Tadej Pogacar peut-il enfin craquer le code ? Milan-Sanremo présente une équation quasi insoluble pour la superstar slovène qui aura besoin de tout son talent, et peut-être plus encore, pour dompter l'imprévisible Primavera samedi.
Il en rêve nuit et jour mais ses proches sont unanimes: de toutes les courses, la "Classicissima", premier des cinq Monuments de la saison, est probablement la plus difficile à gagner pour le triple vainqueur du Tour de France.
"Cela ne fait aucun doute. On en a parlé ensemble et il en est conscient. Il a plus de chances de gagner Paris-Roubaix que Sanremo", souligne auprès de l'AFP l'Italien Matteo Trentin, ancien coéquipier de Pogacar chez UAE et qui reste un partenaire d'entraînement régulier du Slovène.
"Tadej est le principal favori de toutes les courses dont il prend le départ mais Sanremo est différent", abonde l'Australien Michael Matthews, un autre grand copain de Pogi dans le peloton.
Pogacar lui-même l'admet: "c'est la course qui me tourmente le plus."
Pourquoi ? "C'est simple: le final n'est pas assez difficile pour lui permettre de faire la différence", explique Trentin, aujourd'hui chez Tudor, qui avait éliminé un paquet de concurrents de Pogacar en provoquant une cassure dans le Poggio en 2023, mais sans réussir à piéger le futur vainqueur Mathieu van der Poel.
- Passage de l'hiver au printemps -

Marco BERTORELLO - AFP
Milan-Sanremo, qui fête sa 116e édition, est une longue procession (289 km) de la grisaille de la banlieue milanaise aux douceurs de la Riviera. Une course au parfum incomparable, allégorie du passage de l'hiver au printemps, une ode au temps long, avant le final le plus électrique de la saison.
Pendant près de six heures, il ne se passe en général strictement rien, jusqu'à l'enchaînement dans les vingt derniers kilomètres de la Cipressa et du Poggio, deux bosses mythiques qui servent à trier les prétendants à la gloire de la meute.
Sauf que, et c'est le problème de Pogacar, elles ne sont ni très raides ni très longues – 5,6 km à 4,1% pour la Cipressa, 3,6 km à 3,8% pour le Poggio que les coureurs ont avalé à plus de... 38 km/h de moyenne l'an passé.
"Insuffisant, juge Matthews, pour se débarrasser de tous les gars plus rapides que Pogacar au sprint", comme Van der Poel, Mads Pedersen ou lui-même, qui seront encore parmi les favoris cette année avec Filippo Ganna et Tom Pidcock.
Ce scénario s'est répété ces deux dernières années: en 2023, Van der Poel, Ganna et Wout Van Aert (absent samedi) avaient répondu au démarrage de Pogacar pour le devancer dans cet ordre.
L'année dernière, ils étaient même onze à suivre la roue du Slovène, finalement troisième derrière Jasper Philipsen et Matthews.
- Cipressa ou Poggio ? -
Pour éviter une nouvelle frustration, deux options se présentent à Pogacar.
Partir dans la descente du Poggio, dont le sommet se trouve à 5,6 km de l'arrivée, comme Van der Poel en 2023 et surtout Matej Mohoric l'année précédente avec une prise de risques maximale.
Périlleux et sans garantie.
Ou se lancer dans un raid dès la Cipressa. Pogacar est coutumier de telles chevauchées fantastiques, comme récemment encore aux Strade Bianche, conquises malgré une chute spectaculaire dans les ronces dont il dit avoir parfaitement récupéré.
Mais à Sanremo, il reste une longue portion plate après la Cipressa qui favorise les regroupements.
"Attaquer dans la Cipressa, ça me paraît mission impossible. Il faudrait vraiment qu'il soit au-dessus du lot", estime auprès de l'AFP le Français Aurélien Paret-Peintre qui insiste sur l'effet de +drafting+ (aspiration) très fort dans des pentes aussi douces.
Le dernier à avoir gagné en attaquant dès la Cipressa était Gabriele Colombo. C'était en 1996.
Pour autant, tout le monde s'attend à ce que l'équipe UAE y imprime un rythme d'enfer et le record d'ascension (9:19 en 1996) risque de tomber.
"Il faut qu'ils durcissent la course au maximum. Ils n'ont pas le choix", insiste Matthews.

Fabio FERRARI - POOL/AFP
Suffisant pour se débarrasser des autres cadors ?
"Je ne sais pas, dit Trentin, mais ce que je sais, c'est que Tadej n'abandonnera pas avant de gagner Sanremo. Cette course est tout en haut de sa liste. Il a besoin d'une journée parfaite. Si tout s'imbrique parfaitement, il a une chance."
Certains incluent la météo dans cette équation. Pogacar adore les conditions difficiles et la pluie possible samedi pourrait favoriser le Slovène.
Par Jacques KLOPP / San Remo (Italie) (AFP) / © 2025 AFP