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Ugo Mola dresse le bilan de la saison toulousaine

Par Mathilde Régis

Pour une émission spéciale de Sud Radio Sports, l'entraîneur en chef du stade toulousain, Ugo Mola, dresse le premier bilan d'une saison "paradoxale" au stade toulousain. Un club "qui se doit de faire mieux" à la saison prochaine.

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Pour une émission spéciale de Sud Radio Sports, l'entraîneur en chef du stade toulousain, Ugo Mola, dresse le premier bilan d'une saison "paradoxale" au stade toulousain. Un club "qui se doit de faire mieux" à la saison prochaine. Judith Soula : On va d’abord revenir sur ce dernier match de barrage perdu 21 à 16 face au Racing, as-tu des regrets que ce match qui était à votre portée ? Ugo Mola : On a toujours des regrets lorsque l'on perd. Pour ne pas en avoir, il faut jouer son meilleur niveau au moment clé. Malheureusement, on peut considérer qu'on a eu du retard à l'allumage, ce qui nous a été fatal sur le match. Les six points après lesquels on a couru tout au long de la rencontre, on n’a jamais été en mesure de les combler. Même quand on a eu la possibilité de passer devant, on n'a pas eu cette énergie ou cette justesse, qui nous a d’ailleurs très souvent manqué dans la saison. Avant ce match-là, vous étiez sur une bonne dynamique avec 6 victoires consécutives ? Oui, mais ce qui est délicat sur ce match-là, c'est de ne pas avoir été en mesure de jouer notre rugby, ce qui avait été le cas sur les six dernières journées. On savait que le Racing s'exposerait peu, qu'on irait très certainement de touches en mêlée. On savait aussi que le jeu au pied allait être essentiel, et comme très souvent dans ces matchs un peu fermés, capital. Force est de reconnaître qu'on vole trois ballons au Racing en touche et qu’on en perd cinq. Sur la mêlée, on est ultra dominant. Mais au final, la domination est un peu stérile. La touche est un secteur qui a été défaillant pour le stade toulousain, c'est ce qui explique le choix de sortir ton talonneur à vers la 54e, Imanol Harinordoquy, qui était ton capitaine de touche ? Ça a surpris parce que l'émotion et la passion prennent le dessus sur l'aspect pragmatique. Malheureusement, Imanol ne réalise pas une très bonne partie. On a fait le choix de six remplaçants devant, on veut insuffler ce sang neuf, ça passe par ces choix-là. Je trouve ça tellement cruel de finir sur ça, puisque c'était son dernier match. Mais à ce moment-là, il fallait qu'il se passe quelque chose dans le match. À plus de 50 minutes, si on ne change pas, si on ne coache pas, c'est de l'ingérence. Sur ce match, c'est plus un contre du Racing qui a été performant et qui a eu une capacité à nous mettre en difficulté dans le secteur de la touche. Un secteur qui, tout au long de la saison, ne nous a pas forcément permis de lancer le jeu. On est deuxième attaque aux essais avec 80 essais, mais on n'en marque très peu sur touche. C'est en voie de progrès.

"Il nous manquait des munitions pour exister"

La touche est un problème depuis quelques années au stade toulousain ? Il est clair qu'on a besoin d'expertise et aussi de la fraîcheur que certaines recrues vont nous apporter. Pour revenir sur le cas d'Imanol, on a tellement de respect que malgré tout, c'est un crève-cœur. C'est une histoire de choix, d'équilibre. Marc Liévremont, l'ancien sélectionneur des bleus, peste sur la qualité du jeu produit lors de ces barrages. Tu as eu le sentiment que tes joueurs ont moins osé ou moins joué ? Quand tu perds dix ballons directs à jouer, quand on a la volonté de jouer, malgré notre manque de justesse technique, c'est évident que tu n'as pas la possibilité de lancer le jeu ! On peut rivaliser avec des équipes comme Toulon, le Racing ou Montpellier, dès l'instant où l'on lance le jeu, c'est-à-dire où l'on est en possession du ballon. Du moment où l'on est sur de la conquête directe, sur du jeu au pied ou de l'occupation, on sait qu'on est en danger. On savait qu'on avait besoin de jouer et de lancer le jeu. Malheureusement quand vous faites la balance, on a trop peu de ballons à se mettre sous la dent. Quand on lance enfin notre jeu pendant le match, on se retrouve à mourir sur la ligne. Il y a de gros regrets, car il nous manquait des munitions pour exister.C'était une saison de transition post Guy Novès. Pour toi, c'était ta première en tant qu'entraineur en chef au stade toulousain. Comment tu l'as vécu ? Il y a plein de choses très positives, mais j'ai la sensation qu'il y avait beaucoup d'attentes. Mais comment ne pas connaître ça dès l'instant où il y a 23 ans d’histoire et que moi, au bout d'une quarantaine de semaines, il fallait que j'assure l'essentiel. J'ai bénéficié du staff et des structures que Guy avait mis en place pendant des années, donc mon job a été grandement facilité. Mais ce n'est pas facile au quotidien, la comparaison est là. Je pense que ça existera un peu un moment, aussi par le fait que les hommes qui ont permis à Guy de gagner encore en 2012 sont encore là pour quelques-uns. Mais quand je prends la photo de 2012, beaucoup s'en vont cette année, d'autres partiront certainement l'année d'après. Réellement, au bout de ces deux années, on aura renouvellé un effectif, comme dans tous les clubs. Mais on aura renouvelé pour, je l'espère, être compétitif.

