Romain Amalric : Quand je regarde ton palmarès, quatre fois champions du Monde, trois fois champion d'Europe, finalement il ne manque qu'une case, celle des Jeux Olympiques...Camille Lacourt : J'ai fini quatrième il y a quatre ans et je n'ai pas été sélectionné il y a huit ans à cause d'une blessure. J'aimerai avoir au moins une médaille en revenant de Rio. J'espère qu'elle sera bien brillante. Tu gardes une frustration des souvenirs de Londres ? Je n'aime pas ce mot de frustration, car cela n'aide pas à avancer. J'ai appris de cette défaite, j'espère que je ne referai pas la même erreur, mais le sport reste quelque chose d'assez abstrait donc nous verrons bien.
"Les Championnats d'Europe ne sont pas un objectif"
Les championnats de France sont passés et le 16 mai, les Championnats d'Europe démarrent. Pour toi c'est un objectif ou un tremplin avant les Jeux ? Ce n'est pas un objectif. Clairement pour moi, l'objectif c'est les Jeux Olympiques. En natation, on ne peut pas se préparer pour 10 000 évènements dans la saison. On peut se préparer deux fois, mais trois cela fait beaucoup trop. Les championnats d'Europe, ce sera une compétition où l'on ne sera pas vraiment préparé, mais normalement, assez en forme. Le fait qu'il y ait de l'adversité et que ce soit une compétition internationale fera le reste. J'espère être assez en forme pour être compétitif, mais je pense que l'enjeu sera assez excitant pour l'être. Beaucoup de nageurs parlent de la forme du moment. Aujourd'hui, tu es programmé pour être en forme en août et pas forcément maintenant ? C'est ce qu'on recherche. L'objectif est d'être à plus de 100% aux Jeux, il va y avoir une grosse phase de travail, on commence déjà à bosser assez dur. On va un peu relever le pied pour les Championnats d'Europe histoire d'être compétitif et derrière on repart sur une très grosse masse de travail. Quels sont les points forts et les points faibles de Camille Lacourt ? Le point fort, c'est clairement la vitesse. J'arrive à nager très vite. Les points faibles sont plutôt les parties techniques, soit les départs ou les coulées. Je les travaille déjà depuis de nombreuses années, mais ce n'est pas aussi facile que pour d'autres. Le 100 mètres c'est toujours un virage de plus, tu préfères le 50 ou le 100 ? C'est délicat, mais je crois que je préfère le 100 mètres parce que c'est plus complexe. Il y a vraiment une stratégie de course, il ne faut pas s'envoyer en l'air direct, il faut rester concentré et ne pas forcer trop tôt. Mais c'est vrai que le 50 mètres, c'est là où je suis le plus à l'aise, il ne faut rien louper donc c'est quelque chose d'excitant aussi, mais c'est plus facile. Je suis plus attiré par ce qui est un peu plus compliqué. Le relai 4 fois 100 mètres en quatre nages a été médaillé lors des deux dernières éditions en championnat du monde donc c'est aussi une carte à jouer. Même si ça risque d'être un peu plus compliqué que les années précédentes, on y croit et on va essayer de s'entraîner le mieux possible pour allez essayer de jouer les challengers.
"Les minimas ont été quelque chose de nocif pour notre préparation"
Je reviens sur les championnats de France qui ont eu lieu à Montpellier il y a quelques semaines, 28 nageurs sont finalement qualifiés pour les Jeux Olympiques mais il n'y en avait que 10 qui avaient fait les minimas. Est-ce que tu considères qu'il y a eu un échec de la natation française sur la politique des minimas voulue par la fédération française de natation ? Je n'ai pas envie de rentrer dans une polémique, car je pense que l'équipe de France est compétitive. Je suis heureux qu'il y ait eu autant de repêches pour les Jeux parce qu'une équipe de France à dix ça n'existe pas et ce n'est pas concevable. Après, c'est vrai que je trouve que les minimas étaient trop durs, je l'avais dit avant les championnats de France. J'ai été un des rares a vraiment crever l'abcès et je pense que l'ambiance aux championnats de France s'en est vraiment ressenti. C'était une ambiance pesante, très lourde, et ce n'était pas quelque chose d'intéressant. Des gens ont essayé d'aller faire les minimas et ont raté leur course parce qu'ils sont partis trop vite ou qu'ils ont raté des petits détails. À l'arrivée, ils n'ont pas fait le temps non plus pour être repêchés, je trouve que c'est dommage. Pour moi, la natation lors des sélections c'est un temps à faire et être dans les deux premiers. Si on le fait, on part. Si on ne le fait pas, on ne part pas. Ce n'est pas une histoire de repêches. On parlait tout à l'heure de programmation de l'athlète, cette méthode de sélection n'est-elle pas un peu vache pour les nageurs ? Je pense que ce n'est pas forcément approprié parce que l'état de forme, on peut l'avoir, mais la motivation et toute l'excitation qu'il y a autour sont différentes. Le stress est beaucoup plus négatif au Championnat de France. On a un titre de champion de France a gagné, mais on en a tous quelques-uns donc on a surtout à perdre une participation aux Jeux. C'est vraiment un stress beaucoup plus négatif. Je pense que le fait d'avoir des minimas comme ça était vraiment quelque chose de nocif pour notre préparation. Maintenant c'est passé, il y a eu pas mal de repêches donc maintenant c'est que du positif. Mais c'est vrai que je n'étais pas d'accord avec ces minimas avant le Championnat de France, que je ne suis toujours pas d'accord aujourd'hui. Je suis juste ravie que la fédération ait fait le bon choix de repêcher pas mal de nageurs.
