"Les mains, Pierre! Frappe-le au corps!": les appuis, la posture et les coups sont ceux d'un boxeur sans handicap physique. Le Français Pierre-Mickaël Hugues s'entraîne à New York tel un athlète valide mais il a deux prothèses à la place des jambes.
Invité pendant deux semaines aux Etats-Unis par l'ex-professionnel français des poids lourds Christophe Mendy, Pierre-Mickaël Hugues est né il y a 31 ans sans les parties inférieures des jambes en dessous des genoux.
Depuis toujours, "je me suis considéré comme un athlète valide, de manière identique, avec la même passion, parfois plus, pour arriver au même résultat", confie à l'AFP ce natif du sud de la France, d'une voix douce mais déterminée, dans le vacarme des entraînements d'une salle du quartier populaire et multiculturel de Harlem.
Boxeur amateur accompli, Pierre-Mickaël Hugues a traversé l'Atlantique fin novembre pour une première tournée afin de se faire connaître au pays où ce sport de combat est roi.
Alors que l'argent manque dans la boxe en France, il veut trouver des "financements" aux Etats-Unis et, espère-t-il, passer professionnel dans deux ans.
Infirmier et cadre de la Croix-Rouge, il rêve même des Jeux olympiques de Los Angeles en 2028.
- Dernière chance -
Il aura alors environ 35 ans et sait que ce sera sa dernière chance de se mesurer à des champions valides à ce niveau.
La boxe n'est pas une discipline des Jeux paralympiques et le Comité international olympique (CIO) décidera en 2025 s'il la conserve pour les JO de Los Angeles.
En débarquant sur des rings de Harlem et du Bronx, en se présentant dans des écoles de New York, le boxeur en situation de handicap a d'abord suscité de l'"étonnement", avoue-t-il.
Avant de forcer l'admiration grâce à son "envie" et sa "combativité" qu'il dit ressentir dès qu'il prend les gants.
"J'explique à ces jeunes qu'effectivement on a tous eu des phases difficiles, qui marquent notre histoire, et qu'on les a tous affrontées, d'une façon ou d'une autre", analyse le sportif.
"J'évolue dans mon sport comme toute personne valide, je m'entraîne aussi durement", insiste-t-il.
- Premier au monde -
Avec son physique de poids super welters (entre 67 et 70 kg), Hugues est le premier boxeur au monde en situation de handicap à être licencié en catégorie "valide amateur élite".
Membre de l'équipe de France militaire de boxe, il a 14 combats internationaux à son actif, dont huit victoires.
Mais d'où vient cette passion pour un sport en perte de vitesse en France ?
"J'ai eu une période dans ma vie où j'étais en fauteuil roulant, j'avais des broches dans la jambe et je regardais la boxe à la télé et je me disais +punaise, ça te correspond+ (...) Je me voyais là", raconte Pierre-Mickaël Hugues.
Bien sûr, reconnaît-il, "demandez à n'importe quel boxeur d'aller boxer avec des échasses, ça va être compliqué (...) Évidemment, on part avec des lacunes. Mais comme tout boxeur, même à très haut niveau, il y a toujours un gros travail à faire".
Son rêve américain ne serait pas réalisable sans l'ancien poids lourd français Christophe Mendy, 52 ans, réinstallé comme entraîneur et préparateur à New York après une carrière professionnelle en France et aux Etats-Unis.
Mendy fut cinquième aux JO d'Atlanta en 1996, médaillé de bronze aux championnats du monde la même année, finaliste européen en 1995 et cinq fois champion de France dans les années 1990.
"Tout le monde est impressionné lorsqu'on le voit", dit-il de son poulain.
"Au début on se méfie un peu et dès qu'il commence à boxer, on voit qu'il sait vraiment boxer comme un valide", se réjouit Christophe Mendy.
"Il faut être courageux, avoir la volonté. Si tu n'as pas ces armes-là, tu ne vas pas loin. Je pense qu'il les a (...) Sur le ring, il nous le prouve, il est déterminé, il sait ce qu'il veut", félicite encore l'illustre boxeur français.
Mais la route des JO est semée d'embûches.
Il faudra à Pierre-Mickaël Hugues intégrer la très performante équipe de France, être le premier dans sa catégorie et se qualifier dans des tournois de très haut niveau contre des boxeurs plus jeunes et plus titrés.
Par Nicolas REVISE / New York (AFP) / © 2024 AFP