"Je n'ai jamais senti le groupe se désunir et lâcher"

Quel bilan fais-tu de cette saison ? Elle est paradoxale, car si on regarde les chiffres de manière objective, on finit première défense du championnat et deuxième attaque aux essais. Mais quand on revient sur les maux du match, on a un taux de réussite de 80% au pied, mais tu sais qu'à l'extérieur, si tu veux gagner, il faut avoir un taux quasiment parfait. On a aussi une conquête en touche qui nous fait défaut aux moments clés. Sur notre saison, on est premier sur la phase régulière avant le tournoi, on est sixième à la fin, et on redevient quasi premier avec Clermont sur la dernière partie de saison. Il y a des choses très positives. On perd notre saison tout simplement parce qu'on n'est pas en mesure de jouer un match de barrage à domicile ou en tout cas de jouer une demi-finale directe, c'est ça la réalité. Après, on peut tergiverser, mais ce sont des faits de matchs. La gestion que je n'ai pas - il faut reconnaître aussi ses faiblesses quand tu en as - c'est la gestion des internationaux pendant les autres compétitions. La grande leçon est qu'il faut que j'apprenne, moi , et l'ensemble du staff, à mieux gérer les doublons. C'est sur ce point que Guy Novès manque terriblement au stade toulousain. L'élimination en Coupe d'Europe a joué aussi sur la saison en championnat ?Je pense qu'on a eu des faits de matchs et de jeu heureux, et d'autres, un peu plus malheureux. Honnêtement, ce que je ne regrette pas et là où je suis admiratif, c'est que je n'ai jamais senti le groupe se désunir et lâcher n'importe quel match, hormis une performance à La Rochelle pendant le cœur du tournoi. Le reste du temps, on a été capable de se confronter et de quasiment rivaliser avec tout le monde, que ce soit à l'extérieur ou à domicile. C'est nous qui avons le plus de points sur nos rencontres à domicile. On a essayé de provoquer un rugby qui nous a permis de marquer 80 essais. Je pense qu'on est en mesure d'en marquer plus. C'est à nous d'aller vers cette voie-là. Pour cela, il nous faudra monter nos curseurs, de réussite au pied, en touche, et en habileté technique.

"La concurrence ne joue pas forcément avec les mêmes armes"

C'était une année d'apprentissage, cette première saison ? Je sais que si on se prend les pieds dans le tapis rapidement, tout sera remis en cause, mais ça fait partie du jeu. Je n'arrivais pas au stade toulousain avec une carte blanche et un rendez-vous dans cinq ans. On sait tous très bien qu'il nous faudra être performants. Mais on sait aussi qu'on a une concurrence qui ne joue pas forcément avec les mêmes armes, qu'on est obligé d'avoir nos ressources personnelles au club. On a une équipe qui a utilisé le plus de joueurs issus de la filière de formation française et celui qui donne le plus de temps de jeu aux joueurs français. On ne fait pas du "cocorico", mais si le stade toulousain veut continuer a exister avec la concurrence actuelle, il faudra que nos ressources viennent proprement de chez nous, parce qu'on n’aura pas les moyens d'aller les chercher ailleurs. C'est aussi simple que ça. Mais je ne vous cache pas qu'on passera par certains écueils et qu'on passera aussi par des périodes compliquées.L'environnement au stade toulousain n'a pas toujours été très sain, avec des rumeurs et des débats autour de la présidence et de la gestion du club. Est-ce que ça peut jouer un rôle dans les matchs et la saison ? Honnêtement, celui qui va vous dire que ça pollue le sportif est un menteur. Bien sûr qu'on a envie de travailler dans un climat de sérénité, mais tous les articles sulfureux était la veille de nos matchs contre Toulon ou Clermont. On n’avait pas de grands débats la veille de Pau ou la veille d'Agen. On sait très bien que quand on était à l'affiche de match qui comptait, forcément, les vielles affaires ressortaient. Le stade toulousain a aussi la particularité d'être à démocratie participative donc ça ne se passe pas comme ailleurs. On n'a pas ce mécène ou ce chef, ce patron ou ce mégalo à la tête du club qui va payer un prix d'or pour s'acheter son équipe. Malheureusement ou heureusement, moi je pense que c'est heureux, on fonctionne différemment. Mais la différence se paye cher. Quand je vois qu'on a la capacité de rentrer un joueur comme Dan Carter, je ne vous cache pas que l'entraîneur que je suis ne s'en serait pas privé. On a un club particulier, malheureusement, on ne ressort souvent que l'aspect négatif alors que cette année, encore une fois, des jeunes sont sortis du chapeau, des garçons sont en train de passer un cap. Notre première ligne va très certainement continuer l'aventure avec nous pendant de longues années et a été sollicitée très vite par des clubs très ambitieux pour s'acheter du jeune français pas cher. On a le demi de mêlée de l'équipe de France et des garçons comme Gaël Fickou, qui n'a que 22 ans et qui a été à la hauteur de sa réputation sur le match de barrage, à la différence de notre équipe. Autant de satisfactions qui font qu'il faudra quand même que le stade toulousain crée ses propres ressources. Cela passera par notre école de rugby, notre formation.

