Sud Radio Sports : quand on fait acte de candidature, on a un programme. Quelles sont les grandes lignes du vôtre pour la présidence de la fédération ? Alexis Gramblat : J'ai décidé de faire acte de candidature, car depuis quelques mois, l'image de notre fédération était assez écornée, notamment parce qu'on a, comme dans d'autres fédérations sportives, des pratiques au moins douteuses, en tout cas malsaines. Ces pratiques sont la marque de l'entre-soi : de gens qui sont accrochés à leurs postes de dirigeant depuis des années, qui ont tous des dossiers les uns sur les autres et qui se tiennent en otage et négocient des postes entre eux. On est très loin de l'esprit sportif, de l'éthique et de la morale que je prône. Dans mon programme, le premier volet est donc un changement du mode de gouvernance de la fédération. Je voudrais qu'elle soit plus ouverte, beaucoup plus paritaire et plus transparente. J'ai beaucoup de retours de clubs qui me disent qu'ils ne savent pas ce qu'il se passe avec l'argent de la fédération. Il faut aussi une gouvernance plus participative qui permette aux clubs et aux licenciés d'exprimer leurs idées pour qu'elles puissent être prises en compte par le comité de directeur. Un autre axe de mon programme est de reprendre complètement la politique envers les clubs et les licenciés. Nous avons beau être la deuxième fédération de sport en France, c'est une fédération qui aujourd'hui perd des licenciés continuellement. Je pense qu'on va continuer à regarder cela longtemps en tant que spectateur si l’on agit pas clairement dans les clubs pour réinjecter de la vie et s'appuyer sur les gens essentiels qui ont été oubliés et ne sont pas valorisés : les enseignants.Pour vous les clubs sont le socle du tennis ?Bien sûr, c'est là que se joue le tennis et pas dans les instances de la fédération à Paris. C'est en ça que je considère être le candidat le mieux placé aujourd'hui dans cette course à la présidence. J'ai joué dans différents clubs, je sais ce que c'est que la vie d'un club. Aujourd'hui, j'ai en face de moi des gens qui sont depuis 25 ans dans les instances et qui fréquentent les clubs seulement pour inaugurer des courts de Tennis.
"Celui qui doit représenter la fédération vis-à-vis de l'extérieur c'est le président, pas le directeur général"
Tu te présentes un peu aujourd'hui comme un chevalier blanc, c'est vrai que tu viens plus de la vie civile plus que de la vie sportive par rapport aux deux autres élus. Qu'est-ce que pour toi un bon président ? Quel est son rôle finalement ?Dans l'ensemble, c'est plutôt une fédération qui va bien, mais je pense qu'on peut faire beaucoup mieux. Je pense qu'un bon président, c'est quelqu'un qui sait de quoi il parle quand il parle de tennis, qui a une sensibilité tennis et qui a été sur le court à un moment donné. La fédération française de tennis (FFT) n'a pas de règle comme la fédération française de judo qui exige que les membres de son comité directeur aient tous été au moins ceinture noire. À mon avis, avoir un certain vécu tennistique pour prétendre pouvoir diriger la fédération, c'est déjà une bonne chose.Noël Le Graët était président de la fédération française de football et il n'y a jamais joué...On a longtemps parlé de Michel Platini pour la FIFA en se disant que c'était pas mal, car il avait connu le haut niveau. Les problèmes que l'on sait l'ont empêché finalement de prendre la présidence de la FIFA, mais tout le monde se disait qu'il aurait probablement fait un très bon président. Je dis simplement que c'est pas mal d'avoir un vécu tennis pour être président de la fédération. C'était le cas d'ailleurs des trois derniers présidents. Là, dans les deux autres candidats proposés, il n'y a pas véritablement de joueurs de tennis. Ensuite, pour moi, un bon président, c'est un président dont la voix porte. Non seulement au niveau national pour discuter avec des partenaires de la fédération, les institutionnels, les politiques... Mais aussi au niveau international dans les instances pour par exemple défendre la place de Rolland Garros dans le Grand Chelem, etc. Ça fait huit ans aujourd'hui qu'on n’entend pas le président, c'est le directeur général de la fédération qui avait pallié ces carences. Je pense que c'est au président de représenter la fédération. Évidemment, il y a des permanences et des salariés qui travaillent en collaboration avec le bureau, mais celui qui doit représenter la fédération vis-à-vis de l'extérieur c'est le président, pas le directeur général.
"Il faut responsabiliser nos joueurs dès le plus jeune âge"
Vous avez également voulu pointer du doigt le rôle des champions, de responsabiliser davantage ceux qui font le tennis français ?Quand je parle de responsabilisation des champions, on est plutôt dans la partie de mon programme concernant le haut niveau. Si on se penche un peu sur le parcours de nos champions dans les trente dernières années, on se rend compte qu'on est capable de sortir d'excellents joueurs. On est probablement la nation la plus représentée dans le Top 100 chez les hommes, c'est un peu plus difficile chez les femmes, mais cela n'a pas toujours été comme ça. On se rend compte que depuis 33 ans on n’a pas gagné un Grand Chelem chez les hommes, on en a gagné chez les femmes, on doit encore chercher, à mon avis, les pistes pour s'améliorer. Cela passe par une plus grande responsabilisation des jeunes champions. Il faut qu'ils réalisent que tout n'est pas aussi facile que cela peut l'être en France pour les jeunes espoirs. Ils sont pris en charge très tôt, tout est quasiment gratuit, je trouve que ce serait bien qu'ils aient pour commencer, une notion de ce que cela coûte, qu'ils participent aux frais de leur entraînement, soit par un système de remboursement quand ils deviennent forts, soit directement. Il y a toute une réflexion à mener là dessus à mon avis. Leur faire tout avoir trop facilement, jeune, ce n'est pas forcément leur rendre service pour quand ils arrivent sur le circuit plus tard. Le circuit du tennis professionnel est un monde extrêmement dur. Les joueurs serbes ou tchèques n'ont pas forcément la chance d'avoir les structures qu'on est capable d'offrir à nos jeunes joueurs. S'ils veulent pouvoir voyager avec le coach, le préparateur physique, etc., ils doivent gagner eux-mêmes très tôt leur argent. C'est évidemment aussi le cas pour tout un tas de joueurs français, mais je dis simplement que je pense qu'il faut aujourd'hui responsabiliser nos joueurs dès le plus jeune âge. Une autre forme de responsabilisation est qu'il faut organiser de manière plus structurée un passage de relai entre les générations, il faut que les anciens parrainent en quelque sorte ceux qui arrivent sur le circuit. On a beaucoup à gagner par la transmission d'expérience des anciens, on en profite pas assez aujourd'hui.
