Henri Leconte, ancien numéro 5 mondial et finaliste en 88 à Roland Garros est depuis 7 ans consultant tennis pour Eurosport. Quelques jours avant les qualifications pour Roland Garros, il était l'invité de Sud Radio Sports pour discuter des chances tricolores. Sud Radio Sports : Quelles sont les chances tricolores pour Roland Garros ? Sont-elles vraiment réelles ?Henri Leconte : Elles sont réelles oui, notamment pour Gael Monfils qui a fait un très bon début de saison et surtout un très beau tournoi de Monte-Carlo où il a perdu en finale contre Raphael Nadal. Il était mécontent d'avoir perdu ce match, il le sentait bien. On va oublier un petit peu ce qu'il s'est passé à Rome. Je pense que c'est un vrai potentiel. Il en est conscient aujourd'hui et il fait tous les efforts, son association avec Mikael Billström a l'air de bien fonctionner. Aujourd'hui, ce que l'on souhaite c'est qu'il puisse continuer et pouvoir pratiquer ce même tennis sur quinze jours.Il a pris une nouvelle dimension ?Je crois qu'il a pris conscience de son vrai potentiel pour Roland Garros et qu'il va mettre toutes les chances de son côté et faire tout ce qui est possible pour pouvoir aller le plus loin. Il a déjà fait les demi-finales, après c'est la finale, et après on verra.Il fait peur désormais à ces adversaires ? Il faut faire peur pour s'imposer dans un tournoi du grand Chelem ?Il faut battre les meilleurs avant dans les tournois classiques pour les battre ensuite dans les tournois du grand Chelem. Il fait peur aujourd'hui. Il y a eu une déclaration de Raphael Nadal après le match, en disant qu'aujourd'hui il savait le potentiel de Gael, qu'il était un peu fou-fou, mais qu’aujourd'hui, il est vraiment rentré dans la partie et qu'il a certainement le potentiel d'aller en demi et en finale.
"On a quatre vraies chances de pouvoir aller le plus loin possible"
Jo Wilfried Tsonga est blessé aux adducteurs, on peut être inquiet pour sa participation à Roland Garros ?Moi je suis inquiet parce que c'est une surface qui demande énormément, il y a beaucoup de glissades. Reste à savoir s'il aura bien récupéré. S'il sera à 100 %, ça, Dieu seul le sait.Aujourd'hui on parle des chances de Gael Monfils, est ce qu'il y a d'autres joueurs qui peuvent créer la surprise côté français, on parle beaucoup de Lucas Pouille ?Il ne boxe pas dans la même catégorie. On a des joueurs français qui sont parmi les dix meilleurs joueurs du monde et qui n'ont peut-être pas encore le potentiel pour pouvoir gagner un Grand Chelem. Lucas Pouille est quelqu'un qui peut créer des sensations, battre de très bons joueurs, mais de là à aller au bout, c'est un petit peu trop juste pour l'instant. Mais il a énormément progressé. En plus c'est un attaquant, donc c'est plaisant à voir. Je pense qu'il va grandir et murir tout doucement. Mais aujourd'hui, on a quatre vraies chances de pouvoir vraiment aller le plus loin possible : Gael Monfils, Richard Gasquet, Gilles Simon et Jo Wilfried Tsonga. Même si Gilles ce n'est pas vraiment sa surface, disons qu'ils ont déjà l'habitude d'aller en deuxième semaine de grand chelem. Certains ont été en demi-finale, voire en finale pour Jo.C'est un tournoi que les joueurs apprécient Roland Garros, où ils se sentent à l'aise, mais c’est rarement le cas pour les joueurs français puisque Yannick Noah est le dernier à l'avoir remporté en 83, vous avez été finaliste en 88. Depuis ça a été un petit peu le désert. Comment peut-on l'expliquer ?C'est aussi une préparation, une force mentale qui est très importante. Il faut pouvoir utiliser le public, être très fort physiquement, battre les meilleurs auparavant, être bien au-delà des espérances en ayant confiance en soi et travailler très très très fort. Aujourd'hui, on n'a pas le droit à l'erreur.
