostics, qui ont toujours fait de Grill le favori face au candidat surprise Codorniou, venu du monde politique et éloigné du rugby depuis des décennies et sa retraite sportive.
"Ma première pensée va à Medhi Narjissi et sa famille", a d'ailleurs déclaré Florian Grill, très ému après la proclamation de sa victoire.
- "Redresser les comptes" -
Contrairement à juin 2023, où l'élection s'était tenue sous la pression du calendrier avant le Mondial en France et quelques mois après l'éviction forcée du président Bernard Laporte, condamné en première instance pour corruption, Florian Grill dispose cette fois-ci d'un "mandat démocratique très clair", qu'il appelait de ses voeux, et d'une majorité au comité directeur, avec 33 membres élus contre 5 pour la liste de Codorniou.
Ce dernier, indiquant sa "déception" mais "respecter pleinement le choix des électeurs" dans un communiqué, a d'ailleurs laissé planer le doute sur son éventuelle participation au comité directeur, préférant "le temps de la réflexion".
Le président réélu, qui espère également remporter les ligues régionales dans de prochaines élections, s'est fixé comme "premier chantier de redresser les comptes de la fédé", "sans plan social ni impôt sur les clubs". Après des années à enchaîner les déficits et avec les pertes de l'organisation du Mondial-2023 à éponger, la Fédération doit se serrer la ceinture et diminuer son train de vie.
De nombreux autres dossiers sont également urgents: stabilisés autour de 360.000, le nombre de licenciés n'est pas à la hauteur de la médiatisation du rugby, sport collectif phare mais qui peine à conserver ses jeunes, par manque d'encadrement ou crainte des dérives qui lui sont associés, la lutte contre les addictions et les violences.
- Retrouver l'apaisement -
Le chantier du rugby féminin, en pleine expansion mais sans infrastructures suffisantes, est lui aussi une priorité, à moins d'un an du prochain mondial féminin en Angleterre (22 août - 27 septembre 2025).
Charge également à Grill de ramener l'apaisement, après des dernières semaines tendues où le ton est monté entre les deux camps, jusqu'au premier jour du vote vendredi où le camp Codorniou a dénoncé des "irrégularités" et "incidents techniques".
"Je souhaite qu'ils trouvent ensemble un chemin pour l'apaisement dont a besoin la Fédération", a déclaré avant la proclamation des votes, Bernard Foucher, le président de la commission de surveillance des opérations électorales, pour qui le "climat tendu" de la campagne "ne correspond pas aux valeurs du rugby".
"L'apaisement on l’a obtenu quand on a été élu il y a 15 mois (en juin 2023, NDLR), et je ne doute pas qu'on va l'obtenir", a déclaré Grill en conférence de presse, qui a mis en avant la proportionnelle introduite sous son mandat au bureau fédéral, devenu comité stratégique. Cette tâche ne sera pas la moindre dans une fédération habituée aux guerres de clans.
Par Olivier BORIES / Marcoussis (France) (AFP) / © 2024 AFP