"Personne ne sera plus déçu ou plus content que moi si je gagne"
Il y a Camille Lacourt le nageur, mais aussi l'homme public. Ta notoriété a été grandissante depuis que tu as été champion du monde, comment tu vis cette célébrité ? Plutôt pas mal, j'essaye de faire au mieux, je pense qu'il y a des points positifs et négatifs. J'essaye d'être moi même et les gens sont plutôt sympa avec moi, donc ça se passe bien. Ça te met une pression supplémentaire pour le nageur que tu es ? Parce qu'il faut aussi des résultats ? Absolument pas, j'ai déjà eu un échec et je sais que jamais personne ne sera plus déçu que moi ou même plus content si je gagne. Je sais que les gens me soutiennent. J'espère que je leur ferai plaisir en gagnant et qu'ils vibreront avec moi, mais je sais que s'il y a déception, le soir, eux vont s'endormir serein en ayant oublié, mais c'est moi qui resterais avec ma déception. Ce n'est pas un stress supplémentaire, mais juste un plus.Tu as eu 31 ans ce week-end, tu considères être sur tes dernières années de natation, les Jeux seront vraiment peut-être le point d'orgue de ta fin de carrière ? J'arrive au bout, ça fait des années que je le dis. Rio est la dernière compétition où je serai autant préparé et aussi motivé. Mais aussi pour laquelle j'aurai fait autant de sacrifices pour être performant. Je pense que l'an prochain, je ferai une année plus cool à essayer de promouvoir un peu la natation et de me balader un peu plus et d'être un peu moins sur les entraînements. Ma dernière compétition sera vraiment Rio où je serai à 100%. Et après ? Je fais partie des nageurs chanceux, malheureusement on n'est pas beaucoup. J'ai signé il y a six ans un contrat avec Clarins pour être l'égérie de Clarins Men. Derrière, j'ai la chance d'avoir une reconversion dans leur entreprise. Donc là on commence déjà à voir où est-ce qu'on va me placer. J'espère que je serai aussi bon dans une piscine que pour eux, car c'est une société qui me tient à cœur, qui m'a énormément aidé et qui m'a amené beaucoup de sérénité tout au long de ma carrière. Je suis ravie d'évoluer et de changer de vie avec eux.
"Je pense qu'on est entre cinq et six à pouvoir avoir une médaille d'or à Rio"
Tu es natif de Narbonne, mais ta vie est à Marseille, elle le sera toujours ? Il y aura certainement Paris, mais j'espère garder un pied-à-terre à Marseille, car c'est ma ville d'adoption, j'adore le soleil. C'est ma ville de cœur, mais je devrais peut-être plus aller à Paris pour le côté professionnel. Tu es même déjà ambassadeur de cette ville puisque lundi on t'a vu en train de soutenir la candidature de Paris pour 2024, mais via la ville de Marseille qui est candidate pour notamment recevoir les épreuves de voile. Même si tu ne seras sûrement plus sportif en 2024, ça te tient à cœur cette candidature française ? Je pense que les Jeux sont une fête. Et je pense qu'aujourd'hui on a besoin d'être en fête de temps en temps. On a eu énormément de sport, notamment le football qui nous a fait vibrer dans notre pays. Je pense que les Jeux peuvent faire du bien à la France. Je pense que notre pays est magnifique, le faire découvrir au monde entier, ça peut être sympa. Je reviens sur le petit buzz sur les réseaux sociaux, ce week-end tu as fêté tes 31 ans et tu as posté une photo qui a fait le tour de la blogosphère, un mélange de Bref et de Very Bad Trip. J'espère que la soirée pour toi s'est bien passé et que ce n'était pas un vrai Very bad trip ? En fait c'était un tournage, la soirée s'est passée après, mais je pense que c'était très drôle sur les réseaux sociaux et ça a fait un très gros buzz, tant mieux pour la vidéo qui va sortir d'ici une quinzaine de jours. Qu'est ce qu'on peut te souhaiter ? Le titre olympique et une belle reconversion derrière. Ton adversaire principal, tu le connais ? Oui on se connait, mais je pense que ne mettre qu'un seul nom serait dénigrer les autres. Je pense qu'on est entre cinq et six à pouvoir avoir une médaille d'or à Rio donc ça va être serré. Il faudra être en forme le Jour J, car c'est rapide de ne pas passer en finale et de rester à ses portes. Il va falloir rester concentré, faire ce qu'il faut et après essayer de vraiment s'amuser et de toucher devant.