"Le public de Roland Garros est très exigeant"
C'est donc davantage de pression ?La pression est pour tout le monde, je crois qu'il faut arrêter avec ça. Aujourd'hui, vous avez eu aussi un Andy Murray que je n'ai pas cité, qui est encore capable de pouvoir gagner Roland Garros parce qu'il a les armes pour le faire. Lui aussi a gagné Wimbledon, il avait énormément de pression, mais il l'a quand même fait. Je crois qu'aujourd'hui, on a aussi énormément de possibilités pour pouvoir travailler sur le mental. Donc la pression est pour tout le monde, plus forte pour les français, c'est vrai, parce qu'on les attend énormément. Mais il faut peut-être aussi savoir l'utiliser, cette pression.C'est un public exigeant ?C'est un public très exigeant, qui connaît le tennis, et où il faut être honnête : lorsque ça ne va pas, il faut leur dire : "aidez-moi" et ne pas rester enfermé dans son propre jeu en disant que "je n'y arrive pas, c'est de leur faute". Il faut communiquer avec. C'est un public qui n'est pas facile, il peut être versatile et contre vous aussi. Mais il faut savoir les utiliser un petit peu, ce que fait bien Gaël, que fais peut-être un peu moins Jo par moment.Est-ce qu'ils manquent de caractère ces joueurs français ?Ils ont tous leurs caractères, je crois qu'il n'y a pas de honte à dire à un moment : j'ai peur, je suis un être humain comme tout le monde, de pouvoir progresser, de pouvoir aussi avoir plus d'humilité, et essayer d'être parfois moins arrogant, d'être plus humble et puis d’arriver aussi à provoquer les choses. C'est comme un combat de boxe, il faut y aller. Il faut être fort, déterminé et lucide. Et surtout ne pas commencer à critiquer les uns et les autres pour certaines choses. Bien au contraire, assumer et se battre.
"Il y a du potentiel sur le tennis féminin"
Concernant le tennis féminin, le retour de Serena Williams est au bon moment, elle est en forme ?Elle le sait, dès qu'elle est en forme physiquement, elle est bien au-dessus des autres joueuses. Mais il y a d'autres potentiels, on a eu une énorme surprise avec Angelique Kerber à l'Open d'Australie, on peut encore en avoir aussi sur le tennis féminin. Surtout quand des joueuses sont manquantes comme Sharapova, qui marquait quand même un peu le tennis, aujourd'hui il y a des opportunités. Ça peut être quelque chose de positif aussi pour nos Françaises, Caroline Garcia, Kristina Mladenovic qui ont un potentiel et qui peuvent aussi très bien jouer à Roland Garros, mais il faut y croire.On a le sentiment que Mladenovic, Garcia, Cornet, n'aiment pas trop la terre battue ?Pour Caroline Garcia, on sait que c'est la pression, Kristina est capable de bousculer certaines joueuses, à elle d'y croire. Aujourd'hui, on n’a rien sans rien, il faut travailler et se remettre en question. Un Roland Garros, ça ne se prépare pas la veille, mais un an à l'avance. Vous disiez, quand je reviens à Roland Garros je repense forcément à ma finale ?J'y repense oui, ou à d'autres matchs extraordinaires que j'ai gagnés. Il y a de grands moments, et ça restera toujours quelque chose de particulier.Et dans votre carrière de consultant pour Eurosport, quels souvenirs particuliers avez-vous ?Il y en a tellement, la finale de l'année dernière était incroyable avec Stan Wawrinka, ce revers qu'il lâche de long de la ligne à 145 km/h. Roland Garros nous donne tellement de sensation qu'on a envie d'y revenir au plus vite. Grâce à Eurosport, on vit des moments extraordinaires.Vous retrouvez ces sensations sur d'autres tournois ?Non parce qu'on est à la maison. On le vit et on le prépare comme les joueurs. Là, on est en ébullition, car pour la première fois on retransmet les qualifications de Roland-Garros sur Eurosport donc on est déjà comme des lions en cage. Ça reste quelque chose de particulier et de beau, on le vit différemment en tant que consultant, mais avec beaucoup de plaisir.Un pronostic, la finale rêvée ?Je déteste ça parce que je suis mauvais, on ne peut pas savoir parce que ça dépend du tirage. Mais on voudrait un Gael Monfils contre un Rapha par exemple, ce serait fabuleux. Après chez les femmes, pourquoi une surprise comme à l'Open d'Australie ou encore un sacre pour Serena Williams. Ca va être un bon Roland Garros.