"Vincent Clerc, pour un coach, c'est de l'or en barre"

Une page va se tourner avec beaucoup d'arrêts de joueurs cette saison, tu as senti un poids avec tous ces départs, plus d'émotion que d'habitude ? J'ai essayé de dédramatiser la situation, même si c'est difficile. On a, encore une fois, trop de respect au stade toulousain. Il y a un changement lié à notre concurrence et à l'aspect des règles économiques qui détermine un peu un changement de cap. À savoir, cette capacité à ne plus faire et terminer sa carrière au stade toulousain comme par le passé, mais peut être à être un peu plus sur un climat compétitif et de performance. Forcément, je reviens à cette photo de 2012 lors du dernier titre du stade toulousain, cette photo-là va prendre du plomb dans l'aile, mais c'est inéluctable malheureusement. Ce poids de fin de carrière était quelque chose de très positif dans la préparation de la dernière ligne droite, puisqu'on s'est beaucoup servi de ça pour régénérer l'enthousiasme et le plaisir. Mais peut-être que sur le match de barrage, il nous a manqué un peu de fraîcheur mentale, et peut être même physique.Le départ de Vincent Clerc un peu "mal géré", ça t'as contrarié ? Oui parce que je pense que Vincent a un peu déjoué les pronostics. Il avait annoncé avant que j'arrive que c'était sa dernière année, donc un recrutement et un renouvellement de manière classique avaient été anticipés. C'est le bluff de son début de saison qui, en tant qu'entraîneur, m'a fait me poser des questions sur le fait de trouver une solution pour le renouveler. Le club a essayé des solutions qui ne sont pas forcément venues comme Vincent le souhaitait. Sans effleurer les secrets de l'affaire, je reste très heureux d'avoir pu côtoyer ce genre de joueur. Je pense que pour un coach, c'est de l'or en barre. Vous comprenez pourquoi il a 80 sélections et que c'est quasiment un des recordman d'essais sur notre championnat. Comme Thierry Dusautoir, Imanol Harinorquy et d'autres, ce sont des garçons qui ne laissent pas indifférents et qui permettent au club de s'inscrire dans le haut niveau permanent. Malheureusement, il faut aussi rappeler que Vincent à 35 ans et qu'il a envie d'aller vivre une aventure qui je trouve, sera plutôt enrichissante pour lui. Mais c'est dommage qu'on ait pas pu trouver de solution.

"On se doit de faire mieux à la saison prochaine"

Il y aura 11 départs pour 8 joueurs arrivés, il n'y aura pas de problème quantitatif ? Non, parce qu'on compte sur notre centre de formation. On a beaucoup de jeunes joueurs qui nous ont donné satisfaction. On voit que maintenant, nos jeunes piliers comptent pour des joueurs à part entière. On a deux jeunes qui participent à la Coupe du Monde de moins de 20 ans, un talonneur et une seconde ligne et on aura des rentrées de blessure. Il y a un équilibrage de fait, il y a des resignatures qui sont dans les tuyaux et qui devraient arriver dans les jours prochains. On espère conserver très longtemps Sébastien Bézy, Cyril Baille, Dorian Aldegheri, Yacouba Camara... Tous ces garçons qui comptent vraiment et sur lesquels on veut construire la génération future. Ils ont entre 20 et 24 ans, et on sait que le stade toulousain a besoin de sceller ce groupe-là pour investir fort et avoir des garçons sur lesquels on compte à long terme. Le stade toulousain est le club plus titré de France, mais n'a pas remporté le bouclier de Brennus depuis 2012. Est-ce que tu as un impératif de résultats, la saison prochaine par exemple ? L'impératif fixé par le président était de jouer la qualification systématique dans les six. Après, il y a aussi l'ambition que l'on a nous, au regard de l'équipe qui va être la nôtre la saison prochaine. On se doit de faire mieux que cette saison, dans tous les cas. Ce qui va aussi grandement fausser ou arranger la donne, ce sera le nombre d'internationaux que l'on aura. Il y a plein d'impératifs qui sont pénalisants. Aujourd'hui, quand on avance qu’on va faire jouer nos jeunes Français, on est aussi fier de les faire jouer que cela nous pénalise. Chaque fois qu'on a un jeune sélectionné, vous le payez plus cher et vous ne l'avez pas pendant quasiment la moitié du temps. Le système est un petit peu compliqué, il faut s'adapter et ne pas pleurer, car on connait les règles à l'avance. Mais dans tous les cas, on ne perdra pas de vu qu'il faut qu'on fasse mieux à la saison prochaine.

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