Sport populaire par exemple, et ce aux quatre coins de la planète, le football est intimement lié à l’histoire, la politique et la société des pays dans lesquels il est implanté. Maître de conférence à l’université de Limoges, agrégé d’histoire et spécialiste de l’histoire du football, Fabien Archambault revient pour Sud Radio sur les racines du football français, indissociables selon lui du… catholicisme. "Si le football est devenu le sport national en France, c’est d’abord grâce à l’Église catholique. Quand vous regardez les effectifs de la Fédération française aujourd’hui, les régions où il y a le plus de pratiquants sont les régions de l’ouest de la France et la région lyonnaise, là où les patronages catholiques étaient les plus investis. Dans le cadre de la laïcisation de la société et sa sécularisation au 19ème siècle, le grand combat entre les catholiques et les républicains se menait aussi sur le terrain de football. Cette mémoire perdure aujourd’hui en Bretagne et dans les Pays de la Loire, ou les catholiques sont encore forts. Dans le reste du pays, beaucoup de clubs professionnels viennent des anciennes associations catholiques, l’une des plus connues étant l’AJ Auxerre, patronage dédié à la vierge Marie", explique-t-il.
"Si le #football est devenu le sport national en France, c'est d'abord grâce à l'Eglise catholique", explique Fabien Archambault au micro de @DarmonMichael #SudRadioWE #CoupeDuMonde2018
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L’universitaire évoque par ailleurs la situation toute particulière de la ville de Marseille, où football et politique sont toujours intimement liés. "Une ville en France ressemble à la situation italienne, où le football est très important, à la fois une métaphore du destin collectif d’une communauté municipale et un acteur de ce destin collectif, avec donc des implications politiques. J’ai travaillé en Italie, où il y a en gros un tiers des clubs professionnels qui ont eu un homme politique à leur tête. En France, c’est beaucoup plus rare, sauf à Marseille. J’ai constaté dans les différentes trajectoires politiques en Italie que soit on faisait carrière en prenant le club de foot pour devenir maire, soit on accédait naturellement à la présidence du club une fois qu’on était maire. C’est ce qu’il s’est passé à Marseille, où Bernard Tapie aurait pu gagner en 1995 s’il n’y avait pas eu l’affaire OM-VA, en s’appuyant sur les groupes de supporters. C’est finalement Jean-Claude Gaudin qui conquiert la mairie et qui devient président de l’OM pendant un ou deux ans", rappelle-t-il.
"Un imaginaire un peu factice de la continuité de la grandeur de l’URSS"
Actualité oblige, Fabien Archambault est également revenu sur la Coupe du monde actuelle, vectrice de rayonnement international pour la Russie, organisatrice de l’événement. "Vladimir Poutine a réussi ce que l’URSS n’avait pas réussi à faire. À partir des années 1940-1950, l’URSS réintègre le mouvement sportif international pour montrer sa supériorité. Elle le fait très bien dans le mouvement olympique, les JO étant dominés par l’URSS jusqu’à sa disparition. En football, c’est plus compliqué car il est beaucoup plus aléatoire de bâtir une équipe capable de gagner le Mondial. Ils n’avaient par ailleurs jamais organisé le Mondial, leur dernière candidature remontant à 1990 où ils ont été battus par l’Italie", souligne-t-il.
"#Poutine réussit là où l’URSS a échoué. À partir des années 1950, l’URSS réintègre le mouvement sportif international pour montrer sa supériorité. Mais en football, c’est compliqué" (Fabien Archambault, historien spécialiste du foot) @DarmonMichael
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L’organisation du Mondial pourrait-elle alors servir de support de propagande pour le pouvoir russe ? L’utilisation de l’image de Lev Yachine, ancien gardien vedette du football soviétique et mondial dans les années 1950 et 1960, tend à le laisser croire. "La Russie n’a pas eu beaucoup de grands joueurs, elle prend donc en l’occurrence celui qui a été Ballon d’Or, ce qui n’est pas rien. Il est intéressant de voir le projet politique de Vladimir Poutine : à la fois la Russie éternelle, en s’appuyant sur l’orthodoxie, mais aussi l’URSS. Par l’intermédiaire de Lev Yachine, il y a tout cet imaginaire un peu factice de la volonté d’être le continuateur de la grandeur de l’URSS, non pas vue comme un pays socialiste mais comme une grande puissance internationale", analyse Fabien Archambault.