"Je vais chercher à faire élire mes grands électeurs par les clubs et ainsi gagner l'élection"
Est-tu capable aujourd'hui de nous annoncer des gens, des soutiens forts, des noms de joueurs, de gens qui représentent un courant, on sait que ta difficulté par rapport aux deux autres candidats est de ne pas être déjà installé dans le sérail. Il va bien falloir que tu réunisses de grands électeurs, peut être qu'ils peuvent être attiré par le fait que tu pourrais avoir des soutiens d'anciens joueurs ou de personnalités du tennis qui croient en ton projet ?Je récuse un peu le terme sur le fait que je ne vienne pas du sérail, j'en viens clairement - ou de l'establishment on va dire- c'est la réalité. Ce qu'il y a, c'est que l'élection est ainsi faite qu'aujourd'hui, les grands électeurs ne sont pas connus. Malgré ce que voudraient peut-être faire croire mes adversaires en se partageant déjà les grands électeurs supposés, c'est-à-dire les présidents de ligue. Aujourd'hui, les présidents de ligue ne sont pas encore élus en tant que délégués à l'assemblée générale de la FFT, qui va élire ensuite le président et son équipe. On est très tôt dans le processus, je suis aujourd'hui avec mon équipe en train de construire ma base de soutien dans les clubs, dans les départements, dans les régions. Aujourd'hui, c'est vraiment prématuré d'annoncer des grands soutiens. En revanche, des marques de sympathie de la part de joueurs, d'entraîneurs, etc, j'en reçois énormément. Ce sur quoi je dois lutter, c'est que l'on me dit : ta candidature est sympa, fraîche, mais que c'est dommage que tu n'aies aucune chance. Là, je suis obligé de leur expliquer le système électoral comme je viens de le faire. Là où certains pensent que je vais avoir à faire avec des présidents de ligue qui sont installés, je dis non. En réalité, les clubs doivent savoir que c'est eux qui doivent décider en assemblée générale dans leurs comités départementaux et dans leurs ligues. C'est eux qui vont voter pour les délégués qui sont ensuite envoyés à l'assemblée générale de le fédération française de tennis. Cela correspond à mon discours, j'ai un discours qui est proche des clubs, je vais chercher à faire élire mes grands électeurs par les clubs et ainsi gagner l'élection.
"Je ne suis pas totalement pessimiste sur le projet de Roland Garros"
Peux-tu nous éclaircir, puisque tu es avocat et donc un professionnel du droit. Il semble bien que la bombe qui a fait éclater tout le système soit la difficulté à faire passer le projet de Roland Garros et l'incapacité des élus de jouer d'un certain nombre de lobbys. As-tu vu une faille en lisant le dossier, comment le prendrais-tu ?Je ne suis pas convaincu que la décision de rester à Roland Garros il y a cinq ou six ans était la bonne décision. En revanche maintenant, la décision a été prise, le projet a été enclenché, on a des échéances importantes avec notamment Paris 2024 et on fait face à une concurrence féroce des autres tournois du Grand Chelem. Je crois que le projet est tellement engagé aujourd'hui qu'on n’a pas d'autres choix que de vivre avec et d'essayer de le mener à son terme. Ça va se poursuivre jusqu'à l'élection qui a lieu en février 2017, donc c'est quelque chose dont je ne suis pas maître, n'étant pas aujourd'hui en position de décider quoi que ce soit à la fédération française de tennis. Aujourd'hui, le projet est à l'arrêt, il est suspendu par deux décisions de justice. Pour avoir lu les deux décisions, je ne suis pas totalement pessimiste, je pense que la fédération à de bons avocats qui seront à même de débloquer la situation. Ce que je dis en revanche, c'est que si on est face à cette situation, si la fédération se retrouve en opposition frontale avec les associations écologistes et de protection du patrimoine, c'est peut-être parce qu'en amont, il n'y a pas un travail important de concertation, de lobbying, même s'il y en a eu. Ces associations ont constamment eu en face d'elles le directeur général de la fédération. Il avait beau être très compétent et mettre toute son énergie et son poids dans la balance, il n'était pas le président. Ces associations, je pense qu'elles auraient probablement aimé se sentir considérées, avoir quelqu'un en face d'elles qui représentait réellement la fédération pour discuter, c'est-à-dire le président. Je pense que c'est là qu'il faut reprendre les choses, leur présenter quelqu'un de nouveau, qui n'était pas dans le dossier jusqu'à présent et qui sera à même de les écouter et de voir comment on peut travailler ensemble sur ce projet de Roland Garros.