Devant 80.000 Anglais chauffés à blanc, Matthieu Jalibert, aligné à l'ouverture samedi contre l'Angleterre en l'absence de Romain Ntamack, a l'occasion de renouer le fil de son histoire en Bleu, souvent contrariée pour un joueur considéré comme un des tout meilleurs à son poste.
"Il va être relancé dans un match comme ça et nous, on ne fait pas une fixette sur ce sujet", a évacué l'arrière Thomas Ramos cette semaine, comme pour minimiser l'importance d'un tel rendez-vous pour le Bordelo-Béglais.
A 26 ans, Matthieu Jalibert vivra pourtant sa 35e cape sous le maillot bleu, mais n'a paradoxalement jamais semblé pouvoir s'installer sur la durée.
La faute, d'abord, à un horizon bouché par une charnière toulousaine complémentaire, constituée d'Antoine Dupont et Romain Ntamack, dont les automatismes en Rouge et Noir ont toujours été privilégiés par Fabien Galthié dès lors que l'ouvreur toulousain était disponible.
- Frustration -
Jugé plus imprévisible, et moins fiable en défense que son homologue de Toulouse d'un an son cadet, Jalibert a la plupart du temps fait son entrée dans le XV de départ quand Ntamack était indisponible.
Après des débuts à seulement 19 ans dans le Tournoi, aussitôt plombés par une grave blessure au genou qui l'a éloigné des terrains pendant un an, il a ensuite alterné entre périodes fastes avec l'UBB et moments frustrants en équipe de France.
Sa Coupe du monde 2023, vécue dans le rôle de l'ouvreur titulaire en raison de la grave blessure au genou de Ntamack avant la compétition, laisse un goût d'inachevé, comme pour le reste de l'équipe, avant un Tournoi 2024 décevant.
"Il a plus de 30 sélections, il ne débute pas aujourd'hui. Il a démarré très jeune face à l'Irlande, il démarre aussi le match d'ouverture de la Coupe du monde en 2023 face aux All Blacks", souligne Thomas Ramos, qui lui a été préféré au poste d'ouvreur lors de la dernière tournée d'automne.
Non retenu pour affronter la Nouvelle-Zélande en novembre, le demi d'ouverture girondin semblait avoir reculé au quatrième rang dans la hiérarchie derrière le trio toulousain Ntamack-Ramos-Dupont, le demi de mêlée pouvant glisser à l'ouverture.
Jalibert avait alors demandé à quitter Marcoussis, faisant craindre une rupture définitive avec le staff tricolore.
"Il n'y avait pas de polémique", a une nouvelle fois rassuré Fabien Galthié jeudi, affirmant qu'"il était très important d'identifier qu'à un moment, il y avait des signaux faibles qui faisaient que c'était bien de donner à ce joueur de l'air et de lui proposer de se régénérer".
- Vivre avec Dupont -
Dans son cocon bordelais où il évolue depuis ses 9 ans, il a remis la marche avant, livrant de très belles prestations, avant un coup de fil de Fabien Galthié au moment des fêtes, pour garder le lien.
"Il était très important pour nous de rester en contact. Je dis pour nous parce que je n'étais pas le seul à contacter Matthieu. Il avait son club aussi, il avait son environnement", souligne Galthié.
Convoqué parmi les 42 avant le Tournoi, Jalibert a vu la porte se rouvrir avec l'exclusion de Ntamack contre le pays de Galles en ouverture du Tournoi, synonyme de retour sur la feuille de match, et même dans le XV de départ pour le Crunch à Londres samedi.
Un terrain de jeu idéal pour briller, à condition que le poids de l'enjeu ne soit pas trop lourd. Le N.10 sera scruté dans sa faculté à conduire le jeu sans empiéter sur l'omnipotent Antoine Dupont à ses côtés.
"Matthieu connaît très bien le système, il l'a expérimenté à de nombreuses reprises ces dernières années", a tempéré Dupont en conférence de presse vendredi.
Malgré son jeu "un peu différent de celui de Romain", "on se connaît très bien maintenant. On a joué beaucoup de fois ensemble et je pense qu'on a cette connexion déjà entre nous" a rajouté le capitaine des Bleus.
Jalibert évoluera sur un fil, attendu sur ses qualités naturelles de joueur créatif, capable de faire basculer le sort d'une rencontre, mais à qui il sera demandé de ne pas trop en faire.
"On sait que c'est un poste-clé dans le système de jeu d'une équipe, à nous de lui faciliter les choses. Et de faciliter les choses à notre charnière pour qu'ils fassent le meilleur match", a assuré Thomas Ramos.
Par François BENEYTOU / Paris (AFP) / © 2025 AFP