Vous avez été un peu abasourdi par la première partie de ce rapport, qu'avez vous appris en lisant la seconde ?"De mon point de vue, la deuxième partie du rapport fait « pschit ». Ce n'est pas la bombe qui avait été annoncé, notamment par le président de la commission Dick Pound. La première partie, c'était 378 pages, là il s'agit d'un document de 95 pages. Il y a certes un peu plus de détails sur la corruption en Russie et sur le cabinet noir qui était autour de Lamine Diack (ndlr : l'ex patron de l'athlétisme mondial). Une phrase évoque que l'IAAF a eu du mal a travaillé avec six pays : la Russie évidemment, mais aussi l'Ukraine, la Turquie, le Maroc, l'Espagne et le Kenya. Mais le rapport ne dit pas les raisons des difficultés. À propos des analyses suspectes, sur les 7200 tests en 10 ans, 600 sont atypiques. Cela relativise un peu le problème. En plus, le rapport ne dit pas que ces tests sont atypiques parce qu'il y a des suspicions de dopage, mais aussi peut-être parce qu'ils seraient liés à des pathologies particulières aux individus que cela mériterait une analyse plus profonde. Il y a aussi une partie du rapport plus positive à l'égard de la Fédération Internationale d'Athlétisme - mis à part le problème de la corruption et de la Russie – le travail précurseur de la fédération est reconnu puisque c'est la première a avoir mis en place le passeport biologique et c'est celle qui fait le plus de contrôles sur les athlètes, etc. La cerise sur la gâteau, c'est que finalement le rapport dit que Sebastian Coe est le mieux placé pour redresser la situation. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, lui aussi avait la tête sous l'eau."Il est quand même toujours fait état de corruption et de dopage organisé... C'est donc tout un système à revoir ?"Bien entendu, mais cela on l'avait compris dès le premier rapport en novembre 2015. Nous avons eu une réunion du conseil de l'IAAF à ce moment-là et nous avons annoncé avec Sebastian Coe les mesures que nous comptions mettre en œuvre dès le début de l'année : la création d'une autorité indépendante sur l'intégrité avec la possibilité d'enquêter sur les problèmes de corruption, de gouvernance et de dopage."
"Sebastian Coe était le mieux placé pour remettre les choses en ordre"
L'actuel président de la fédération internationale, Sebastian Coe, est-il selon vous l'homme de la situation ?"Je le dis depuis le début, je n'ai jamais pensé autrement. Son projet, quand il a été candidat à la présidence, était déjà autour de l'intégrité. La commission d'enquête a commencé a travailler en novembre 2014 et c'est un an plus tard que nous avons eu le résultat. Forcément, quelques informations avaient fuité avant, c'est pour ça que Sebastian Coe était le mieux placé pour remettre les choses en ordre. Ce qui est dommage, c'est que pendant toute cette période là, on l'a pointé du doigt. Certains médias lui ont même demandé de démissionner."Il y avait notamment le dossier des championnats du monde aux Etats-Unis qui lui faisait défaut..."Oui mais à ce moment là il faudrait tout remettre tout en cause : le dossier des championnats du monde à Doha et le dossier du championnat à Londres en 2017 ! Je pense que cette enquête est suffisante. Les faits sont très graves, c'est pour nous une épreuve considérable. L'image de notre sport a été atteinte au plus profond avec la corruption, le chantage qui est fait aux athlètes, etc. Pour nous ce qu'il y a de pire, c'est le système qui avait été mis en place en Russie. Maintenant que le deuxième rapport est sorti, je pense qu'il faut laisser la fédération mettre en place tout ce qui est envisagé pour redresser la situation et redonner une bonne image. De ce point de vue là, je fais partie de ceux qui disent que la fédération russe doit être suspendue toute l'année 2016. C'est une question de crédibilité de notre fédération internationale."Pas d'athlètes russes donc au Jeux Olympiques de Rio l'an prochain, c'est votre avis ?"Absolument."Pensez-vous que la crise que traverse l'athlétisme mondial a un impact sur l'athlétisme français ?"Pour nous ça n'a aucun impact puisque la France n'est pas citée dans le rapport. Ce qui aurait d'ailleurs été très surprenant. Nous avons la réputation, et ce n'est pas moi qui le dit, d'être l'une des fédérations les plus vertueuses en matière de lutte contre le dopage. Nous souhaitons simplement que la fédération internationale se mette au même niveau que nous. D'ailleurs, j'ai fait un certain nombre de propositions sur l'expérience que nous menons à la fédération française pour un meilleur suivi et une meilleure prévention des dangers du dopage, en particulier vis-à-vis des jeunes athlètes. J'ai aussi fait des propositions dans le domaine des sanctions, des amendes qu'il faudrait mettre à ceux qui trichent. Tout cela a été retenu et se trouve dans les propositions qui vont être mises en œuvre à partir de cette année."