L’équipe de France de handball a dû procéder à un "nettoyage complet" du "traumatisme" vécu aux JO avant de se projeter sur le Mondial, où elle affronte l'Egypte mardi à Zagreb en quart de finale, a expliqué lundi son préparateur mental, Pierre Arthapignet.
QUESTION: Les Bleus disputent leur premier match couperet depuis les Jeux olympiques. Avez-vous senti un traumatisme psychologique après l'incroyable élimination en quarts de finale ?
REPONSE: "Il n'est pas évoqué consciemment, explicitement, mais on peut bien penser que, dans les arrières-pensées de chacun, il y a effectivement le souvenir assez récent du quart de finale loupé, et que chacun a à cœur de ne pas renouveler l'expérience. Chacun a fait un travail de deuil, parce que l'échec des Jeux a été quand même un micro-traumatisme au sein de l'équipe qu'il fallait absolument travailler, neutraliser pour s'engager dans cette compétition (le Mondial) sans vouloir rattraper l'erreur (des Jeux), ce qui aurait pu être l'erreur à commettre. Ils ne sont pas dans cet état d'esprit, même si, très certainement et à un niveau implicite, le souvenir reste présent et un peu chaud."
Q: Comment avez-vous effectué ce travail de deuil, dès le premier rassemblement en novembre ?
R: "Le travail a été individuel et au niveau de l'ensemble du groupe: il y avait évidemment un nettoyage complet à faire de cette expérience, et le plus proche possible des Jeux. J'utilise tous les leviers possibles et imaginables, des activités comme un +escape game+ ou des sessions collectives avec des métaphores qui font passer des messages implicites et indirects pour que la cohésion se fasse. Je fais ce qu'on appelle du +team building+."
Q: S'il convenait de ne pas nourrir le sentiment de revanche, quel levier avez-vous utilisé ?
R: "Pour moi, l'état d'esprit de revanche n'était pas une ressource mobilisable: on ne peut pas gagner dans la souffrance, avec le souvenir de quelque chose de cuisant. Ce qui était important, c'était que l'équipe de France retrouve son niveau, mais avec l'état d'esprit de garçons qui ont envie de gagner, pas forcément de +se revancher+ sur le passé. Je n'exclus pas que, pour certains, ça puisse être une ressource éventuelle, mais j'ai tout fait pour qu'ils en mobilisent d'autres comme l'enthousiasme, la cohésion, l'engagement, la loyauté vis-à-vis de l'équipe, le plaisir de jouer et de se retrouver ensemble. Des choses plus positives."
Q: Avez-vous fait un travail spécifique auprès de Guillaume Gille et de Dika Mem ? Le premier a pris le temps mort qui a amené la perte de balle fatale du second...
R: "Il n'y avait pas de raison de travailler spécifiquement avec Dika: cela aurait été mettre l'accent sur une responsabilité qu'il ne portait pas. Elle était partagée, à la fois pendant le temps mort et le réengagement de la balle. (Dika) l'a parfaitement bien traité, et les autres ne se sont pas réfugiés derrière un geste malheureux en disant +C'est lui le responsable, pas nous+."
Q: Et auprès de Guillaume Gille, le sélectionneur ?
R: "Je ne peux pas faire mon boulot sans travailler presque main dans la main avec Guillaume. Je n'ai pas fait spécifiquement de travail avec lui mais Guillaume fait partie d'un staff auprès de qui j'ai fait mon premier boulot. Parce que j'ai trouvé, quand je l'ai retrouvé en novembre, qu'il (l'encadrement) était considérablement affecté. Beaucoup plus que je ne l'avais imaginé. J'ai été impressionné par l'impact que ça avait eu sur des personnes dont l'engagement est total dans l'équipe."
Q: Les Bleus disent ne pas avoir su gérer la pression des Jeux à domicile. Aviez-vous travaillé avant la compétition sur cet aspect ?
R: "Non, et je ne suis pas certain du diagnostic. Selon moi, l'échec est multi-factoriel, lié à la gestion (mentale) de l'ensemble de la compétition. Aujourd'hui, les joueurs disent qu'ils prennent (le Mondial) match après match, une des conséquences (de l'échec des JO). Ce qui n'est pas du tout la même chose que d'aller chercher un résultat (le titre olympique, NDLR) et de s'y accrocher."
Propos recueillis par trois médias dont l'AFP
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